Opinions - 07.05.2014

Ce qu'implique le nouveau deal politique en Tunisie

On nous dit que la reconduction du gouvernement Jomaa après les élections ne fait plus de doute, les grosses pointures politiques que sont Ennahdha et Nidaa Tounes, les deux pôles incontournables de la scène politique, y adhèrent, même si chacun apporte son bémol en termes de détails qui ne remettent pas en cause la question majeure du maintien du gouvernement des compétences.

Un nouveau deal

Cette idée qui semble faire son chemin relève du nouveau deal politique en Tunisie, imposé tout autant pas les contingences intérieures que les considérations géostratégiques. 

Il s'agit de l'horizon futur de la scène  politique dans notre pays dont le croquis a été dessiné lors de la phase décisive du Dialogue national et dont les traits de force sont devenus évidents avec les visites à l'étranger du chef du gouvernement, particulièrement en Occident et plus spécialement aux États-Unis.

Il reste que si une telle option est raisonnable, étant de nature à assurer plus de stabilité au pays, on ne peut que s'interroger sur la contradiction inhérente à l'attitude de nos dirigeants politiques accrochés à l'idée de l'organisation au plus vite d'élections législatives et présidentielles.

On excipe de l'argument du respect de la constitution qui exige formellement de telles élections quand il ne s'agit que d'un prétexte pour se redonner une base politique, renouveler une légitimité électorale perdue ou absente.   
Carl'on est passé à la légitimité consensuelle, et celle-ci consiste en une vision partagée de la politique chez MM Caïd Essebsi et Ghannouchi bien plus que d'un partage du pouvoir, même si l'une n'exclut pas l'autre selon l'évolution de circonstances demeurant, pour l'essentiel, imprévisibles.

En effet, si l'accord est déjà acquis de la formation d'un gouvernement de technocrates apolitiques pour une législature de cinq années au sortir des élections, on ne peut raisonnablement que se demander à quoi bon organiser des élections, obérantencore plus le budget de l'État, les dépenses faramineuses n'ayant pour seul but que de renouveler une légitimité qui n'aura aucune conséquence, la scène politique au lendemain des élections étant déjà dessinée et devant rester en l'état?

Ce que demande le peuple

Certes, on estime que le gouvernement a le devoir d'organiser les élections; mais sa mission qui doit primer tout n'est-elle pas de redresser le pays et de libérer les administrations des affidées à la troïka défunte qui ont galvaudé l'esprit du service public, piétinant les droits tout en maintenant les abus de l'ancien régime?
Il est vrai, on se réfère aussi au respect de la constitution, en faisant même un argument massue. Or, si respecter une formalité de la constitution est important, il est encore plus important de respecter sa matière, ce qui n'est pas les cas puisque les droits et libertés qui sont les véritables acquis de la démocratie n'étant toujours pas effectifs.

On évoque également les élections nationales comme un acquis démocratique, mais on oublie que le véritable acquis serait dans l'organisation d'élections municipales afin de permettre au peuple de renouer avec la politique et de se charger d'assainir la situation dans le pays à travers la seule structure habilitée à le faire que sont des municipalités librement élues.

La donne  politique nouvelle suppose plus de sens patriotique et moins d'ego personnel; les chefs des deux grandes formations du pays doivent écouter la voix du peuple des profondeurs de la Tunisie; elle exige du concret, se lamentant de la détérioration de sa vie quotidienne.

Or, seules des élections au plus près des préoccupations populaires, donc des municipales, sont de nature à répondre à cette attente qui est de plus en plus une exigence et qui deviendra une impatience un jour ou l'autre. Alors,s'ouvrira la boîte de Pandore de la coupure  définitive entre un pays réel, officieux, en pleine mutation, et un pays légal officiel,mais figé sur les dogmes du passé.  

Assurer donc la transition démocratique et la réussir, c'est mettre en œuvre une constitution que nos amis étrangers qualifient d'historique. Cela suppose qu'on ne se comporte pas avec elle comme avec une pièce archéologique, remisée dans un musée, mais qu'on adapte notre vie de tous les jours, surtout notre politique, à son rythme nouveau.

Faisons donc l'impasse dans l'immédiat sur les élections nationales et organisons des élections moins coûteuses et plus profitables au pays que sont les élections municipales! Et en parallèle, mettons en application la constitution, notamment dans les droits et libertés imposés par la société civile, qui commandent une réforme immédiate de la législation nationale liberticide héritée de la dictature. 

Farhat Othman

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