News - 10.10.2020

Tunisie : 15000 chasseurs à l'assaut d'un gibier qui se raréfie

Tunisie : 15000 chasseurs à l'assaut  d'un gibier qui se raréfie

Quinze mille chasseurs, dûment titulaires de leur permis, et au moins le double dans  l’« informel », retrouvent avec joie, dès le dimanche 4 octobre 2020, leur passion favorite. Battant champs et forêts, ils traquent un gibier certes de moins en moins fourni, mais diversifié. La saison 2020/2021 est scrupuleusement organisée par l’arrêté du ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime et des Ressources hydrauliques du 14 juillet 2020. Le coup d’envoi est donné avec la chasse au lièvre, à la perdrix, à la caille sédentaire, au pigeon biset et au ganga unibande (El khedra), mais aussi au sanglier. Il va falloir attendre jusqu’au 18 octobre pour les grives et étourneaux, le 25 du mois pour la bécassine, et le 1er novembre pour le pigeon ramier.

our plusieurs raisons, le nombre de chasseurs croît lentement à un taux de 4.3% en moyenne par an. C’est ainsi qu’il est passé à 14.629 chasseurs inscrits dans des associations régionales et 398 autres relevant de la chasse au faucon. Ce loisir reste par ailleurs quasi exclusivement masculin. Quelques dizaines de femmes seulement commencent à le pratiquer. Pour ce qui est du grand gibier, 2 343 sangliers sauvages ont été abattus durant la saison 2019/2020, contre 2 196 la saison d’avant, soit 240 de plus (10%).

La faune tunisienne est riche en espèces, malgré la taille du pays. On ne dénombre pas moins de 82 espèces mammifères terrestres, 395 espèces d’oiseaux, 65 espèces de reptiles et bactéries et 333 espèces de poissons.

La rentrée des chasseurs

Tels de petits écoliers qui préparent fébrilement leur rentrée scolaire, vérifiant leurs cartables, achetant les fournitures et sautillant de joie de retrouver le chemin de l’école, les chasseurs sont dans le même mental. Dès le mois de septembre, ils ont fait inspecter leurs fusils de chasse par leurs armuriers, demandé les réparations nécessaires et la peinture du bois, acheté leurs munitions, choisi de nouveaux équipements de chasse et préparé leurs plans de parties de chasse.

Depuis Tunis, nul besoin d’aller loin. Le Cap Bon, Zaghouan et le Nord sont giboyeux. Certains ont cependant leur propre rituel, et aussi des amis fidèles, pour l’ouverture de la saison, allant parfois loin, du côté de Sfax, de Sidi Bouzid, ou du Kairouanais. L’ambiance, festive, est enivrante. D’agréables journées les attendent. Commencées tôt aux aurores, elles se terminent souvent au coucher du soleil autour d’une superbe «guedra» pour savourer un délicieux repas. La chasse, cette pratique ancestrale dont les mosaïques tunisiennes rapportent des scènes hautes en couleur est à la fois un loisir ludique et attractif, une activité économique et touristique censée être lucrative et une source  alimentaire. Encadrée par la loi, qu’il s’agisse du code forestier et de divers autres textes, notamment en ce qui concerne le permis de chasse et celui du port d’armes, des autorisations diverses, et du régime spécifique au tourisme de chasse, elle ne manque pas de susciter revendications, d’un côté, et contestation de l’autre.

«Nul ne peut chasser au tir s’il n’est pas détenteur d’un permis de chasse» (art. 174 du code forestier). Celui-ci est délivré ou prorogé sous réserve de l’affiliation préalable à une association régionale de chasseurs. Elles sont 24 établies en Tunisie et organisées au sein d’une fédération nationale des associations des chasseurs et des associations de chasse spécialisées (Fnacas), elle-même membre du Conseil international de la chasse et de la conservation du gibier. Fin septembre, elle a tenu son assemblée générale, reconduisant à sa présidence Ahmed Cheki. Le montant de la cotisation à verser par chasseur à l’association régionale des chasseurs est fixé à cinquante dinars (50d) pour les Tunisiens et les résidents étrangers natifs de Tunisie et cent dinars pour les résidents temporaires. Les fauconniers, eux, ont leur propre association, établie à Nabeul, le montant de la cotisation est fixé à trente dinars.

Débloquer les demandes de permis de chasse

Un parcours du combattant commence pour tout amateur qui postule à un permis de chasse. Le plus difficile encore est d’obtenir une autorisation du ministère de l’Intérieur pour l’acquisition et la détention d’un fusil de chasse. La demande passe par le poste de police, puis se perd dans les méandres du secret administratif, pendant des années, restant parfois sans réponse. Sésame pour ouvrir tout le circuit de chasse (achat de fusils et de cartouches, etc.), ce précieux viatique pose problème. Les dirigeants de la fédération et de nombre de clubs et associations ne cessent de multiplier les démarches auprès des ministres successifs de l’Intérieur, réclamant le déblocage des demandes déposées et la réduction des délais d’octroi. La réponse est toujours courtoise et ferme: l’impératif sécuritaire, surtout avec la menace terroriste, impose des règles particulières.

Pour mieux se faire entendre, des candidats à l’autorisation ont organisé en juillet dernier une manifestation bien sonore à l’avenue Bourguiba, au centre-ville de la capitale, devant le Théâtre municipal. Leur argument majeur : la légalisation est le moyen le plus efficace pour la lutte contre les braconniers.

Une administration aux aguets

Rue Alain-Savary, au siège du ministère de l’Agriculture, les bureaux de la Direction générale des forêts gardent les portes ouvertes. Cette très ancienne administration qui reprend espoir avec l’arrivée à sa tête d’un nouveau directeur général compétent et mobilisateur, comme Mohamed Boufaroua actuellement, est constamment sur la brèche. Sur les 5 millions d’ha que compte le territoire tunisien, le tiers est constitué de forêts et parcours. Si la norme est d’avoir un agent forestier par 1 000 ha, la direction générale ne dispose que de moins de 300 agents, tous grades confondus, pour s’occuper de ces immenses superficies. Et pourtant, elle y parvient. Evidemment, la surveillance reste une priorité, mais de nombreuses opportunités ne sont pas encore exploitées, reconnaît-on.

D’un côté, l’administration publique veille au grain pour protéger et promouvoir le patrimoine forestier et, de l’autre, elle s’emploie à faire respecter le droit des citoyens à la chasse, en balisant les différents aspects de cette activité. Par la réglementation en vigueur, la collaboration avec les associations de chasse et le déploiement des brigades sur le terrain, elle essaye d’y parvenir au mieux. Taher Taghouti, directeur de la chasse, des parcs nationaux et des aires naturelles protégées, Héla Guidara et Sahbi Bedhiaf, sous-directeur, et Jamel Tahri, chef de service, sont à l’œuvre en plein engagement. Amis de la nature, ils sont aussi amis des chasseurs et surtout les gardiens des forêts et du gibier. Leur position n’est guère facile. Heureusement que l’appui de leur nouveau directeur général, Mohamed Boufaroua, leur facilite la tâche.

Braconnage et contrebande

Ennemi numéro 1 de la nature et contre-exemple préjudiciable du chasseur, le braconnier est absolument dangereux. Pas moins de 294 infractions ont été relevées durant la saison écoulée 2019/2020, générant 197 procès-verbaux transmis à la justice et la transaction avec 97 autres contrevenants pour un montant total de 52.500 D, déclare à Leaders une source de la Direction générale des forêts. Un braconnier attrapé, mais combien d’autres qui échappent à la vigilance des gardes-champêtres ? Le renforcement des effectifs et de leurs moyens est indispensable.

Autre corollaire de l’octroi très limité des autorisations d’armes, l’amplification de la contrebande. Les services des Douanes tunisiennes ont procédé à la saisie de 1 645 fusils introduits clandestinement, pour l’équivalent d’un montant de 90.000 D, déclare à Leaders une source autorisée.

En communion avec la nature

Le bonheur des chasseurs reste immense. Se retrouver à deux ou en groupe plus élargi, partir ensemble tôt le matin, partager la convivialité et l’amitié, en communion avec la nature et se remplir les poumons d’air frais est très ressourçant pour le corps, comme pour l’âme. Les scènes de chasse sont rapportées dans leur splendeur par des historiens, romanciers, biographes, artistes, peintres, poètes, photographes et cinéastes. Elles ont toutes en point commun cette sensation de fusion relationnelle avec la nature. Le rapport à la faune devient pour l’homme un ancrage dans son milieu.

Dans les mémoires qui viennent juste de paraître (Vie en politique, Cérès Editions), l’ancien Premier ministre, Dr Hamed Karoui, pneumologue et chasseur invétéré, avait dépeint des scènes de chasse fort attractives.
 

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2 Commentaires
Les Commentaires
Fethi Ayache - 10-10-2020 12:01

Il ne faut pas oublier que la chasse a été à l'origine de la raréfaction de certaines espèces de l'avifaune (outarde houbara, ganga, grive, Talève sultane...) et la disparition de quelques autres (ex. courlis à bec grêle). On n'a pas de statistiques sur les populations des espèces cynégétiques et les tendances de leurs dynamiques...

Hayder Noureddine - 11-10-2020 07:13

chasseur depuis 1974 ayant déposé une demande pour une autorisation d achat d un autre fusil depuis février 2013 avec toutes les interventions possibles ce fut peine perdu impossible d avoir une réponse. Étant en voyage decembre 2006 ma maison était combriole en totalité tout était fracturé et emporté coffre fort fusil bijoux et cela avec un rapport de la police. c'est la cause pour ne pas avoir de suite à ma demande.Voilà ou j en suis actuellement avec toujours un espoir...

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