Opinions - 11.11.2016

Samy Ghorbal : Le vote Trump, porteur de terribles dangers, mais il peut aussi être salutaire

 Samy Ghorbal : Le vote Trump, porteur de terribles dangers, mais il peut aussi être salutaire
Le résultat surprenant des élections américaines qui ont porté Donald Trump à la Maison Blanche a suscité cette réaction du journaliste franco-tunisien Samy Ghorbal, sur sa page Facebook. S’agissant d’un post public, et surtout de réel intérêt, nous le partageons avec les lecteurs de Leaders.
Ce à quoi nous venons d'assister aux Etats Unis et en Grande Bretagne mérite réflexion. Dieu sait si ces deux puissances sont critiquables et ont pu jouer un rôle nuisible dans le destin de bien des peuples, et notamment des peuples arabes. Mais tout de même, on parle des deux plus vieilles démocraties du monde ! On parle de deux Nations (je sais que le terme de « nation » est devenu un gros mot, particulièrement en France…), deux Nations d'une maturité démocratique à toute épreuve, formatées au bipartisme, et qui, dans leur histoire, n'ont jamais succombé à la tentation autoritaire, qui n'ont connu ni épisode vichyste, ni épisode bonapartiste. Le double message que ces peuples viennent d'adresser à la face du monde et des oligarchies dominantes mérite donc d'être écouté et décrypté. Peut-on le réduire à un triomphe du populisme, de la xénophobie, de la culture de la peur et de la revanche (de l'homme "blanc", autre cliché") ? C'est la grille de lecture de nos médias déboussolés. C'est évidemment stupide.
Il y a aussi dans le vote Trump, comme dans le vote du Brexit, des relents de xénophobie, de populisme anti-immigration, une manifestation de colère, mais on ne saurait les réduire à cela. L'élection américaine et le vote sur le Brexit sont d'abord et avant tout des référendums sur la mondialisation. Cette mondialisation aberrante, qui accroît les inégalités dans des proportions prodigieuses, qu'elles soient patrimoniales, salariales ou territoriales, qui engendre la paupérisation de la classe moyenne et plus encore de la classe ouvrière, qui affaiblit, désosse et démantèle l'Etat, corseté dans des traités de libre échange insensés, et qui se retrouve, du coup, incapable de protéger - ce qui est pourtant sa fonction première, Cf. Thomas Hobbes.
Cette mondialisation qui nourrit un sentiment légitime de dépossession chez les citoyens, sentiment qui s'était traduit jusque-là par une abstention de plus en plus massive. Cette mondialisation, qui prend, en France et dans les pays voisins, le visage anonyme de l'Europe, celle de l'UE et de Bruxelles, pas celle des Humanistes de la Renaissance. Cette mondialisation qui n'a jamais été débattue, validée, approuvée démocratiquement, qui s'est imposée subrepticement, qui a progressé par effet d'engrenage et qu'on avait fini par décréter irréversible, dans une éclatante théorisation du renoncement qui a servi de programme politique à la gauche européenne de gouvernement (*). Sauf que... aucun des bénéfices que cette mondialisation était supposée apporter n'a véritablement émergé. Le seul résultat tangible a été, partout, la destruction du tissu industriel, la relégation, le déclassement et l'angoisse.
Au lieu d'en tirer les conséquences, nos élites ont réagi par la fuite en avant, encore plus de libre-échange, de nouveaux traités, de nouveaux corsets, l'approfondissement de l'UE. Les peuples ont été le grain de sable. Il y a eu, d'abord, la vague de référendums en Europe, dix au total, qui se sont tous soldés par une victoire du non. L'Europe s'est assise sur les résultats. Il y a eu, ensuite, le Brexit, et on voit la tentation qui se fait jour, en Grande Bretagne, d'annuler ce résultat par un vote parlementaire de l'oligarchie. Et il y a maintenant le vote Trump, qui lui, risque de tout changer. Il est porteur de terribles dangers, mais il peut aussi être salutaire, le système que nous essayons de défendre en nous indignant comme des moutons de Panurge est une décadence, il est à bout de souffle, il suffoque, il agonise. Il n'en a plus pour longtemps.
Il est temps de reconquérir notre souveraineté pour refonder une République. Et proposer, enfin, un horizon qui fasse sens au Peuple des citoyens, une promesse, de prospérité, de protection et de fierté retrouvée. Car au fond, la politique, c'est cela. Et je suis persuadé qu'alors, les tensions identitaires, si fortes, s'apaiseront, car le vivre-ensemble aura retrouvé une pleine signification.
Samy Ghorbal
 

 

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3 Commentaires
Les Commentaires
Touhami Bennour - 12-11-2016 01:55

Monsieur, Vous oubliez la colonisation? et les problèmes que la Tunisie rencontre dans la voie au developpement: c´était le dilemne devant lequel Hannibal s´est trouvé après Cannea: Faut.il continuer la guerre ou chercher une solution pacifique. mais la guerre Hannibal l´ a compris,c´est l´extermination, et les romains l´on cherché et l´ont gagné. C´est la meme chose avec Ócccident actuel, il est l´héritier de Rome. Ne cherchez pas trop loin. Occupons -nous de nos problemes. Toute idée que nous pensons pour l´Occcident ca revient á nous comme un boomerang. l´Occident n´abandonnera jamais l´hegemonie mondiale.

Bechir Toukabri - 12-11-2016 15:31

Erreurs d'analyse et de jugement très claires et logique tronquée? Qui a crée la mondialisation? N'est-ce pas le capitalisme financier Américain et celui des pays occidentaux qui sont sous la domination américaine? La réussite de Trump annonce l'arrivée d'un pouvoir fasciste.Quand à nos gouvernants ils sont collé à l'idéologie dominante des pays occidentaux, ils sont incapables de faire quoi que ce soit.La Tunisie n'est donc qu'une paille dans la stratégie mondiale.Au lieu de choisir le camp des pays de la résistance, celui des pays émergent et celui des BRICS, qui sont en pleine ascension nous avons choisi le camp des pays occidentaux,en récession depuis la crise financières de 2008;bref celui des pays perdants.

saz - 12-11-2016 18:27

C'est finalement chez les parrains de la mondialisation que le rejet est le plus violent: Trump aux USA, Brexit en GB et plus subrepticement en France avec la montée du FN. Sous d'autres cieux la réaction a été différente: Podemos en Espagne, Syriza en Grece et 5 Etoiles en Italie. Je crois que dans la violence de ce rejet il ne faut pas écarter une crise identitaire, dont la xénophobie est une des composantes mais pas la seule. Il est paradoxal que c'est chez les pays qui ont le plus à souffrir de la mondialisation parce que non compétitif peut être qu'on a l'air de se complaire dans cette situation de partage inégal.

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