Opinions - 20.02.2015

L’Enseignement : Quand le patriotisme cède la place à la démagogie

L’Enseignement : Quand le patriotisme cède la place à la démagogie

En constatant la débâcle qui sévit ces derniers temps dans le secteur de l’Enseignement à ses différents niveaux, en particulier les grèves à tour de bras et les revendications dont certaines frisent le ridicule, on ne peut s’empêcher de revivre dans l’imaginaire, avec nostalgie, la période de ‘faste patriotisme’ qui a sévi il y a une cinquantaine d’années, dans les établissements d’Enseignement aussi bien primaire que secondaire.

A l’école primaire Errached que j’ai fréquentée à Merkez Shnoun (Sfax) les instituteurs nous rassemblaient en fin de journée, à l’approche des examens nationaux,  dans une classe pour nous donner des cours complémentaires gratuits ou moyennant une somme modique dont les enfants nécessiteux étaient exemptés Je me souviens en particulier de Hédi Zouari, Haj Abderrahamen Kamoun et Ali Fourati. Des hommes de grande valeur qui se sont dévoués corps et âme  à leur noble métier.et ont disparu en laissant des souvenirs indélébiles.
Le lycée de garçons de Sfax, que j’ai intégré fin 58 ne manquait pas aussi d’enseignants dévoués. Le plus célèbre était Aberrazzek Bouricha (décédé il y a quelques semaines), Professeur de Pysique-Chimie, qui nous a préparés aux épreuves du Bac  pendant l’année scolaire 63-64. Les samedis après-midi, il nous faisait venir au Lycée pour des séances gratuites de correction d’exercices, qu’il nous distribuait auparavant en cours de semaine. Le résultat était au rendez-vous : tous les élèves de la classe qui ont passé le Bac cette année-l ont réussi. Abderrazek Bouricha en était fier.

Mais les Profs de ce Lycée n’étaient pas tous des anges. Deux ans plus tôt j’en ai connu un que les élèves redoutaient terriblement. Il se comportait en effet comme un diable et trouvait un malin plaisir à les brimer et les faire trembler. Je me souviens encore d’une scène qui s’est déroulée le jour d’un examen. Nous venions de rentrer dans la salle, tremblotant de peur ; lorsqu’il a tapé d’un grand coup sur le bureau en annonçant sur une voix assourdissante le début de l’épreuve. Tous les élèves avaient perdu le peu de confiance qui leur restait. Et puis avec lui gare à celui qui l’a croisé en ville en dehors des cours. Le lendemain il était interrogé au tableau et maltraité devant ses camarades. C’était l’enfer avec lui, Heureusement qu’il n’a passé qu’une année au Lycée. Je l’ai retrouvé 12 ans plus tard comme collègue à la FST. 

Cinquante ans plus tard, on assiste à une grève des enseignants dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’est pas justifiable. Car non seulement elle a été décidée au terme d’une demi-heure (pas plus) de négociations avec les représentants d’un Ministre de l’Education, qui avait à peine une semaine dans sa fonction. mais elle est maintenue malgré la disposition des autorités à la poursuite des négociations. Et puis pourquoi réclamer une augmentation de salaire spécifique à ces enseignants, alors que les discussions de l’UGTT avec les autorités ont abouti à une augmentation générale dans la fonction Publique. Les enseignants du secondaire constitueraient-ils une  catégorie à part qu’il faut traiter avec plus d’égard ?

Lassaad Yacoubi, secrétaire général du Syndicat Général des Enseignants du Secondaire (SGES) ne cesse de rappeler dans chacune des ses interventions publiques tonitruantes, qu’une de revendications du SGES est la défense de l’Enseignement Public. Quelle démagogie ! car parmi les raisons de la détérioration de l’Enseignement Public figurent précisément les grèves répétées en plus des cours particuliers. Ces derniers constituent un fléau qui grève terriblement le revenu des ménages. Alors qu’ils ne devraient concerner que les élèves qui n’arrivent pas à suivre au Lycée, ces cours sont généralisés à tous les élèves et dans toutes les matières, même en sport ! Les prof. exercent des pressions sur les élèves récalcitrants pour les amener à s’suivre leurs propres cours.Tout le mode sait que certains Prof louent des appartements où se succèdent des groupes d’élèves pour des cours particuliers jusqu’à une heure tardive de la nuit. Cela rapporte des millions exonérés d’impôts.. Le prof qui a passé une soirée d’effort avec ses groupes sera-t-il capable le lendemain d’assurer correctement le cours au Lycée ou collège ? Et puis comment connaître le niveau de l’élève lorsque le devoir qu’il doit passer dans l’établissement est traité la veille par le Prof lui-même en cours particuliers. Voilà où on en arrive après un demi-siècle d’indépendance, c’est triste. On est à mille lieux du dévouement de feu Abderrazek Bouricha.

Certaines revendications syndicales frisent le ridicule, c’est le cas de la prime de pénibilité du métier, revendiquée à un moment par les enseignants du secondaire et du primaire. Si les enseignants qui ne sont présents dans l’établissement que pendant une vingtaine d’heures par semaine revendiquent cette prime, que doit réclamer l’employé administratif qui doit être là pendant huit heures, ou le jardinier de j’établissement qui est soumis aux intempéries ?,Et puis si le métier assuré par l’enseignant dans l’établissement était pénible, où puise-t-il l’énergie nécessaire pour assurer des cours particuliers pendant ses heures creuses, parfois jusques tard dans la nuit ?  
L’inquiétant est que le SGES  garde le silence sur ces dérives  par ignorance (pas sûr) ou par complicité. La défense de l’Ecole Publique, affichée par le SGES dans ses manifestations n’est qu’un leurre destiné à susciter la sympathie des citoyens.
Le SGES doit réfléchir sur une stratégie de revendications plus responsable et cohérente..

Mohamed Jemal

Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
9 Commentaires
Les Commentaires
Sami - 20-02-2015 18:51

C'est vraiment la schizophrenie des enseignants. Ils poussent les élèves aux cours particuliers. Ils omettent qu'ils passent des vacances de 4 mois sans rien faire. Ils omettent leurs responsabilite dans le niveau bas des eleves de nos jours. En resume ils oublient l'impact de leurs revendications mesquines sur le budget. Bref sont-ils vraiment des Tunisiens ?

Mon MeF - 21-02-2015 00:49

Je Suisse enseignant à retraite après trente huit années passées à enseigner en classe terminale.quand je vois ma pension de retraite et celle d'un simple agent d'une des sociétés nationale j'ai presque honte de dire que j'ai terminé avec un grade de PP hors classe.laissons cela de coté qui a encouragé les cours particuliers mois je vais vous le dire les responsables qui ont instoré les 25% Et le prise en comte de la moyenne annuelle dans la formule globale pour l'orientation universitaire.Les collègues que vous avez cité je ne met absolument pas leur devouement et leur sens aigu de la responsabilité.seulement vous savez bien qu'ils vivaient correctement avec leur salaire.avez essayé de voir avec un peu de calme et justice de constater la dégradation du pouvoir d'achat des enseignants du secondaire par rapport à d'autres cthégories de fonctionnaires.je trouve que cet article est plein d'emportement.certes il y a des enseignants qui ne font pas honneur au métier.mais j'aurais aimé vous voir vous attaquer aux vrais problèmes qui incitent aux cours particuliers dont: les 25% clé comptage de la moyenne annuelle au bac'

Mohamed Obey - 21-02-2015 08:46

M. Mohamed Jemal, après mes salutations à vous, je trouve nécessaire de faire la remarque suivante. La démagogie se trouve plutôt dans votre attaque contre les enseignants et contre la personne de M; Lassaâd Yaâcoubi. Vous nous passez en revue un souvenir combien cher d'une époque pendant laquelle l'enseignant n'était pas entouré de mafias de différentes sortes. A l'époque ou vous étiez élève au primaire puis au secondaire, le Président de la République (Paix à son âme!) n'était pas un escroc, mais une icône des valeurs de la République. Moi, Prof du secondaire_comme vos propres Profs_ j'ai donné des cours gratis... Mais aujourd'hui, hélas!, il est requis de l'enseignant(e) de faire son travail de la manière la plus parfaite possible tout en lui niant son droit à être traité(e) aussi équitablement que ses compatriotes actifs dans les autres secteurs. Faites une étude comparative des salaires des gens ces différents domaines et dans la même catégorie de diplômes et vous allez voir les injustices! Mais votre article qui puise sa substance dans le concept du patriotisme (que vous avez choisi d'opposer à la démagogie des enseignants et de leur syndicat) n'st que la continuation d'une campagne de diffamation infondée dirigée par les politiques et quelques plumes et bien sûr des médias qui versent dans le populisme le plus dénudé de patriotisme. M. l'auteur de cet article, ce n'est pas avec des attitudes pareilles que vous allez participer à fonder une démocratie. Ce que vous avez soutenu est l'écho d'une rengaine qui a survécu des ministres échoués dans les eaux troubles de la politique éducative. Cher Monsieur, je termine par vous dire que par ceci, je n'entends point amoindrir votre patriotisme!

Cherine - 21-02-2015 09:07

Dire tout ça des profs est un crime envers tout enseignant honnête ! Il ne faut pas généraliser ! Majorité des profs ne sont plus capables de joindre les 2 bouts , majorité des profs sont malades par la tension artérielle et glycémie ! À cause des ados qu'ils éduquent . Rappelez vous monsieur qu'une grève de 2 ou 4 jours ne peut affecter nos programmes et qu'on assez responsables. Rappelez vous monsieur qu'en 2011 on a passé tous nos examens, on a tenu tous nos lycées et collèges et il n'y est arrivé aucun problème!!!! 5sara la mémoire des tunisiens est très courte et vous croyez qu'on n'a pas d'enfants parmi les élèves ? Et bien il y en a 200 milles!!!! On est des parents aussi monsieur. On veut des réponses à nos demandes de la part de notre gov et personne n'a à nous donner des leçons . On estvos profs et on mérite l'honneur !!!!!

Aziz - 21-02-2015 10:24

Je ne peux qu’être d'accord avec l'auteur. Enfin une opinion transparente et un bref article qui dévoile une réalité bien connue par presque tous citoyens en général et par les parents en particulier, y compris les parents enseignants. Les enseignants qui revendiquent les hausses des salaires sont des hypocrites, car ils ne pensent jamais a défendre l’honneur du métier en revendiquant d'abord a reformer la médiocrité de l’enseignent primaire et secondaire. Ils s'en foutent de cet honneur, puisqu'ils gagnent plus d'argents des cours particuliers, des pauvres familles, que de leurs salaires légitimes. Ce qui est grave est que s'ils continuent a user de leur énorme pouvoir syndical en ne souciant que de leurs intérêts financiers, ils réussiront a faire transiter tous les enfants des riches et même ceux issues de la classe moyenne vers les écoles privées que leurs parents pourront contrôler la qualité de l'enseignement en attirant les meilleurs enseignants. Résultats,les écoles publiques qui seront encore plus médiocres finiront par accueillir que les enfants des parents pauvres. Ce faisant, je pense que ces enseignants d'aujourd'hui seront les responsables de la décadence de l’école publique.

Sarra - 22-02-2015 09:56

Dans le public l'enseignement est l'arbre qui cache la forêt. Tout le secteur est égaré. Dans certains postes la grève c'est tous les jours et toute l'année.Les causes on les connait, c'est une accumulation de maux,d'origines nombreuses, qu'à force de tolérer on a fini par en faire la règle. S'en sortir n'est pas une mince affaire. Seule une bonne gouvernance conjuguée à un sursaut GENERAL de PATRIOTISME peut redresser la barque pour que les valeurs du travail ne soient pas enterrées avec nos valeureux Abderrazak Bouricha et consorts.

Docteur Ivan VARETTE - 22-02-2015 10:05

J'ai connu ce genre d'enseignants dévoués, pour qui le métier était un sacerdoce . C'était durant la guerre, en 1943, quelque part en France occupée . L'instituteur nous faisait rester chaque soir, durant 2 heures, gratis pro Deo, afin de nous préparer à l'examen d'entrée en 6° au Collège . Que ces Maîtres (ils méritent une majuscule) soient remerciés .

fathi - 22-02-2015 13:36

Ce que vous dites est correct mais incomplet. Les temps ont change' et la societe a change'. Dans le temps le prof et l'instituteur avaient tout le respect de la societe dans laquelle ils vivent. aujourd'hui le respect va a la voiture a la maison . a l'habit aux vacances passe'es etc., Dans une societe, ou le chauffeur de bugagne 1,5 le salaire du prof. L'employe' de banque a 18 mois de salaire, des facilities pour acheter une voiture, une prime de bilan qui est en fait negative, une prime de fin d'annee pour un budget de la banque, verse' par l'etat et par consequent les contribuables. des salaries des finances qui veulent et obtiennent qu'ils prennent 20% sur ce qu'ils vont ramener a l'etat de ceux qui falsifient leurs impots. Lorsque les fonctionnaires de la STEG ne payent pas leur factures de gaz et d'electricite et que leur compagnie prent a l'etat des milliards. il reste a chercher des abbe's Pierre, des meres THe're'sa, des hatem Attai et omar El Khattab chez les enseignants. Il est sur cher collegue que vous n'avez pas de profs de secondaire ou d'institeurs dans votre entourage.

Mohamed Jemal - 23-02-2015 10:19

Je constate que parmi les 7 commentaires suscités par mon article, seuls deux sont franchement en désaccord avec mes assertions. Je laisse aux lecteurs le soin de tirer la conclusion. Quoi qu’il en soit, mon article n’avait pas pour objet de dénigrer le corps enseignant dans son ensemble ; mais de comparer la situation actuelle à celle que ma génération a vécue il y a près d’un demi-siècle. Force est de constater que la générosité et le militantisme patriotique d’antan ont progressivement perdu du terrain laissant la place à un mercantilisme quasi-généralisé que les syndicats de l’enseignement essaient de noyer dans une flopée de revendications dont certaines relèvent de la démagogie. On assiste même à l’instauration chez certains enseignants d’une tendance à inverser l’échelle des valeurs, alors qu’ils sont sensés constituer le fer de lance pour la défense des valeurs morales. Ceci devient intolérable lorsque leurs responsables syndicaux voient le mal se propager et ne soulèvent pas le petit doigt pour le dénoncer. Est ce par connivence ou par clientélisme ? Je ne sais pas. Toujours est-il que cette attitude ne fait que les discréditer auprès de la Société. En parlant de mes Prof de lycée, j’ai cité deux cas extrêmes, d’une part celui d’un Prof exceptionnel en matière de dévouement et d’abnégation, en l’occurrence feu Abderrrazek Bouricha, et d’autre part celui d’un autre qui nous avait fait voir de toutes les couleurs et que j’ai retrouvé bien plus tard à la F.S.T. avec le même comportement, hautin pour son égo et méprisait voire méchant pour les autres. J’ai également connu d’autres grandes figures, tels que Abdellaziz Ben Hassen et Hédi Zghal, d’une valeur morale inestimable. Ils constituaient avec A. Bouricha les véritables éducateurs, qui éduquaient la jeunesse que nous étions non seulement par le tableau et la craie, mais aussi par leur comportement. Ils constituaient pour nous des repères à suivre, plus influents sur notre psyché que nos parents analphabètes. Je ne doute pas qu’il existe actuellement des enseignants de cette trempe, Mais il y a aussi les autres en particulier ceux qui abusent de leur pouvoir en exerçant des pressions et/ou des brimades sur des élèves sans moyens de défense, pour les obliger à s’inscrire à leurs cours. La presse nationale et les responsables ministériels en ont largement fait l’écho. Quel sera le comportement de l’adolescent qui a vu son Prof abuser de son pouvoir de la sorte ? n’aura-t-il pas tendance à faire comme lui dans le futur? Quel désastre pour la Société ! Ce Prof ne mesure pas les conséquences de ses agissements. Par honnêteté intellectuelle, il aurait fallu que mes détracteurs reconnaissent aussi l’existence de ces abus et le mutisme de leur syndicat à ce sujet. Dans les années 90, feu Mohamed Charfi a essayé de limiter les dégâts en interdisant aux Prof d’inscrire leurs propres élèves à leurs cours. Cette disposition que les Marocains n’ont instituée que tout récemment (le 12 Décembre 2014) a été piétinée chez nous depuis longtemps,. On est donc revenu à la case départ. L’accumulation dans l’impunité de ces abus conduit les parents d’élèves qui ont les moyens à se détourner de l’Enseignement Public. Où va-t-on ? vers la prédominance de l’Enseignement Privé ? Ce serait plus désolant. Je comprends que des enseignants aient envie d’arrondir leurs fins de mois par quelques cours, mais il faut que ça se passe dans un cadre raisonnable en appliquant la circulaire Charfi, que l’effectif et le nombre d’heures soit limités, que la volonté et la bourse des parents soient respectées et que l’intérêt financier n’affecte pas le bon déroulement des cours dans les établissements publics. Le SGES qui ne manque pas de compétences, doit réfléchir à la mise en ordre de la gabégie qui règne actuellement.. ,

X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.