Opinions - 02.01.2015

Et Bajbouj succéda à Zouki !

Cette journée du 31 décembre 2014 restera dans les annales de l'histoire politique de la Tunisie et de tout le monde arabe . Ce que nous avons vécu est un précédent dans cette région du monde où l'alternance du pouvoir est une notion si étrangère . Elle donne une image civilisée de notre État et démontre qu'une des conditions nécessaires à la démocratie est remplie .

Cette événement était inimaginable il y a encore quelques années . Et il l'est encore dans un bon nombre de pays arabes comme la Libye ou la Syrie .

Jadis , on devait suivre ces cérémonies de passation de pouvoirs ailleurs, en France ou aux États-Unis par exemple . Chacune se distingue par un aspect particulier . Celle du 16 mai 2007, entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy , par son caractère chaleureux , le nouvel hôte de l'Elysée accompagna le Président sortant jusqu'à sa voiture et l'applaudit longuement . Par contre , celle vécue entre Hollande et Sarkozy fut glaciale de l'avis de tous les observateurs .

Ce n'était pas uniquement une passation de pouvoirs mais une alternance politique car les deux Présidents , l'entrant et le sortant , n'appartenaient pas à la même famille politique .

Ces grands moments ponctuent l'Histoire des États modernes . Nous devons nous rendre compte que le Palais de Carthage n'a jamais connu un tel événement bien qu'il ait symbolisé le lieu du pouvoir pendant des décennies. Mais cette journée marque aussi un tournant décisif dans le destin de deux hommes, Moncef Marzouki et Beji Caïd Essebsi . Le premier a quitté sa fonction et le second vient d'inaugurer son quinquennat.

L'avenir politique de Moncef Marzouki

Beaucoup d'observateurs dont certains sont avertis et d'autres pas ont précipitamment  enterré politiquement Moncef Marzouki aussitôt qu'il a quitté le Palais de Carthage . C'est faux .

Il a goûté au pouvoir , il fera tout pour y revenir . Je ne peux pas imaginer que Marzouki puisse  passer le restant de sa vie uniquement à rédiger des articles pour Al Jazeera.net ou à donner  des conférences bien rémunérées à Doha ou ailleurs essayant de passer pour le " Monsieur Transition démocratique " de la Tunisie . D'ailleurs, le mouvement qu'il a créé et qu'il transformera  en parti politique illustre clairement sa détermination à ne pas quitter la vie politique . Il est déjà  dans la perspective de la prochaine élection présidentielle . Il est dans la l'optique du retour au  pouvoir tout en sachant que la reconquête sera difficile . Réussira-t-il son défi de retourner à Carthage ? L'avenir nous le dira.

  Bien que nous ayons critiqué plusieurs aspects liés à l'exercice du pouvoir par le président sortant , je voudrais ici saluer son renoncement aux cadeaux qui lui ont été offerts ainsi qu'aux membres de sa famille par les chefs d'Etats étrangers . Certes , s'il n'avait pas fait ce geste , il aurait raté son départ et l'image d'homme intéressé et avide lui aurait collé à la peau . Et bien  que les cadeaux offerts au chef de l'Etat par les dignitaires étrangers représentent pour leurs  auteurs la manifestation de la volonté d'honorer la Tunisie et non pour sa personne intrinsèque  en dépit de cela , il faut saluer cet acte responsable . Et espérons qu'un musée des cadeaux  présidentielles verra le jour en Tunisie . Le Palais de Sidi Dhrif sera le lieu propice pour abriter  ce musée.

C'est au pied du mur qu'on voit le maçon

Le Président nouvellement installé sait pertinemment que le pouvoir n'est pas une partie de  plaisir . Il connait le célèbre dicton " ????????? ????? ? ???? ????? " . Il n'aura pas le droit à l'erreur , il ne devra pas anéantir l'espoir qu'il a suscité . D'ailleurs la presse nationale et la presse étrangère ont établi la liste des défis qu'il devra surmonté . Chacun a sa propre idée de ces  défis , Jeune Afrique en a la sienne , Courrier International et certains journaux arabes et  occidentaux également . Beji Caïd Essebsi , dans une Libre Opinion publiée par le Washington  Post le 27 décembre , estime que les défis sont de l'ordre économique , sécuritaire et démocratique.

Économique car même si cette compétence est du ressort du chef du gouvernement ,  le chef de l'Etat doit se battre pour l'amélioration des conditions de vie des citoyens . Et comme la politique étrangère est son domaine réservé , il peut user de tout son poids dans les relations  avec les autres États et avec les institutions internationales pour aider à relever les défis socio-économiques . Le diplomatie économique sera une priorité , a-t-il martelé dans son discours d'investiture.

Pour ce qui est du défi sécuritaire , il y aurait beaucoup à faire. Et là , il n'y a pas mieux que de revenir à l'excellent et pertinent article , de l'expert en géostratégie Mehdi Taje, publié par  Leaders le 30 décembre. Il a diagnostiqué les origines du terrorisme , ses manifestations et a  établi le traitement adéquat pour y remédier. Et j'estime que la création d'un pôle renseignement  constitué des agences de renseignement interne et externe comme l'a suggéré M.Taje est une priorité . Un État qui ne possède pas des services de renseignements modernes et efficaces  restera vulnérable et défaillant surtout face à cette menace globale qu'est le terrorisme sous  toutes ses formes.

Sur le plan institutionnel et démocratique , le chef de l'Etat doit veiller à l'établissement des  nouvelles institutions prévues par la Constitution . Et la Cour constitutionnelle constitue une  pierre angulaire dans cet établissement de l'Etat de droit .

Diplomatiquement , la Tunisie doit réchauffer ses relations avec les États arabes, nous ne devons pas entretenir des relations conflictuelles avec eux . Pour ce qui est de l'Union Européenne et de nos partenaires traditionnels , les relations doivent être impulsées et renforcées .Ce qui me tient le plus à coeur est l'ouverture, la zone Asie-Pacifique est devenue  le poumon économique du monde . Allons-y ! Nous devons chercher la croissance là où elle se trouve . Pour ce qui est de notre continent , l'Afrique est un continent très dynamique, le PIB de l'Ethiopie a affiché une croissance de 10.4 % en 2013 à titre d'exemple .

Beji Caïd Essebsi qui est aussi bien à l'aise à la Maison-Blanche qu'à Hay Hellal - et cette aisance est une qualité qu'on ne trouve pas chez la majorité des hommes politiques tunisiens - doit garder le lien avec les citoyens et veiller à ce qu'il ne soit pas rompu . Espérons qu'il demeurera proche de toute les franges de la société .

Politiquement , nous pouvons débattre , contester, protester, critiquer, nous chamailler mais c'est de bonne guerre . Vive la Politique ! Vive la Tunisie! 

Chedly Mamoghli

Tags : Beji Ca   moncef marzouki  
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