Blogs - 17.10.2017

Unesco-Israël-Trump : Le Dessous des Cartes.

Unesco-Israël-Trump : Le Dessous Des Cartes.

Splendide isolement ou manœuvres politiciennes de bas étage ? Après le retrait de la COP 21, après la non-certification du traité sur le nucléaire iranien, voilà que les Etats Unis de Trump  ont décidé de quitter le 12 octobre 2017 l’UNESCO….la culture et la protection du patrimoine mondial de l’Humanité- des îles Galapagos à la mosquée de Tombouctou  en passant par Carthage- n’ayant rien à voir avec le  nouveau président, surtout quand il parle des femmes, des adeptes de l’extrême droite ou des athlètes noirs! Et,  comme un fidèle toutou, Netanyahou a emboité le pas à  son maître dans cette démarche,  exprimant son accord avec cette  décision en vociférant : « C’est une décision courageuse et   morale parce que l’UNESCO est devenue le théâtre de l’absurde. Au lieu de préserver l’histoire, elle la déforme. »
Donald Trump reproche à l’organisation sa mauvaise gestion…car,   de la gestion, le maître de l’immobilier yankee ne connait que le cash flow.  Pour lui, tout doit être géré comme une entreprise….même s’il feint d’oublier  qu’il a une ardoise de 542 millions de dollars vis-à-vis de l’UNESCO. Nul ne sait s’il la réglera avant son départ prévu le 31 décembre 2018.  Israël, quant  à lui, a décidé  de rogner d’un million de dollars sa contribution à l’organisation.  En fait, depuis 2011- admission de la Palestine- la crise financière est aigüe à l’UNESCO privée des 80 millions de dollars de la contribution de Washington. Pour les Etats Unis en effet, l’UNESCO n’a pas le charme du Conseil de Sécurité. Ici, à Paris,  point de veto à brandir pour tout stopper comme à New York et imposer sa volonté. L’UNESCO compte 194 Etats membres  et seuls 14 pays ont voté contre l’adhésion de la Palestine. Les décisions sont donc prises à la majorité des votes. Idem pour le Bureau Exécutif de 58 membres.  Voulant régenter le monde, avec ses retraits successifs -à la chaîne- Donald Trump dévalorise la signature de son pays et « rend le monde encore plus dangereux » souligne l’éditorialiste du Monde (17 octobre 2017, p.21)

De son côté, Israël est opposé à la gestion démocratique  qui règne dans cette agora internationale et prétend qu’il existe une majorité constante  qui lui en veut….sans que l’Etat sioniste ne remette en cause  l’occupation,   l’apartheid infligé aux Palestiniens,  le Mur de la Honte condamné par la justice internationale, les emprisonnements d’enfants et  les destructions des écoles des Bédouins du Néguev….pour contraindre les Palestiniens à partir. 

Face à ce que dit Trump aujourd’hui, les mots que le grand linguiste américain Noam Chomsky écrivait en 2008 non pas pris une ride: « Ce qui est certain, c’est que l’anéantissement des Palestiniens et de tous les autres crimes perpétrés n’existent que grâce à un soutien économique, militaire, diplomatique et idéologique sans précédent des Etats Unis » (Lire « Le champ du possible.  Dialogue sur le conflit israélo-palestinien», Editions Aden, Bruxelles, p. 46)

Les raisons de la colère  américano-israélienne contre l’Unesco

Trump reproche à l’UNESCO son « antisémitisme ». Traduisons : en octobre 2011, l’UNESCO a été la première organisation du système des Nations Unies à reconnaître l’Etat de Palestine.  Or, la loi américaine interdit le financement de toute agence des Nations Unies qui accepte la Palestine comme membre à part entière. Pour la Maison Blanche, cette admission de la Palestine est « regrettable » et « prématurée » et  va à l’encontre d’ « une paix complète, juste et durable » entre Israël et les Palestiniens. En décembre 2015, les Etats Unis ont cependant repris leur financement de l’organisation de Paris…avec l’accord de Netanyahou.  Ce qui n’a guère été du goût de l’Israélo-moldave Avigdor Lieberman- qui habite dans une colonie-et qui, à l’époque,  était dans l’opposition à Netanyahou ; et cet  ancien videur de boîte de nuit de s’étrangler : « C’est une capitulation scandaleuse qui va provoquer d’importants dégâts diplomatiques pour  Israël sur la scène internationale. » A noter que Lieberman est,  aujourd’hui,  ministre de la Défense dans le gouvernement de Netanyahou.

Retour des Américains à de meilleurs sentiments vis-à-vis de l’UNESCO en décembre 2015 puis retrait avec fracas en octobre 2017, ça rime à quoi ? Pour les observateurs, il s’agit là d’un lot de consolation pour Netanyahou, Trump n’ayant pas déménagé, comme promis, lors de sa campagne électorale l’ambassade US à Jérusalem.
Ensuite, en 2014, suite aux protestations arabes, l’UNESCO a refusé une exposition montrant  la présence juive sur la terre palestinienne au cours de l’Histoire dans ses locaux de la Rive Gauche à Paris.
De plus, en juillet 2015, l’organisation  a désigné comme « Héritage mondial » le site du baptême du Christ sur la rive est du Jourdain, donc en territoire jordanien et en conséquence hors du contrôle de l’occupant et de ses circuits de pèlerinage et de tourisme. 

En octobre 2016, le Comité du Patrimoine Culturel de l’Humanité de l’organisation onusienne a voté une résolution dans laquelle al Haram Echarif  est désigné par ses noms arabes. Colère de Netanyahou qui a parlé du « théâtre de l’absurde » car pour lui, il n’y a que le « Mont du Temple » comme dénomination exacte.  Point à la ligne. Le vice-ministre israélien des communications, Ayoub Kara, en visite à Rome, a attribué le violent séisme qui a frappé l’Italie au vote de cette résolution !  (Haaretz, 12 octobre 2017).

Israël veut imposer ses vues aux autres Etats

En mai 2017, le comité exécutif de l’UNESCO a voté une résolution critiquant Israël pour ses menées sauvages à Jérusalem et à Gaza. Israël s’en est alors pris à l’Allemagne qu’il a accusé de ne pas avoir bloqué le texte. Cette résolution a fait mal à Netanyahou car elle appelle un chat un chat. Ainsi, elle parle de « puissance occupante » à Jérusalem et refuse  l’annexion de Jérusalem Est. Elle critique sévèrement les fouilles archéologiques israéliennes dans la Vieille Ville. Le texte critique aussi la terrible situation faite aux habitants de Gaza par le siège inhumain que lui inflige Israël depuis 10 ans. 24 heures après le vote de cette résolution, pour déverser sa bile, le ministère israélien des Affaires Etrangères convoque l’ambassadeur suédois en Israël, Carl Magnus Nesser car la Suède a été le seul pays occidental à voter en faveur de cette résolution, la plupart des autres délégations s’étant abstenues.

Enfin, en juillet dernier, l’UNESCO a voté un texte reconnaissant la vieille ville d’al Khalil (Hébron) -Al Khalil est sous gouvernement de l’Autorité Palestinienne en vertu des accords d’Oslo- et la Mosquée d’Ibrahim (Tombeau des Patriarches) comme des sites appartenant au patrimoine palestinien ajoutant que ces lieux sont en danger. Pour Netanyahou, cette décision est « surréaliste ». Israël a alors diminué d’un million de dollars sa contribution au budget de l’UNESCO. Cette grande ville vit l’enfer depuis que quelques centaines de colons juifs en majorité français et américains se sont incrustés dans la vieille ville protégés par l’armée israélienne.  Rappelons que le 25 février 1994 au matin, le Dr Goldstein, un juif ultra-orthodoxe américain a tué à l’arme automatique 29 Palestiniens et blessé 125 autres qui priaient à la Mosquée d’Ibrahim. Depuis, il est considéré comme « un saint » par certains extrémistes sionistes.

Un isolement croissant  pour Israël

Le vendredi 13 octobre,  la Française Audrey Azoulay – dont le père est le conseiller de Mohamed VI après avoir été  celui de son père- a été élue à la tête de l’UNESCO. Les Arabes n’ont pas été capables de présenter à l’UNESCO un candidat consensuel ;  ce qui a permis l’élection d’Azoulay  avec une avance de  deux voix ! Haaretz (13 octobre 2017) titre : « La candidate juive française au  poste de directeur général de l’UNESCO  bat son concurrent  qatari accusé d’antisémitisme. »

Ce qui se passe à l’UNESCO souligne l’isolement croissant d’Israël au plan international.

En août dernier, l’Afrique du Sud a dégradé ses relations diplomatiques avec Israël  en raison de l’occupation. De son côté, le parlement espagnol (Cortès) a reconnu La légalité du  mouvement BDS au nom de la liberté d’expression. La Cour Suprême de Londres a autorisé les communes à manifester  leur soutien à la Palestine contre  l’avis  du gouvernement. Les associations pro-palestiniennes britanniques s’apprêtent à commémorer les cent ans de la déclaration Balfour de 1917 autorisant un « Foyer national juif » en Palestine alors que le gouvernement ne veut admettre aucune responsabilité dans le drame que vivent les Palestiniens. 

En France, lors de la fête de l’Humanité (16-17 septembre 2017), plusieurs conférences, stands, marches ont eu lieu en faveur de la cause palestinienne. La conférence du Pr Richard Falk, professeur de droit international à l’Université Princeton aux Etats Unis,  a attiré un grand auditoire. Le juriste de renommée internationale a présenté son rapport (écrit avec Virginia Tilley) sur « Les pratiques israéliennes à l’égard du peuple palestinien et la question de l’apartheid », rapport commandé par la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO) de l’ONU et retiré par le Secrétaire Général de l’ONU,  Antonio Guterres,  sous  pression  américaine. Au terme d’une étude approfondie, Falk et Tilley arrivent à la conclusion qu’ « il existe de très fortes présomptions qu’Israël soit coupable du crime d’apartheid vis-à-vis du peuple palestinien. » Pour le Pr Falk, « l’Histoire est du côté  palestinien…L’apartheid, l’annexion, les déplacements de masse et les sanctions collectives sont devenus l’essence des politiques de l’Etat israélien. » Au sujet de l’extorsion d’aveux aux enfants, il écrit : « Comme je l’ai constaté en Afrique du Sud pendant l’apartheid, persister à clamer son innocence est habituellement puni davantage que des aveux, qu’ils soient vrais ou faux. » Le Pr Falk devait encore donner à Paris une conférence à l’Ecole des Hautes Etudes (Boulevard Raspail) le 18 septembre 2017 sous le titre : « Envisager l’avenir palestinien. ». Il devait montrer qu’au XXIème siècle, la bombe atomique d’Israël est inopérante face à la pression de l’opinion internationale donnant l’exemple de Cuba qui a survécu aux agressions et embargos américains et ajoutant que l’impossible maintenant se réalise comme le prouvent  la chute de l’URSS,  celle du Mur de Berlin ou celle du régime d’apartheid en Afrique du Sud.

Toujours en France, l’association internationale ATTAC considère le BDS comme « un mouvement pour la liberté, la justice et l’égalité » alors qu’il est criminalisé par le gouvernement (Revue  Lignes n° 109, avril 2017,  p. 10) MM.Macron et Philippe voyant même dans l’antisionisme « un nouvel apartheid ». Actuellement, des villes se mobilisent pour l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri en détention administrative arbitraire en Israël depuis 56 jours, sans inculpation. De Martigues à Gennevilliers en passant par Morlaix et Clermont Ferrand, la solidarité pour Hamouri s’est démultipliée. Elsa Lefort, l’épouse de Salah  qui a été reçue à l’Elysée déclare: « Ce soutien est extrêmement important car la cause des prisonniers est primordiale, elle touche toutes les familles palestiniennes. Depuis 1967, 40% des hommes sont passés par les  prisons israéliennes. C’est un véritable moyen de pression sur tout un peuple. »

Enfin, l’ONU s’apprête à publier « la liste noire » des sociétés qui opèrent dans les territoires occupés. Menacées d’être inscrite sur cette liste, des compagnies font savoir qu’elles ne renouvelleraient pas leurs contrats en territoire palestinien occupé. Comme à son habitude, Tel Aviv tente d’empêcher la publication de cette liste.

Tous ces défenseurs du peuple palestinien s’inspirent semble-t-il de Che Guevara –actuellement célébré- qui disait : « Soyez capables de ressentir au plus profond de votre cœur n’importe quelle injustice commise contre n’importe qui, où que ce soit dans le monde. »

En cette année du centenaire de l’inique déclaration Balfour, c’est plus vrai que jamais.

Mohamed Larbi Bouguerra

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