Opinions - 01.06.2015

Pour un développement durable à Sfax: Il faut fermer la SIAPE

Pour un développement durable à Sfax : Il faut fermer la SIAPE

Un environnement sain et une qualité de vie décente font partie des droits fondamentaux de tout être humain (un droit garanti par la nouvelle constitution). Tout projet  de développement doit absolument inclure la composante environnementale et il doit être associé à une  bonne  gouvernance associant tous les acteurs et  particulièrement la société civile à travers les associations et les  organisationsprofessionnelles.

Sfax est une ville marginalisée depuis cinq décennies.Elle a subi  les méfaits d'une industrie chimique polluante qui a empoisonné son atmosphère et dégradé sa qualité de vie.

Les études se succèdent et les chiffres sont alarmants (120 milles habitants riverains de la SIAPE souffrent encore des émanations de cette usine), beaucoup de promesses pendant les campagnes électorales mais rien de concret.

Les habitants de Sfax attendent des décisions claires du gouvernement actuel:

  • L’annonce d’une date qui mettrait fin à l’activité de la SIAPE sachant que la décision de sa fermeture a été  annoncée depuis plus de six ans (réunion du conseil ministériel du 02 avril 2009) et que la dépollution des côtes Nord de Sfax (Taparura) a été financée par un crédit de la BEI(Banque Européenne d’Investissement), l’octroi de ce crédit a été conditionné par la fermeture de la SIAPE.
  • Des décisions qui dédommagent la 2eme ville du pays des 60 années de nuisances de l’industrie chimique.
  • Des décisions concrètes pour un environnement sain et pour donner à la ville un visage où la qualité de vie  serait meilleure et commencerait à attirer l’investisseur tunisien et étranger.

Les différents gouvernements qui se sont succédés depuis la révolution n’ont rien envisagé pour la dépollution à Sfax.La commission consultative du développement régional a demandé l’actualisation du projet SMAP III un projet ambitieux (stratégie de gestion intégrée de la zone côtière sud du grand Sfax élaboré par la municipalité avec une large concertation du citoyen) mais rien n’a été programmé sachant que le projet Taparura ne peut être viable que si le littoral sud de Sfax aura été dépolluée et aménagée (encore une condition exigée par le BEI pour financer le projet Taparura)
 Dans la liste des grands projets, le groupe chimique tunisien (GCT) envisage des investissements pour la dépollution dans toutes ses zones de production mais la SIAPE à Sfax n’est pas mentionnée (programme environnemental 2008-2015 : mise à niveau environnemental du Groupe Chimique Tunisien – publication octobre 2012) ,
Alors qu’on attend la concrétisation de la décision de fermeture de cette usine obsolète vieille de 60 ans, on constate que quelques  voix s’élèvent contre cette décision sous prétexte que :

  • Cette usine n’est pas polluante et qu’il y a toujours lieu de la « bricoler » encore  pour qu’elle reste encore productive et moins polluante,
  • Déplacer cette industrie vers d’autres régions serait égoiste de la part des habitants de Sfax
  • la situation économique  et les problèmes de l’emploi nous imposent au moins de temporiser
  • Rien ne prouve que la SIAPE est source d’un taux  plus élevé de cancers et de maladies respiratoires et allergiques
  • L’industrie chimique à base de phosphate ne doit pas quitter Sfax au vu du savoir-faire acquis dans ce domaine et il faut garder le même site pour développer une industrie chimique propre
  • Le Groupe Chimique Tunisien a beaucoup donné à la région en termes  de dynamique économique et création d’emploi

A ces réflexions et interrogations,les réponses ont été avancées dans des études objectives et une réalité de terrain:

  1. Il est vrai que Sfax souffre de plusieurs sources de pollution mais la SIAPE reste la source principale et on n’a qu’à voir l’environnement désertique voire apocalyptique qui entoure cette usine et les dégâts catastrophiques engendrés sur l’arboriculture  limitrophe,( la région de Ain Fellat à 4 kilomètres au sud de l’usine était l’une des régions les plus fertiles de Sfax ) les programmes proposés pour traiter partiellement la pollution sont tellement  couteux (quelques dizaines de milliards ) et le nouveau produit qu’on a annoncé, le SSP(le superphosphate simple)utilise le phosphogypse mais aussi et encore du phosphate et de l’acide sulfurique qu’on va amener maintenant au centre-ville, c’est loin d’être une industrie non polluante mis à part les problèmes de coût de cette activité, l’absence de concertation avec les autorités locales (municipalité, ANPE, associations environnementales…), absence d’étude d’impact et de rentabilité.
  2. Il est plus logique de songer à d’autres activités économiques propres, à plus grande valeur ajoutée et ce au vu de la superficie occupée par la SIAPE et sa périphérie (des milliers d’hectares), des études de dépollution de tout le littoral sud doivent être engagées pour pouvoir proposer un projet intégré de développement durable.
  3. L’usine de la SIAPE à Sfax est une usine amortie (en service depuis 1952) donc obsolète et loin d’être conforme aux normes respectant  l’environnement (une priorité qui ne s’imposait pas à l’époque),la transformation des phosphates dans les nouvelles unités créées à la Skhira et  Mdhilla répond mieux aux normes environnementales internationales, d’autre part on ne peut concevoir encore la présence d’une usine aussi polluante au centre d’une ville  de 600 milles habitants, les chiffres de pollution atmosphérique sont très alarmants.
  4. Pour l’emploi, lors de la fermeture de l’usine NPK il y a une trentaine d’années les droits des employés ont été préservés, le tissu économique à Sfax a pu absorber tous les employés de l’usine. D’autre part, la fermeture de la SIAPE permet de dépolluer  le littoral sud qui s’étale sur plus de 5000 hectares, de réaliser plusieurs projets dont un pôle économique, une plateforme logistique et redynamiser le port ce qui donnerait donc une nouvelle dimension à la région et créerait des dizaines de milliers d’emplois, la dépollution du littoral mettrait en valeur des sites touristiques et de loisirs importants : le site archéologique de Thyna, la zone humide et son écosystème ainsi que le parc urbain.
  5. La relation facteurs environnementaux et cancers est prouvée scientifiquement, certaines maladies chroniques respiratoires et dermatologiques sont aussi très liées à la pollution, la faible radioactivité du phosphogypse est une réalité, la présence aussi de métaux lourds cancérigènes dans ces déchets est prouvée. Enfin on continue à débarquer le soufre au port de Sfax (au cœur de la ville), un agent connu par ses effets très dangereux sur la santé.
  6. Il est possible de développer l’industrie chimique propre mais en dehors du site de la SIAPE actuelle qui doit absolument faire partie d’un programme intégré de dépollution de tout le littoral sud (SMAP III), les brevets dont dispose le GCT et le capital humain doivent être exploités dans ce sens dans une optique de développement durable
  7. Il est vrai que le groupe chimique a créé des postes d’emploi et a développé l’industrie chimique mais malheureusement le GCT  n’ a  rien réinvesti à Sfax,on n’a pas vu d’études scientifiques objectives d’impact sur l’ environnement et la santé  financées par le GCT, on aurait aimé voir  le GCT  investir dans un centre de recherche de la chimie et/ou dans le technopole de Sfax (d’autres technopoles en Tunisie ont bénéficié de la manne financière du GCT et de la CPG),l’écologie et les technologies de l’environnement peuvent faire partie des activités du technopole. Le savoir-faire acquis dans la dépollution des côtes Nords (projet Taparura) est cité en exemple comme réussite à l’échelle mondiale
  8. Enfin avec la décentralisation et les prérogatives que garantit la constitution au pouvoir régional, il est inadmissible que des décisions continuent à être prises à Tunis sans concertation de la région, je cite l’intention du GCT de préserver encore une activité à la SIAPE malgré la décision de sa fermeture mais aussi les études que l’Office De la Marine Marchande et des Ports pour l’extension du port de commerce de Sfax sur les anciennes plages (côté Nord-Est) malgré l’opposition de la ville

Avec le potentiel qu’offre la région de Sfax pour contribuer efficacement à l’effort de développement du pays et l’orientation de son économie vers des secteurs à forte valeur ajoutée et respectueux de l’environnement (santé, technologies, industrie agroalimentaire…) il est temps de prendre une décision politique courageuse pour débarrasser la ville d’un frein majeur à son développement et à l’amélioration de sa qualité de vie et de son image. Les échéances qui attendent la ville - Sfax capitale de la culture arabe 2016 et l’organisation des jeux méditerranéens en 2021- deux évènements de dimension internationale, doivent mobiliser les décideurs pour concilier la ville avec son environnement.
 Une action citoyenne de grande envergure organisée par plusieurs associations à Sfax a été entamée  à  l'occasion  de la journée  mondiale de l'environnement le 5 juin
C’est une action de sensibilisation auprès des citoyens  et des décideurs  pour fermer la SIAPE, ayant comme slogan « la SIAPE dégage – Sfax progresse », utilisant cinq supports

  • Une carte postale à faire signer par les citoyens (plus de vingt milles cartes ont été signées par des citoyens)
  • Un autocollant
  • Un flyer expliquant brièvement le projet SMAP III(gestion intégrée du littoral sud de Sfax) et ses retombées positives sur la ville
  • Une affiche (milles affiches)
  • Un communiqué signé par plusieurs associations de développement  et d’environnement destiné aux décideurs (gouvernement, élus, GCT…)
  • une mobilisation citoyenne et un programme de sensibilisation à travers les réseaux sociaux 

Abdeljalil Gdoura
Association Beitelkhibra – Forum d’Action et de Développement
Association de Protection de la Nature et de l’Environnement à Sfax

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1 Commentaire
Les Commentaires
rekik ahmed - 02-06-2015 13:31

J'adhere parfaitement à l'analyse et aux differents commentaires presentés dans cet article . J'appuie cette position en affirmant que Sfax ne pourrait se developper et se hisser au rang de metropole que si elle libere son littoral pour en faire une ouverture sur la meditrranée ,et cela demande de hater la realisation du projet Taparurara qui traine depuis trente ans , realisation qui ne peut jouer son role de catalyseur que si on fait disparaitre la pollution du littoral sud .D'aileurs , l'etat Tunisien s'est engagé auprés des instances internationales pour la fermeture de la Siape et ce comme condition pour avoir le pret de la BEI ( banque europenne de developpement ) prêt qui a finnacé la depollution du littoral nord . Si certans decideurs sont tentés par l'idée de laisser faire le temps et imposer un modele de developpement contraire à la constitution qui exige la durabilité dans tout projet de deveoppement ,et contraire à la volonté de la region qui n'accepte plus qu'on decide pour elle et sans concertation. Sfax , gouvernorat d'un million d'habitants , est appelée à jouer le role d'un moteur de developement dans la Tunisie nouvelle ,non seulement pour elle , mais en complementarité avec les autres gouvernorats que groupera le district economique dont elle dependra !

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