Lu pour vous - 11.12.2014

Mansour Moalla: Pourquoi ce livre ? «Gouverner»

L’objet de ce livre est double : initier les gouvernés aux problèmes et difficultés du gouvernement et permettre aux gouvernants de réfléchir à ces problèmes en prenant connaissance du parcours et des idées de quelqu’un qui a eu l’honneur de servir, la possibilité de s’accomplir et la souffrance de percevoir de près aussi bien la noblesse du service public que la misère de la politique et la dérive du pouvoir.

Cet ouvrage comprend une introduction, quatre parties et une conclusion. Si l’introduction se limite à l’évolution de la situation, la conclusion, en revanche, constitue une esquisse d’un nouveau modèle de développement du pays comportant une réforme des institutions à développer, des méthodes à employer. La première partie concerne le système de gouvernement : la nature du régime, présidentiel ou parlementaire ou mixte. J’ai vécu les excès du premier, surtout dans sa seconde phase des 23 dernières années. Aussi j’explique dans ce livre pourquoi un tel régime est un système qui n’existe plus que dans les pays sous-développés, arabes et musulmans en particulier, et que le monde développé a adopté le système parlementaire, à l’exception des Etats-Unis où il y a des contrepoids et des libertés qui limitent ses inconvénients.

Cette première partie évoque le problème du «pouvoir judiciaire» qui est en fait un «pouvoir» subordonné et une simple «autorité» comme le disent les constitutions française et tunisienne. J’expose comment la justice peut devenir un pouvoir autonome comme le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Certaines de mes idées ont été reprises par la nouvelle constitution de janvier 2014.

La deuxième partie du livre porte sur les «Grands équilibres économiques» et traite à la fois de la demande globale (consommation, investissement et exportation) et de l’offre globale (production et importation) et explique comment procéder pour gérer ces différentes composantes et atteindre un équilibre acceptable entre la demande et l’offre garantissant ainsi la stabilité ou la progression adéquate des prix et des revenus ainsi que l’équilibre de la balance des paiements, les exportations couvrant au moins les importations de biens et de services pour éviter le déficit commercial et avoir un excédent courant au lieu d’un déficit courant. Ce déficit courant est structurel depuis l’indépendance, on emprunte pour le couvrir et on aggrave ainsi l’endettement et on s’expose à une grande crise financière extérieure qu’on a connue en 1964 et en 1986 et qui a nécessité à deux reprises le recours au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale.

Le ou les futurs gouvernements doivent faire face à cette première priorité, comme ils doivent également faire face à un deuxième et grand défi : le chômage et l’emploi. La résorption du chômage, devenu trop important, et la création d’emplois, toujours inférieure à la demande, exigent des investissements importants qu’il faut rechercher, mettre au point et financer. Tous ces problèmes sont évoqués au détail dans cette deuxième partie.

La troisième partie concerne le budget et la fiscalité. Le budget de l’Etat pose le problème du rôle de l’Etat et de ses attributions. Son intervention importante, nécessaire au lendemain de l’Indépendance, est devenue excessive. Les ressources budgétaires sont devenues insuffisantes pour couvrir des besoins en croissance continue. Faut-il alléger les charges de l’Etat ? C’est notre opinion. Faut-il aggraver la charge fiscale. Le faire c’est alourdir les frais de production et la compétitivité des produits tunisiens. De plus, le mécontentement populaire empêche de le faire. La fiscalité a été à l’origine de grandes révoltes populaires. L’impressionnante révolte tunisienne qui a précédé l’installation du protectorat a précipité l’occupation française : de nombreuses pages édifiantes sont consacrées à cette étape cruciale de l’histoire tunisienne. On a décrit aussi le jeu déloyal entre le fisc et le contribuable. Le fisc ne joue pas le jeu en matière d’impôt direct et de TVA et le contribuable n’hésite pas à frauder le fisc. Une réconciliation entre ces deux « ennemis » est-elle possible ? Nous le recommandons mais cela n’est réalisable que si l’on confie à la société civile une partie des nombreuses charges exercées par l’Etat à la société civile qui, elle, se contente aujourd’hui de réclamer et pourrait, libérée, devenir plus responsable. Nous exposons une nouvelle conception de l’entreprise qui pourrait y contribuer et instaurer la paix sociale. n n n
n n n La quatrième partie est la plus longue. Elle est consacrée aux problèmes financiers : la banque, le crédit, la monnaie, le leasing et l’assurance et une étude spécifique sur le système financier tunisien et les réformes qu’on peut introduire.

La banque de dépôt est l’instrument principal de l’appareil financier. Nous décrivons son évolution, ses problèmes et les améliorations qu’on doit lui apporter pour qu’elle puisse faire face à ses tâches qui concernent surtout le financement à court terme. On a exposé en même temps les problèmes du financement du développement au moyen des banques d’affaires, des banques de développement, du marché financier. Des développements spécifiques ont été consacrés à l’évolution du problème des banques de développement depuis l’Indépendance. Des autorités incompétentes se sont acharnées à détruire six banques de développement importantes soit en les fusionnant avec la malheureuse STB comme cela a été le cas de la BDET et de la BNDT spécialisées, la première dans l’industrie et la seconde dans le tourisme, soit en les transformant en banques commerciales dites universelles comme cela a été le cas des grandes banques de développement créées en association avec les pays du Golfe. On dirait que la Tunisie ne veut pas se développer. De 1963 à ce jour, c’est un massacre financier et une incapacité stupéfiante qui ont frappé la Tunisie. On espère que les futurs gouvernements s’occuperont plus sérieusement à l’avenir du problème des structures financières tunisiennes qui ne sont plus que des « épiceries ». Le Maroc est un exemple à suivre : ses structures financières ont couvert l’Afrique de multiples succursales et contribuent à l’expansion de l’économie marocaine. Aucune installation tunisienne réussie à l’étranger. Tout est à revoir dans ce domaine. Toute la quatrième partie est pleine de propositions, de suggestions, de cris de colère.

La conclusion est une esquisse d’un nouveau modèle de développement de la Tunisie pour les années à venir. Ce nouveau modèle repose sur l’idée centrale que toutes nos institutions, nos méthodes, ne sont plus adaptées aux besoins du développement du pays. Elles ont subi un vieillissement considérable et doivent être rénovées.

La première grande réforme concerne l’Etat qui se trouve encombré par les tâches d’exécution et la concentration excessive du pouvoir au centre et ce, aux dépens de sa mission essentielle de puissance publique responsable de tâches qui lui incombent à lui seulement et uniquement.

Cette concentration sur l’exécution a fait que le pays attend tout de l’Etat, n’exerçant aucun pouvoir réel sur leur destin. Des propositions sont avancées concernant les grandes communes dont le territoire comprend les gouvernorats actuels et qui doivent être dirigés par des institutions émanant du suffrage universel et libérées de toutes les tutelles qui les accablent aujourd’hui. Les populations concernées participeront ainsi à la construction de leur avenir. Les régions regrouperont les grandes communes voisines, chacune d’elles comprenant des communes littorales et d’autres intérieures. La deuxième grande réforme concerne l’entreprise où le principe de la participation doit remplacer celui de la subordination de façon à motiver les parties concernées et favoriser la paix sociale.

La deuxième réforme vitale concerne le système éducatif qui conditionne l’avenir du pays. Depuis les années 1970, elle s’est révélée nécessaire. Et ce n’est qu’au début des années 1980 qu’elle a été amorcée par la création de l’école de base par le VIe Plan (1982-1986). Elle est restée inachevée. Le cycle secondaire et le système universitaire nécessitent des réformes importantes pour éviter les échecs, les abandons, le gaspillage de ressources. La qualité de la formation doit être perfectionnée pour éviter le chômage qui concerne aujourd’hui les cadres formés à l’Université. Une liaison étroite entre l’éducation et l’économie est nécessaire. On propose des idées pour y parvenir. On n’a pas de temps à gaspiller dans ce domaine.

Les grandes réformes économiques à entreprendre doivent consacrer la réduction et si possible l’élimination du chômage et la promotion de l’emploi ainsi que le développement des investissements qui doivent recevoir la plus grande priorité.

Il en est de même en ce qui concerne l’équilibre de la balance des paiements et notamment l’expansion des exportations. Celle-ci requiert une plus large couverture sur le monde et le grand large: un petit pays risque de disparaître s’il se replie trop sur lui-même. C’était le cas hier. Il ne doit plus l’être demain. La Tunisie est équipée naturellement et humainement pour devenir une grande puissance économique et financière : il ne faut pas la maintenir dans l’état de repli et de manque de confiance en soi qui ne peut que la faire régresser.

Tags : Gouverner   mansour moalla  
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2 Commentaires
Les Commentaires
Candide - 12-12-2014 11:27

Je n'ai pas encore lu ce livre, mais je compte bien le faire. Ce programme me semble intéressant dans ses grandes lignes. Il faudra beaucoup de courage et de travail pour le mettre en œuvre, c'est certain. La route est encore longue, surtout après ces années de désordre et de gâchis économique et social. Tournons la page et regardons l'avenir ensemble, c'est la meilleure chose que nous ayons à faire si nous voulons reconstruire ce pays. Monsieur Mansour Moalla, votre ouvrage a le mérite d'exister, personne n'en a fait autant depuis 3 années. Les dents longues et acérées de tous ces prétendant au trône les en ont empêchés. La meilleure promotion que vous puissiez donner à votre ouvrage et à votre réflexion, serait de dédicacer cette bible de gouvernance, à tous ceux qui se sont présentés à l'élection présidentielle, en décernant une mention particulière au président provisoire sortant. Je ne doute pas un seul instant que ces honorables politiques vont se précipiter pour le lire, afin d'apprécier le chemin qu'il leur faudra faire pour parvenir au poste suprême. Certains sortants restés sur la touche, risquent même de découvrir le principe de Peter que peux d'entre eux doivent connaître, et qui tend à démontrer que dans tout système hiérarchique, chaque individu s'élève et demeure à son niveau d'incompétence. Ceux qui ce sont succédés depuis 3 ans aux différents postes de ce précédent gouvernement ont démontré bien malgré eux la justesse de ce principe. Merci pour la Tunisie.

Semia Hamila - 03-03-2015 14:32

Le retour de l'Oiseau rare de l'Afrique me plait espérant bien appliquer ces directives et partager ces idées ....................

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