News - 08.10.2011

Mustapha Ben Jaafar: Ettakattol est prêt à participer à la gestion du pays pendant la transition

Première personnalité invitée à faire partie, le 17 janvier, du gouvernement d’union nationale formé par M. Mohamed Ghannouchi et premier à le quitter dès le lendemain matin, en protestation contre le maintien de ministres issus du RCD, le Dr Mustapha Ben Jaafar (70 ans), secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), Ettakatol, créera-t-il la surprise lors des prochaines élections du 23 octobre 2011 ? Crédité par les sondeurs, jusqu’au début de l’été d’un faible taux d’intentions de vote, il voit sa notoriété et celle de son parti augmenter sensiblement et ses chances de challenger celui qui viendra en première position, se confirmer de plus en plus. De là à le voir postuler à la magistrature suprême, il y a un pas que ses partisans franchissent allègrement.

Comment appréhende-t-il ce scrutin ? Où en sont les concertations menées avec les autres partis pour convenir dès à présent des grandes lignes de l’après-23 octobre ? Quelle est sa proximité avec les autres partis? Comment voit-il le retour de la confiance, la stabilisation du pays et la relance de l’économie ? Dans le modeste siège historique du FDTL, au 4 rue d’Angleterre, où il enchaîne , en présence de ses camarades de la première heure, audiences, réunions, accueil de délégations étrangères et interviews, il a répondu aux questions de Leaders.

Comment appréhendez-vous le scrutin du 23 octobre ?

Avec optimisme, un optimisme partagé par l’ensemble d’Ettakatol aussi. C’est un rendez-vous qui sera réussi sans aucune peur quant aux résultats qui sortiront des urnes.

Nous espérons qu’ils dégageront une majorité confortable de députés convaincus par un modèle de société commun, fondé sur des valeurs universelles de liberté, d’égalité et de démocratie. Le chemin est certes difficile et long mais nous avons confiance en la maturité de notre peuple, malgré les inquiétudes que certains essayent de nourrir entre les Tunisiens eux-mêmes et les partis.

Je suis optimiste quant aux résultats et quant à la capacité des partis importants de trouver la voie d’un accord sur la façon de gérer cette période délicate, aussi bien pour élaborer la Constitution que pour rétablir la confiance.

La restauration de la confiance est un élément essentiel si on veut que le pays retrouve la sécurité et la paix sociale, indispensables pour faire redémarrer l’économie. Les défis majeurs étant la lutte contre le chômage et les disparités régionales.

Avez-vous fixé un objectif précis quant au nombre de sièges à occuper ?

Pour notre parti, nous espérons atteindre un résultat qui nous permettra d’être influents et nos ambitions se situeraient autour d’une quarantaine de sièges au sein de l’Assemblée nationale constituante, plus ou moins.

Où en est la concertation engagée avec les autres partis ?

Nous avons entamé le processus de concertation, et nous allons le développer de manière plus accélérée au cours des semaines à venir, l’objectif étant de réduire au minimum le temps de discussion au lendemain du 23 octobre, en établissant le répertoire des points d’accord et ceux de divergence.

Quel serait le profil du futur président de la République ?

Compte tenu des objectifs visés, il faut porter à la tête de l’Etat une personnalité consensuelle capable de regagner la confiance du peuple dans sa large diversité et être acceptable par tous les partis politiques.

Doit-elle être issue de l’Assemblée Constituante ?

Pas nécessairement. Cela fera l’objet de discussions avant les élections, comme au sein de l’Assemblée, sans exclusion. Nous devons élargir le choix autant que possible.

Seriez-vous personnellement candidat à la présidence de la République ?

C’est possible ! Mais, ce sera en fonction des résultats issus des urnes, du climat général au sein de la Constituante et dans la cohérence générale.

Et pour ce qui est du chef du gouvernement ?

Il doit être issu de la majorité et bénéficier du soutien d’une majorité confortable. Ce n’est pas une question de score remporté par tel ou tel parti qui sera déterminante dans ce choix. Le système de scrutin, d’ailleurs, ne permet pas qu’un seul parti puisse dominer l’Assemblée, marquant ainsi un non-retour définitif d’un parti hégémonique. Mais, la qualité première qui présidera à la désignation du chef du gouvernement sera l’efficacité et la compétence. Il se doit de répondre aux défis qui s’exercent sur le pays en termes de résorption du chômage, de développement régional équilibré, de relance économique et d’incarnation de la nouvelle image de la Tunisie à l’international.

Comment concevez-vous la participation d’Ettakatol au prochain gouvernement ?

Ce n’est pas une question de marchandages. Deux grandes caractéristiques président à nos yeux :
1. L’intensité du signal de rupture avec le passé qui sera donnée
2. La compétence et l’efficacité dans la gestion des affaires du pays.
L’essentiel est de reconquérir la confiance du peuple, surtout celle des jeunes, les premiers à se trouver confrontés à la précarité et au chômage.

Si le choix ne se porte pas sur vous pour la magistrature suprême ou à la tête du gouvernement, accepteriez-vous de vous contenter d’être ministre ?


Nous sommes, à Ettakatol, au service de la transition et de sa réussite. Avec nos dirigeants, nos compétences et nos énergies, nous nous tenons prêts à contribuer à cette période exaltante et participer à la gestion du pays. C’est là un potentiel qui ne cherche qu’à s’impliquer utilement.

Quelle est votre proximité avec les autres partis politiques ?

C’est une proximité classique avec ceux qui partagent avec nous les mêmes orientations progressistes, d’un côté, et des orientations économiques et sociales, de l’autre.
L’essentiel est de rompre avec le passé, sans casser la machine. C’est là une démarche très délicate qui conduira à la recherche du plus large consensus possible, d’où l’idée d’un gouvernement d’unité nationale qui ne peut se former que par une très grande majorité, fondée sur une volonté commune, sans exclure aucune partie.

Vous avez des synergies particulières avec Ennahdha, par exemple ?

Notre expérience de dialogue avec différentes familles politiques, notamment en tant que partie prenante dans le collectif du 18 octobre 2005, comme un cadre de dialogue ayant pour objectif la coordination des luttes pour les libertés et non comme une alliance politique, ou encore au sein de l’alliance citoyenne a déjà forgé nos positions. Nous avons déjà engagé un dialogue avec toutes les forces d’avant le 14 janvier, même avec ceux dont nous ne partageons pas le modèle de société. Mais, nous croyons toujours que ce dialogue constitue le meilleur moyen de répondre aux défis du moment.

Notre attitude a été centrée sur le thème de : « Nous avons des adversaires, mais pas d’ennemis ! ». C’est ce qui nous a conduits à enterrer le discours de la peur et d’axer nos efforts sur la construction de notre parti et l’élaboration de notre programme, en évitant les querelles marginales et les sources de dissensions. Nous avons tant voulu que le paysage politique soit plus clair et apaisé pour que l’opinion publique se mobilise sur un seul et même objectif: la réussite de la transition démocratique. Finalement, les choses se passent comme nous l’avons souhaité. Après de multiples débats, nous avons choisi l’élection d’une Constituante, sur un mode de scrutin qui n’est pas parfait mais qui garantit une assemblée plurielle, et accepté le report des élections au 23 octobre, afin de faire réunir en leur faveur les meilleures conditions d’indépendance et de transparence. Nous avons refusé toutes tentatives de parasitage et nous espérons que nos concitoyens iront en masse voter et participer pleinement à la construction de la Tunisie nouvelle.

Pour ce qui est de la Constituante, avez-vous des principes sur l’inscription desquels vous insisterez particulièrement?

Les libertés fondamentales qui doivent être inamovibles quelle que soit la composition de l’Assemblée. On peut changer de majorité, mais on ne change pas de fondamentaux. Il y a aussi l’inscription des droits sociaux, l’égalité homme et femme, la liberté de l’information, la séparation des pouvoirs, l’équilibre entre les deux piliers de l’exécutif, c’est-à-dire le président de la République et le chef du gouvernement, étant acquis à un régime présidentiel aménagé, et la séparation entre Etat et religion…

Vous êtes pour la laïcité ?

Il faut une séparation entre le champ religieux et le champ politique. Je n’aime pas beaucoup le terme laïcité, parce qu’il n’est pas toujours bien compris par les Tunisiens et parce qu’il peut prendre différentes définitions. L’article premier de la Constitution de 1959 me convient parfaitement.

Comment jugerez-vous le succès des élections du 23 octobre ?

Le taux de participation sera la principale mesure de succès de ces élections, bien que des débats difficiles puissent être attendus, et certaines déceptions de la part des uns et des autres. Mais nous avons confiance dans l’instance chargée de l’organisation de ces élections. Bien entendu, des contestations mineures sont, comme lors de tout scrutin, inéluctables, mais j’espère qu’il n’y en aura pas de significatives.

Heureux le 14 janvier, vous étiez inquiet immédiatement après?

Surtout vigilant ! Dans toutes mes interventions, et dès le premier jour, j’ai effectivement appelé à la vigilance contre un retour de manivelle, un risque à ne jamais écarter. C’est ce que l’histoire des transitions démocratiques nous a enseignés et c’est le risque majeur qui nous guette. Je l’ai souvent rappelé, comme lorsqu’on a voulu nous entraîner sur le débat identitaire et d’autres questions non prioritaires. Le plus urgent à mes yeux, c’est de rompre avec le passé, sans chasse aux sorcières, et de tourner ensuite rapidement la page.

Je pense, en effet, que la bonne attitude à prendre, c’est que ceux qui sont responsables d’atteintes graves aux libertés et aux droits soient jugés, que d’autres figures impliquées dans le système, à d’autres niveaux et sans compromission préjudiciable, puissent venir s’exprimer sur leurs actes, puis nous devons tourner résolument la page. Le pays a besoin d’être apaisé pour refonder la Tunisie nouvelle sur des bases claires, et solides, fondées sur le respect des libertés et l’acceptation de l’autre".

Bio-Express

• Né le 8 décembre 1940 à Tunis
• Ancien professeur à la faculté de médecine de Tunis, chef du service de radiologie à l’Institut Salah-Azaïz puis au CHU La Rabta à Tunis et fondateur du syndicat des médecins hospitalo-universitaires en 1977
• Adhère au Néo-Destour et milite au sein de l’Union générale des étudiants tunisiens durant ses années d’études en France
• De retour à Tunis, il rejoint les dissidents du Néo-Destour, réunis autour d’Ahmed Mestiri, participe à la fondation de l’hebdomadaire Erraï et du Conseil des libertés en 1976, ancêtre de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH dont il sera élu vice-président de 1986 à 1994), et du Mouvement des démocrates socialistes en 1978
• Il quitte le MDS pour fonder, en 1994, le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) qui ne sera légalisé qu’en 2002 et dont le premier congrès n’a pu se tenir qu’en 2009.
• Candidat contre Ben Ali aux présidentielles d’octobre 2009, il en a été écarté par le Conseil Constitutionnel sous le motif qu’«un candidat doit être le chef élu de sa formation depuis au moins deux ans»
• Invité dès le 17 janvier à faire partie du gouvernement d’union nationale, en qualité de ministre de la Santé, il se désistera le lendemain en signe de protestation contre le maintien d’anciens ministres du RCD.
 

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