Blogs - 13.06.2011

On ne peut pas vivre indéfiniment de sit in et d'eau fraîche

Alors que le compte à rebours pour l’élection de la Constituante a commencé  après que toutes les parties se soient mises d’accord sur la date du 23 octobre 2011 proposée par le Premier ministre, voilà que le climat social se dégrade à nouveau et que la contestation gagne de proche en proche de nombreux secteurs d’activités. Sans être des adeptes de la théorie du complot, on ne peut que s’interroger sur un phénomène pour le moins étrange. A chaque fois où le pays recouvre sa sérénité, il se trouve toujours une main visible ou non,  pour allumer de nouveaux foyers de tension que ce soit sur le front politique ou social. On l’a constaté il y a quelques semaines après les déclarations de Rajhi. Le même scénario s’est reproduit après les déclarations, cette fois-çi on ne peut plus apaisantes de BCE devant la Haute Instance Ben Achour.

On s’attendait à l’instauration d’un moratoire sur tous les conflits sociaux comme le demandait le Premier ministre,  on a eu droit, comme par défi,  à la multiplication de ces conflits avec des grèves ouvertes dans des secteurs comme la douane, le transport ferroviaire, sans compter les sit in qui ont fait  florès dans tout le pays, parfois pour des motifs ridicules comme ce groupe de jeunes qui entendait protester contre des déclarations de BCE dénonçant…les sit in !!! Le choix de ces secteurs n’est pas fortuit. Il s’agit de grèves bouchons. Un seul atelier ou secteur entre en grève et c’est toute l’économie qui s’en trouve paralysée. Certes, il est très facile d’incriminer la contre révolution, c’est le coupable idéal  qui vient à l’esprit lorsqu’on pose la question : à qui profite le crime ? Quoiqu’il ne  faille pas oublier que des centaines de milliers de personnes de toutes conditions sociales mais khobzistes prennent part à ces grèves, voulant profiter de la faiblesse de l'Etat pour obtenir des satisfactions morales et matérielles impossibles à avoir en temps normal. Si l’équation gréviste=contre révolutionnaire est avérée, il faut réellement nourrir quelque crainte pour notre révolution. Heureusement, cela ne semble pas le cas, pour le moment du moins.

Par contre,  je me demande s’il ne faut pas chercher une explication du côté du surmoi de Freud. Ce concept désigne l’ensemble des contraintes morales sociales et culturelles (lois, bonnes manières) auxquelles l’individu est tenu de se plier dès sa prime enfance. Il guide l'enfant devenu indépendant, et par la suite l'adulte, dans ses choix. On compare souvent le surmoi à un gendarme intérieur chargé de contrôler les pulsions en amont. Ces inhibitions disparaissent dans les périodes où l’autorité (celle du père, du supérieur hiérarchique, de l’Etat) s'efface ou faiblit. On l’a vu dans les grandes révolutions, notamment en Russie avec les Soviets, et même en mai 68 en France (se rappeler du slogan, il est interdit d’interdire), où  l'illicite devient licite et l'impossible, possible (soyez réalistes, demandez l'impossible).

Avec le phénomène du "dégagisme", La révolution tunisienne ne fait pas exception à la règle. Elle a libéré des forces qui étaient tapies depuis des siècles au fin fond de notre inconscient. Comme la réapparition du tribalisme qu’on croyait disparu depuis longtemps, la recrudescence de la violence, les manifestations d’intolérance dans nos débats.Tout  cela  procède de cette volonté de se libérer de ces contraintes qui nous ont bridées pendant des décennies. D’habitude, les gouvernants avisés prennent soin de ménager quelques espaces de liberté pour permettre à leurs peuples d’évacuer leur trop plein d’agressivité et d’éviter toute explosion. Ce n'était le cas de Ben Ali.

Il reste que six mois après la révolution, il est grand temps de penser à notre économie et que nos partis politiques prêtent main forte au gouvernement pour canaliser  cette énergie débordante qui risque de tout emporter sur son passage.  On ne peut pas vivre indéfiniment de sit in, de grèves ouvertes et d’eau fraîche. Il faut toujours se rappeler le conseil d'un orfèvre en la matière, Maurice Thorez : "il faut savoir terminer une grève"

Le Premier ministre a raison de le rappeler  et d'y insister : il est grand  temps de rétablir l’autorité de l’Etat ou pour parler prosaïquement, la peur du gendarme, dans le bon sens du terme, si l’on ne veut pas que notre révolution, citée en exemple et  souvent comparée à la mère des révolutions, la révolution française, tourne  au cauchemar.


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2 Commentaires
Les Commentaires
Sarouchka - 15-06-2011 17:37

EXCELLENT!! Merci pour cette analyse très avisée et juste. Qu'on vous entende!!!

gharbi fatma - 16-06-2011 10:16

Très juste Khalil. Un travail sur nous même est à faire et que chacun mette son grain de sable si nous voulons voir cette prétigieuse révolution donne à son final, tant espérés et jamais imaginés possibles à savoir Liberté, Dignité, Respect de tout un chacun dans cette chère Tunisie.

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