Hommage à ... - 08.01.2013

Pr Afif Boucetta : Il n'était pas un psychiatre ordinaire

L e mardi 4 décembre 2012, la psychiatrie tunisienne perdait l’un de ses valeureux serviteurs, en la personne du Professeur Afif Boucetta. Il  s’est paisiblement éteint après une lutte courageuse de plusieurs années contre le mal pernicieux qui le rongeait de l’intérieur. Durant ces années noires de douleurs et de combat, il n’a jamais cessé de travailler. L’image que garderont de lui ses élèves, c’est celle d’un psychiatre tordu par la douleur, avec un bras paralysé qui continuait, comme si de rien n’était, son enseignement et ses consultations. Quelques jours avant sa disparition, étendu sur son lit, parlant avec une grande souffrance, il conseillait encore une résidente sur la manière de rédiger correctement sa thèse.

Afif Boucetta n’était pas un psychiatre ordinaire, ni d’ailleurs un homme ordinaire. Sa haute stature et son front dégagé qu’occupaient ses larges sourcils ne laissaient pas deviner au premier abord le caractère affectueux et serviable de l’homme. Pourtant, le Professeur Afif Boucetta fut sa vie durant l’exemple du sacrifice et du dévouement, à ses malades, son métier, sa famille et  ses amis.

Né le  14 octobre 1954 à Ksar Helal où il poursuivit ses études primaires, il forgea en fait sa vraie personnalité au lycée de garçons de Sousse. C’est là que l’envie de devenir médecin le poussa à travailler durement pour décrocher son baccalauréat Math Sciences pour ensuite entrer à la faculté de Médecine de Tunis.

En 1981 à la Manouba, ses aînés tels que les Professeurs Essedik Jeddi,  Sleim Ammar, Fakhreddine Haffani, Samia Attia, mais aussi plus tard à Paris Henri Loo, découvrirent avec étonnement Afif Boucetta en tant que résident : un médecin au caractère bien tranché, qui s’engage à fond avec ses malades, assumant sur ses larges épaules une responsabilité extrême, assoiffé d’apprendre et d’évoluer, ouvert, ne prenant que rarement du repos, toujours prêt à aider et à s’engager, surtout auprès des démunis envers qui il n’était jamais avare. Chef de service dès 1985 alors qu’il n’était encore qu’assistant hospitalo-universitaire, il développa une vision active de la psychiatrie où l’efficacité primait et le retour du patient à son milieu de vie habituel  avec la meilleure adaptation possible devenait l’obsession de toute l’équipe thérapeutique. Avec le Professeur Fakhreddine Haffani, il organisait les staffs du Mercredi qui étaient un espace de formation pratique et théorique incomparable où les élèves psychiatres se bousculaient.

Le nombre des travaux du Professeur Afif Boucetta témoigne de son engagement inébranlable dans la formation médicale. Mais loin d’être théoriques et présomptueusement savantes, ses recherches allaient d’abord et avant tout envers ce qui est pratique, ce qui est utile et ce qui est nécessaire. Il n’a jamais été déconnecté des réalités du pays et n’a jamais été de ceux qui refoulaient leurs opinions. Après la crise de pouvoir qu’a vécue la psychiatrie tunisienne au début des années 2000, Afif Boucetta est élu en 2004 président de la Société tunisienne de psychiatrie. Sa gentillesse, son honnêteté et son sens de la diplomatie lui ont permis de renouer les liens avec les psychiatres privés qui avaient fondé leur propre association. Parallèlement, il s’engagea dans le projet de la ferme thérapeutique de Sidi Thabet où les patients incurables de l’hôpital Razi furent évacués et a continué jusqu’à tout récemment à s’y rendre et à prodiguer des soins à cette catégorie de malades qui rebutaient les plus courageux. Le seul handicap d’Afif fut la cigarette qui quittait rarement sa bouche. Quand on lui annonça son cancer en 2007, tous ses proches croyaient que c’était la fin du psychiatre. Ils se trompaient lourdement. Entre interventions chirurgicales, chimiothérapie et radiothérapie,  Afif revenait constamment vers ce qui est l’essence de sa vie et son œuvre, le service de ses malades.

Il laisse derrière lui une femme dévouée et une fille, brillante étudiante dans une grande école en France. Afif, c’est peut- être avec la mort que tu connaîtras le vrai repos. Va en Paix mon ami, nous ne t’oublierons pas !

Dr Sofiane Zribi

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