News - 07.01.2012

Pressé de toutes parts : le dilemme du gouvernement Jebali

Quelle conduite tenir face à la recrudescence des sit-ins, grèves, mouvements sociaux de différentes formes, d’un côté et, de l’autre, le raidissement de la société civile et de nombreux médias, pour ne pas dire une hostilité déclarée? Le gouvernement Jebali ne s’en cache pas : il cherche la meilleure attitude à adopter en se fondant sur des principes qui restent cependant à partager par tous.

Etrennant ses fonctions de porte-parole du gouvernement (en plus de se charges de ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitoire), Samir Dilou, a essayé, lors de son premier briefing de presse, tenu samedi à la Kasbah, d’étayer la démarche retenue. « Au-delà de toute idéologie, précisera-t-il, le gouvernement Jebali entend être pragmatique. Il ne dispose pas de logiciel pour résoudre chaque problème qui se pose, mais entend s’appuyer sur une logique ».

Qu’il s’agisse des sit-ins à La Manouba ou dans les entreprises, « la réponse ne saurait provenir, affirme-t-il, de l’utilisation de la force, mais du dialogue et de la concertation, non pas entre le gouvernement et les protestataires seulement, mais aussi avec la contribution et la médiation de la société civile et des médias ».

La trilogie du gouvernement

Dilou mentionne trois considérations fondamentales. Il s’agit d’abord du respect du droit de grève ainsi que des droits à la libre expression et à la protestation. Ensuite, de tenir compte des droits des autres parties concernés, qu’il s’agissent d’étudiants et enseignants pour les établissements scolaires et universitaires et des employeurs et travailleurs non-grévistes, pour les entreprises, le principe étant de service l’intérêt des institutions et de privilégier celui de l’économie. Et, enfin, le respect des droits de l’Homme, en évitant toute atteinte à l’intégrité physique et morale des protestataires. « Le plafond des libertés et des revendications, souligne le porte parole du gouvernement, est très élevé, alors que celui de la gestion, dans le cadre des principes et de la loi, est bien limité ». La marge de manœuvre s’en trouve nettement réduite.

«L’Etat dispose de l’autorité et de la puissance nécessaires pour faire face à tous les débrayages et sit-ins, affirme-t-il. Il n’y a pas plus facile que de faire partir 10 ou 100 ou 1000 sit-inneurs par la force. Mais, ce n’est guère la manière la plus appropriée. C’est pourquoi, nous privilégions la concertation, sans pour autant que cela puisse être pris pour de la faiblesse, de l’hésitation ou de l’incapacité à prendre la bonne décision ». Tout est dit.

L’ampleur des dégâts et l’impératif du déblocage économique

En illustration des dégâts économiques subis, le ministre Dilou rappelle nombre d’indicateurs alarmants : 2.5 milliards de dinars en sinistres enregistrés en 2011, soit l’équivalent de ce qui aurait pu créer 100 000 emplois, 513 grèves dont seulement 164 grèves légales, 120 entreprises fermées, un manque à gagner de plus de 625 MD pour la Compagnie des Phosphates de Gabès dont les bénéfices ont reculé de 825 Md à 200 MD seulement, etc. « Nous faisons la différence entre une protestation qui bloque l’institution universitaire ou l’entreprise et celle non-moins revendicative mais qui n’impose aucune obstruction, précisera-t-il. Mais personne n’a le droit d’arrêter la poursuite des cours ou l’économie ».

Victimes : Oui, mais pas de réparations indues

Sur le même registre des revendications, mais d’une autre catégorie, à savoir celle des victimes de la révolution, entre blessés et martyrs, le ministre Dilou a voulu être clair et ferme. Clair, en rappelant les droits légitimes des victimes, affirmant au titre de la continuité de l’Etat, le respect des engagements pris par le gouvernement Caïd Essebsi, « même si certaines dispositions avaient été dictées par la forte pression des victimes », dira-t-il au passage, et soulignant les nouvelles mesures urgentes prises récemment (règlement de la 2ème tranche de l’indemnité, octroi d’une carte de soin et de transport, constitution d’une commission médicale d’expertise, etc.). Ferme, en affirmant que toute cette reconnaissance et cette considération ne sauraient ouvrir la voie à des pressions inacceptables sur le gouvernement afin de lui soutirer des avantages et réparations indus.

La visite d'Ismaïl Haniyeh

Certaines questions posées par les journalistes n’ont pas trouvé de réponses convaincantes. C’est le cas du statut de la visite du le chef du gouvernement du mouvement islamiste palestinien Hamas, Ismaïl Haniyeh. Qui était la puissance invitante : le gouvernement ? Auquel cas, cela risque d'être interprété comme une reconnaissance officielle alors que le gouvernement Haniyeh a été dissous ? Pourquoi l’ambassadeur de Palestine n’était pas invité pour l’accueillir ? Etc. Le porte-parole s'est contenté de répondre qu’il s’agit d’une invitation officielle émanant du chef du gouvernement et que toute reconsidération de la position de la Tunisie à l’égard du gouvernement palestinien sera annoncée en temps opportun, esquivant ainsi la confirmation d’une reconnaissance officielle.

L’épineuse question des médias

Reste le problème des médias auquel fait face le gouvernement Jebali. Nombre de journalistes se plaignent d’agressions subies, de difficultés rencontrées dans l’accès à l’information et l’exercice de leur métier en toute indépendance et, surtout de déclarations officielles mettant en doute leur éthique et leur professionnalisme. Le porte-parole du gouvernement monte immédiatement au créneau dans une tentative d’apaisement et de recentrage des relations avec la presse. Il commence par réaffirmer le respect du gouvernement pour les médias et le rôle qui est le leur dans l’accomplissement de la transition démocratique, regrette les incidents survenus et exprime son soutien aux journalistes qui en on fait l'objet, mais signale, de son côté, nombre de "dérapages" et de prises de position "partisanes".

Faisant allusion, sans doute, aux brûlots de Ben Brik et à d’autres articles qu’il n’a pas nommément mentionnés, Dilou a déclaré : « certains médias ont publié des articles qui les mettent sous le coup de la loi. Mais, là aussi, et comme pour ce qui est des mouvements sociaux, le gouvernement n’a pas voulu procéder de la sorte, faisant preuve de patience et de tolérance. Cette attitude ne doit pas nous être reprochée ». Comme pour faire bonne mesure, le ministre relève une nouvelle logique qui consiste à dire que « pour certains, toute critique est possible, sauf celle de la presse et des journalistes ». Il stigmatise l’attitude de certains journalistes qui ciblent sciemment certains dirigeants, n’hésitant pas à" leur poser des guet-apens".

Dilou ne cache pas son irritation devant l'usage du qualificatif " provisoire" que les médias, notamment la chaîne télévisée publique Watanya 1, accolent au gouvernement Jebali, soulignant « en avocat, son application inappropriée, depuis le scrutin du 23 octobre ». Ce disant, il oublie que les journalistes n'ont fait que reprendre la dénomination mentionnée par le décret-loi portant organisation provisoire des pouvoirs publics que sont parti avait voté . En aparté, à la fin du briefing de presse, et retrouvant son humour, il confiera : « vous savez, on parle aujourd’hui de quatre présidences influentes en Tunisie : celles de la République, du Gouvernement, de l’Assemblée constituante et … du journal télévisé de Watanya1 ». Ce qui nous parait tout de même injuste. Sachant que la même chaîne avait fait l'objet des mêmes critiques du temps du gouvernement Caïd Essebsi. En fait, M. Dilou semble confondre organe public et organe gouvernemental. Dans le cas de la télévision nationale, il s'agit bien d'un service public. 

La prestation du ministre Dilou illustre parfaitement le dilemme que vit le gouvernement Jebali, face à une situation tendue qu’il cherche à désamorcer. Une œuvre bien délicate et une bataille qui n’est pas gagnée d’avance. Les urgences dans le pays sont tellement nombreuses et vitales que des solutions, surtout politiques, doivent être rapidement mise en œuvre pour débloquer l’économie et mettre fin à la surenchère, dans le respect de toutes les composantes de la société.

Tags : Hamadi Jebali  
Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
9 Commentaires
Les Commentaires
bounab - 07-01-2012 17:46

Devant le recrudescence des gréves, noue suggerons que l'un des membres de la contituante dépose un projet de loi, toute provocation de gréves sans préavis quelque soit les membres ou l'administration ne seront pas payés, et on met ceci au parlement qui votera à main levé aprés un débat au parlement.Car il est inadmicible que le pays pour un oui pour non soit paralisé par les humeurs de certains irresponsables et qui n'ont aucun sens de la résponsabilité et Monsieur le premier Ministre se dégage de toutes résponsabiltés et prendre la nation comme temoin.

aberazak sassi - 07-01-2012 17:56

M. Dilou,ne révez pas trop et surtout pas longtemps,car ce que vous appelez les citoyens en sit in,ne sont aux yeux des electeurs tunisiens tous confondus, qu'une bande de voyous et représentent un grand danger public,qui va aboutir par la tunisie à la faillite "in chaa allah".Ces gens il faut les juger pour haute trahison et non pas chercher à les satisfaire.Réveillez vous de votre coma post électorale la Tunisie,notre bien aimé pays,est en danger imminent.

kichmet - 07-01-2012 18:18

Revendications,greves,si-in a croire qu'il suffit d'en faire pourque la galerie de ali baba s'ouvre et les problemes seront resolus. Point de tresor et les budgets de toute la planete ne peut resoudre les problemes tunisiens surtout quand veut tout et tout de suite.que faire: reunir la constituante,la presidence,le gouvernement,les organisations syndicales,patronales et ONG doivent discuter de tout et de fixer un calendrier et prendre position pour ou contre toute revendication ou debordement et tant qu'on y est la loi martiale a ete prolongee jusqu'a fin mars 2011 en attendant de trouver une position unanime appliquons la pour le bien de ceux qui n'ont a se mettre sous la dent(au propre et au figuire).....

artHur janot - 07-01-2012 18:40

oui, cette discussion illustre bien deux réalités. 1 Liberté oui mais contrôlée, voire muselée. Doit-on rappeler les ennuis faits à une chaîne télé montrée du doigt comme impie, etc etc. Certes la liberté cela s'apprend, les dérapages sont inévitables mais la richesse d'une démocratie c'est la liberté d'expression, la presse doit devenir et être un troisième pouvoir efficace - plus personne ne pourra dire ou faire n'importe quoi, il y aura toujours un journal pour relever l'erreur. 2 Ce gouvernement a été élu de façon provisoire pour élaborer une constitution. Les partis doivent se préparer à d'autres élections dans une année, il faut espérer que les jeux seront plus égaux, les électeurs plus nombreux et les résultats plus représentatifs de toute la Tunisie. Les partis modernistes et démocratiques doivent apprendre à persuader, à faire du terrain. La démocratie s'est aussi l'alternance.

afif - 07-01-2012 20:29

si le peuple, toutes classes confondues, ne se resaisse pas, ne retourne pas au travail et, surtout, ne comprend pas q'il y a une tres guerre politique en Tunisie, le pays s'effondra bientot

kichmet - 08-01-2012 10:46

AMr janot de quelle PRESSE(HYDRUALIQUE OU MANUELLE) vous parlez ? Ce qu'il ne faut c'est presse qui rappotre les faits tels quels et qui veuillera bien nous laisser en juger.mais quand des journalistes qui ne font qu'analyser des faits non averes,la plupart du temps, on leur dira merci. En tunisie nous avons des journalistes "sait-tout" : parlent de communisme sans avoir lu marx et de capitalisme sans avoir lu smlth ou taylor et de sociologie sans avoir lu ibn khaldoun(ou compte).....ils sont si qualifies qu'ils pilotent l'avion des qu'ils montent a bord et feront une operation a coeur ouvert des qu'ils ont un scalpel en main......et nous les consammateurs d'information on nous abreuve la chose et son contraire a croire qu'ils sont les genies(plutot jinns)

chokri - 08-01-2012 12:22

les constituants ont été élus pour élaborer une constitution .Ils sont en train de perdre un temps fou pour discuter de la pause prière; de la pause pipi etc.Il ne touchent pas 3000 dinars pour cela !Ils parlent ,rient ,discutent de tout et de rien sans se soucier de la situation catastrophique du pays .Nos dirigeants doivent discuter des problèmes réels du pays et prendre les décisions qui s'imposent quitte à fâcher certaines personnes.Il faut remettre le pays au travail le plus vite qua possible

dr.zaiane - 08-01-2012 14:19

M.Dilou,porte-parole de jebali,donc ,on sait à quoi il faut s'attendre,surtout ne pas espèrer qu#il va tenir un langage franc et dire la vérité. Son "beau langage" pour reprendre un terme de La Fontaine(Le corbeau et le renard)ne peut pas nous dissuader du fait que ce gouvernement,de facto "provisoire",là c'est un fait et espèrons qu'Ennahdha s'en tienne,donc il n'apas à s'en vexer. De l'autre côté les sit-ins ,les grèves,etc.. Le gouvernement de M.Jebali est borgne ,la cessité de l'oeil droit,donc ne tient pas compte de ce qui se passe ,les grabuges,la pagaille foutue par les salafistes à droite.Il est inadmissible qu'un cropuscule d'extrémistes paralysent une université pendant des semaines,sans que le Gouvernement reágisse et que les forces de l'ordre interviennent.Pour ce qui concerne les grèves,dans les pays démocratiques, il y a des lois qui autorisent les grèves "légales" et les autres, qualifiées,par ex.en Allemagne de "sauvages" et sont interdites et reprimandees.Il faut remarquer que les travailleurs(ou employés) de l'entreprise votent d'abord pour ou contre la grève et ca se décide suivant la majorité des votes. Voilà ,par ex. une des tâches que ce gouvernementdevrait règlementer.

Jalloul - 09-01-2012 22:39

Puisque la solutions est si simple on crée une zone industrielle de 6000 m2 (équivalent d'une villa à la soukra)[mesure que si jbali a préconisé à kasserine] dans chaque gouvernorat et le chômage sera absorbé.

X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.