Opinions - 27.03.2016

Réflexions sur le changement (à la suite de la conférence d’ Edgar Morin )

Réflexions sur le changement (à la suite de la conférence d’ Edgar Morin )

Cette semaine , je donne un cours sur les transitions de phase, et le samedi dernier, il y a eu une conférence d’ Edgar Morin, je ne sais pas de quoi il a parlé ( car je n’ai pas eu le privilège d’y assister et j’espère bien que l’assistance en a tiré profit) , mais je prévois qu’il a parlé de  des notions très générales, pouvant être appliquées à l'ensemble de la réalité ( La méthode, paru en 1977) . Il a peut être introduit les idées d'ordre, de désordre et de complexité. Ces principes antagonistes, en y adjoignant celui d'organisation aident à comprendre la complexité du Monde. Et je me souviens avoir lu et apprécié les ’Sept Savoirs Nécessaires à l’Education’ où il a recommandé l’enseignement de la Thermodynamique’ à tous les étudiants en Supérieur quelque soit leur orientation académique. ‘L’enseignement devrait comporter un enseignement des incertitudes qui sont apparues dans les sciences physiques (microphysiques, thermodynamique, cosmologie), les sciences de l’évolution biologique et les sciences historiques’.

Pour justifier ( très modestement) je reviens à mon cours, je vais définir les  deux états différents - deux phases , de la même substance. L'une est stable à des températures basses, et une autre est stable à des températures plus élevées. A la température de transition, l'énergie libre ( c’est l’énergie de transformation d’un travail utile ) des deux phases doit être la même. Les premières dérivées de l'énergie libre, par exemple, l'entropie ( vient du mot grec ‘Entropia’ que les Français ont gardé pour désigner l’évolution vers le désordre ou le manque d’information…) , peuvent avoir  un saut à la transition; dans ce cas, on parle de transition de phase de  premier ordre ( Les exemples les plus connus sont les  transition  liquide-solide et liquide-gaz).  Il se peut aussi que les dérivées premières soient continues, mais les deuxièmes dérivées, par exemple, la chaleur spécifique   ou la capacité ( tous les mots en physique ont une signification), ont un saut, on parle de la transition de phase de deuxième  ordre. (Des exemples sont les supraconducteurs, les matériaux magnétiques, pyroélectrique,….).  Notons qu’il y a aussi des transitions de  phase qui ne peuvent pas être décrites par une telle classification. Par exemple, les transitions de phase quantiques qui se produisent à la température zéro, et les phases existent à différentes valeurs d'un autre paramètre, par exemple, le désordre.

Selon Edgar Morin, pour comprendre le monde, il faut associer les principes antagonistes d’ordre et de désordre, en y adjoignant celui d'organisation. Morin oppose la complexité désorganisée et la complexité organisée. L'idée de complexité désorganisée vient du deuxième principe de la thermodynamique et à ses conséquences (entropie toujours croissante). La complexité organisée, elle, signifie que les systèmes sont eux-mêmes complexes, parce que leur organisation suppose ou produit de la complexité. Il y aurait une relation entre la complexité désorganisée et la complexité organisée.
Edgar Morin nomme "auto-éco-organisation" le fait que l’auto-organisation dépende de son environnement, car elle y puise de l’énergie et de l’information. En effet, comme elle constitue une organisation qui travaille à s’auto-entretenir, elle dégrade de l’énergie par son travail, donc doit puiser de l’énergie dans son environnement.

Les sciences doivent alors,  devenir pluridisciplinaires, voire transdisciplinaires et multidisciplinaires. "Tôt ou tard, cela arrivera, à partir du moment où s’y implantera l’idée d’auto-organisation; cela devrait arriver dans les Sciences humaines, bien qu’elles soient extrêmement résistantes",  dit Edgar Morin.
 « Nous sommes encore aveugles au problème de la complexité. Or cet aveuglement fait partie de notre barbarie. Il nous fait comprendre que nous sommes toujours dans l’ère barbare des idées. Nous sommes toujours dans la préhistoire de l’esprit humain. Seule la pensée complexe nous permettrait de civiliser notre connaissance. » (E. Morin, Introduction à la pensée complexe)

Si nous partageons un bon nombre d'idées avancées par Edgar Morin, nous pouvons être réticents par rapport à son ambition généralisatrice. Par exemple, Edgar Morin déplore que certains rejettent la complexité générale. Selon lui, ils la rejettent parce qu’ils n’ont "pas fait la révolution épistémologique et paradigmatique à laquelle oblige la complexité".
En tant qu’être humain, individu, personne, et citoyen, on ne peut pas savoir si la complexité généralisée concerne tous les champs qui nous préoccupent.  la problématique de la complexité est un concept scientifique et philosophique d'un usage limité.

Sihem Jaziri
Professeur Université de Carthage

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2 Commentaires
Les Commentaires
Touhami Bennour - 28-03-2016 21:08

En effet Mme c´est compliqué. Ca me rappelle un ecrivain marocain qui chaque fois il veut repondre á resoudre un problem il dit c´est compliqué, ce n´est pas dans le plan ordinaire des choses mais le probleme est posé dans un champ compliqué, il est lui même compliqué. L´exemple de l´oeuf de Christophe Colomb, on dit que s´était pour repondre á une idée simple qu´il a fait la demonstration de l´oeuf debout dans sa main et il en a écrasé le bout, la reaction des gens qui l´entouraient était que c´est simple alors que qu´ils n´ont pa pu le faire. En realité l´idée était elle meme complexe, et s´il suffisait d´y penser, le phenomène était lui complexe. Il nous faut une revolution epistemologique,un autre paradigme au pieds duquel nous verrons les choses comme étant complexes. Le simple c´est peut-être pour simplifier aux enfants seulement , il est en quelque sorte une question pedagogique. Alors pensons á la transition democratique et disons tout de suite, comme l´écrivain marocain, que c´est compliqué.

Mohamed Jemal - 29-03-2016 07:55

Je voudrais apporter quelques précisions sur les notions de thermodynamique relatées dans ce texte. La "reine des Sciences" comme l'avait qualifiée Albert Einstein, nous apprend que chaque substance, dans un état physique donné (solide liquide ou gaz) possède, entre autres, une grandeur propre appelée "enthalpie libre" ou "enthalpie libre de Gibbs" ("Gibbs energy" chez les anglophones), notée G par reconnaissance à Willard Gibbs (1839-1903) qui l'a inventée. En général G d'une phase dépend de plusieurs paramètres physiques qui sonr réduites à 3 lorsqu'il s'agit d'une phase contenant un seul produit chimique (phase pure). L'importance de G en themodynamique est primordiale et dépasse de loin celle des autres grandeurs introduites plus tôt, telles que l'enthalpie et l'entropie qui interviennent dans son expression, car les différentes dérivées de G conduisent à toutes les autres grandeurs thermodynamiques qui servent à caractérier la matière et son interaction avec son environnement. Exemple : les premières dérivées de G (ou du rapport G/T) par rapport à la température, à la pression ou à la quantité de matière (nombre de moles) conduisent respectivement, au signe près, à l'entropie, (à l'enthalpie) et au potentiel chimique. L'entropie traduit l'état de désordre dans la matière, l'enthalpie est à la base de l'échange thermique avec l'environnement et le potentiel chimique (moins connu du public même scientifique) détermine le sens de déplacement de la matière (ou énergie chimique) entre 2 milieux en contact, de ce fait, il joue dans l'échange de l'énergie chimique le même rôle que celui de la température dans l'échange de l'énergie thermique (ou calorifique), et que la pression dans l'échange de l'énergie des forces de pression (ou énergie mécanique). Quant à l'entropie, elle ne peut être toujours croissante que pour les systèmes isolés, c-à-dire qui n'ont la possiblité d'échanger avec leur environnement ni de la chaleur ni du travail. Ces systèmes peuvent évoluer quand même en diminuant de l'entropie en un endoit et en en créant dans un autre, de sorte que la somme algébrique de ces quantités soit positive. Cela correspond-il aux antagonismes ordre/désorde et organisation developpé par Edgard Morin et relaté dans ce texte ? Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, le résultat global doit être une augmentation de désordre et ce conformément au second principe, ou principe d'évolution, de la thermodynamique. L'univers, qui peut être considéré comme un système isolé, évolue-t-il vers davantage de désordre ? Mohamed Jemal Professeur émérite à la FST Spécialité : thermodynamique chimique.

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