News - 03.10.2022

Hommage à Tijani Ketari, premier commandant de la Garde nationale

Hommage à Tijani Ketari, premier commandant de la Garde nationale

Son parcours aura été édifiant. Tijani Ketari, qui s’est éteint fin août dernier à l’âge de 95 ans, aura été un illustre patriote. Chef scout, sous-officier formé en Syrie à la fin des années 1940, puis diplômé de l’École supérieure des travaux publics à Paris, il vivra une grande épopée à l’aube de l’indépendance. Aux côtés de Mongi Slim, alors ministre de l’Intérieur, puis de son successeur, Taïeb Mehiri, il œuvrera à la constitution du corps de la Garde nationale et à la réception des locaux qu’occupait la gendarmerie française. Tijani Ketari sera nommé commandant de la Garde nationale et s’échinera à organiser ce corps et le doter des moyens nécessaires à son entrée en fonction. Sa réussite suscitera jalousie. Une forte cabale montée contre lui l’éloignera de ses fonctions. Depuis lors, il s’était reconverti dans le secteur privé, créant sa propre entreprise.

La Garde nationale restera reconnaissante à son œuvre, ne ratant aucune occasion pour lui rendre hommage.

Revisiter le parcours de Tijani Ketari est instructif. Des jeunes scouts doublés de militants destouriens étaient révoltés contre l’occupation française et cherchaient le moyen de la combattre. Lors d’un camp à Aïn Drahem en 1945, ils avaient décidé de former des cellules clandestines chargées d’éditer un bulletin d’information intitulé Al Kifah et de le diffuser partout dans le pays. Plus encore, ils conviendront de dépêcher des volontaires s’inscrire à l’académie militaire en Egypte en vue de former un premier noyau de la future armée nationale. Tijani Ketari partira ainsi avec Ahmed Fourati, traversant à pied les frontières avec la Libye, puis continuant jusqu’au Caire où ils arriveront en 1946. Habib Thameur, alors en charge du bureau de la Tunisie au sein du Bureau du Maghreb arabe, avec Taïeb Slim, Rachid Driss, Hédi Saïdi et Hassine Triki, leur réserveront un bon accueil. Les contacts menés avec les autorités égyptiennes en vue de les inscrire, ainsi que d’autres jeunes Tunisiens, à l’académie militaire ont été vains. C’est alors que Youssef Rouissi, représentant du Néo-Destour en Syrie, parviendra à les faire admettre, ainsi que Azeddine Azouz et Habib Zgonda, à l’académie militaire d’Alep. De plus, les autorités syriennes leur accorderont la nationalité syrienne. Ce fut la première promotion militaire de la Syrie indépendante.

Avec Mongi Slim et Taïeb Mehiri

Tijani Ketari se spécialisera dans l’artillerie et gagnera, au bout de deux ans, ses premiers galons de sous-officier. Il sera affecté au Golan où il servira pendant 18 mois. Son destin le conduira à Paris, où il s’inscrira à l’École supérieure des travaux publics. Il en sortira diplômé et regagnera le pays le 31 juillet 1954, jour de la visite de Pierre Mendes-France proclamant l’indépendance interne. Il sera affecté au ministère de l’Agriculture, mais rejoindra en fait l’équipe de Mongi Slim.

Après la tunisification de la Police en avril 1956, il fallait se charger de la gendarmerie française. De jeunes destouriens étaient recrutés à cet effet et envoyés en formation au camp militaire de Bouficha, alors que des négociations étaient conduites par Mongi Slim, assisté par Hamadi Snoussi, avec les autorités françaises en vue de réceptionner les locaux, les dossiers et les moyens de la gendarmerie. Relevant de l’armée française et déployé hors des zones urbaines, à travers une centaine de postes, ce corps était au service des colons et constituait pour eux une solide protection. C’est pourquoi la France rechignait à assurer rapidement la passation aux autorités tunisiennes. Avec sa diplomatie habituelle et sa fermeté non négociable, Mongi Slim obtiendra gain de cause. Mais, les autorités françaises ne remettront que des postes de gendarmerie vides de tout meuble, archives ou véhicules. Tijani Ketari et ses coéquipiers feront contre mauvaise fortune bon cœur et s’attelleront à la tâche, parallèlement à la formation des jeunes gardes nationaux. Le 13 novembre 1956, il sera nommé commandant de la Garde nationale.

La première apparition publique

Jusque-là, ce corps était resté discret, s’entraînant à Bouficha. Un évènement majeur déclenchera sa première apparition publique. Le 22 octobre 1956, en pleine guerre d’Algérie, des dirigeants du Front de libération nationale (Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Mohamed Boudiaf et Hocine Aït Ahmed) avaient pris l’avion à Rabat à destination de Tunis où ils devaient être rejoints par le Roi Mohamed V pour des concertations avec Bourguiba. Leur avion a été arraisonné en plein vol par l’armée française et détourné en France. Une forte effervescence s’emparera de la Tunisie, des risques de troubles et de débordements étaient redoutés et il fallait sécuriser les bâtiments officiels ainsi que les locaux de la Résidence de France, au centre-ville. Les effectifs de la Police étant insuffisants, il fallait compter sur les éléments de la Garde nationale. Rapidement, ils seront acheminés à Tunis directement de Bouficha, à la grande surprise des autorités françaises.

«Ce fut mémorable», rapporte à Leaders Tijani Ketari. Vivement applaudie, la Garde nationale, forte uniquement d’un millier d’éléments, entamera alors sa montée en puissance.  Ce grand souvenir et bien d’autres resteront impérissables pour lui, gardant toujours l’humilité du devoir accompli.
 

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