Lu pour vous - 05.11.2010

Les vaincus soupirent sous la plume d'Alia Mabrouk

C’est en suivant Jellal, pseudo-journaliste miséreux qui passe ses journées à récolter rumeurs et ragots dans les souks de la Médina de Tunis, que l’historienne Alia Mabrouk nous retrace la vie quotidienne qui prévalait dans ce Tunis des années 1850. Misère, injustices beylicales, privation et corruption des petits fonctionnaires et autres caïds sont le lot quotidien d’un peuple exsangue par l’incessant empilement des impôts institués par le super-ministre Mustapha Khaznadar. Le tout sur un fond d’intrigues des puissantes Nations du Nord, Angleterre, Italie, Allemagne et surtout France pour qui la Tunisie, porte de l’Afrique, constituait, surtout avec son Port de Bizerte, une place stratégique de toute importance.

Dans les campagnes, les hommes du bey traquent les quelques maigres récoltes que les tribus sont parvenues à arracher à une terre aride du fait de plusieurs années successives de dure sécheresse. Les anciens racontent aux plus jeunes ces temps bénis où les moissons se récoltaient par boisseaux, où les hommes partaient à la ville acheter à leur épouse bijoux, mellias et sucreries. Un lointain souvenir ! Désormais, il faut partager le peu qui a pu être soustrait à la voracité des dirigeants. Ceux qui résistent sont jetés en prison, leurs maisons sont brûlées et leurs biens dilapidés.

En plus, la nouvelle constitution voulue par Mhamed Bey, d’inspiration libérale, attise encore plus les colères car elle institue l’égalité de tous les sujets en proclamant notamment l’admission des Chrétiens à la propriété foncière et les Juifs au droit commun.

Alors la colère gronde et un vent de révolte passe au travers des tribus. Du Nord au Sud du pays, les Zoughlama, Majeur, Fraïchich, Jlass, Ouled Ayar, Ourtane, tribus jadis ennemies, se rallient autour de leur nouveau bey, celui du peuple, Ali Ben Ghdahem. Même les cheiks des zaouias, qui profitaient eux-aussi de l’ignorance d’un peuple inculte en l’assurant que la famine est un châtiment divin, n’arrivent plus à les arrêter.

Une page se tourne dans l’histoire de la Tunisie et Alia Mabrouk a le mérite de nous emmener, à travers ces grands événements qui ont changé pour toujours la vie de notre pays, au cœur même des tentes bariolées de ces simples gens où une femme à la méllia usée, aux traits creusés par la famine qui s’installe a toujours la force de donner le sein au dernier petit et de répondre au désir de son homme qui partira demain très tôt au combat … pour sa liberté et celle de ses enfants.

Anissa BEN HASSINE
 

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1 Commentaire
Les Commentaires
samira - 25-11-2010 10:08

Si l'ouvrage est conforme à cette présentation, j' attends avec impatience de le lire.Je rends, par l'occasion, un grand hommage à l'écrivaine qui, par ce récit, donne vie et valeur à une population laquelle à son époque a été exploitée et marginalisée par une classe, celle des Beys et de leurs courtisans. De tels témoignages historiques,même romancés,sont révélateurs d'une grande vérité:les piliers de la sauvegarde de notre pays sont ces bras qui défrichent, labourent et moissonnent sans désespérer,et ces femmes qui s'oublient pour ne prendre en compte que la destinée des leurs.

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