News - 25.10.2016

Fayza M’rabet Daldoul rend hommage à Manoubia Ouertani et au corps de la femme

Fayza M’rabet Daldoul rend hommage à Manoubia Ouertani et au corps de la femme

«Manoubia Ouertani ! Manoubia Ouertani!» Le nom de cette pionnière du mouvement féministe tunisien, qui, en 1924, osa se dévoiler en public dans un geste émancipateur à la fois artistique et politique, était sur toutes les lèvres le samedi 22 octobre à la galerie el-founoun (maison des arts) du Belvédère, où se tenait le vernissage de l’exposition «Racines» de l’artiste peintre Fayza M’rabet Daldoul.

A l’entrée de la galerie, une imposante affiche où figure, aux côtés d’une ribambelle de femmes voilées de blanc, la dévoilée Manoubia Ouertani, arborant impudemment un drapeau tunisien plus grand qu’elle. Une image-choc, tristement non-célèbre, et qui ouvre le bal d’une série de tableaux peints au stylographe, à l’encre de chine et en lavis, avec parfois des tracés à la plume. Représentant avec abondance des arbres aux racines ondulantes et aux rameaux sinueux, les peintures de Fayza M’rabet font apparaître en creux des corps plantureux de femmes dont les formes avantageuses se confondent avec les arborescences. Tantôt recouvertes de sépia, tantôt colorées, la soixantaine d’œuvres exposée jusqu’au 6 novembre a donc été l’occasion de rendre un vibrant hommage à la liberté du corps et à celle qui se trouve à la racine de sa création : la Femme. Ou, plus justement, « les » femmes. Car les corps vaporeux que l’on voit prendre chair au milieu de la broussaille sont multiples : ils sont les extensions nombreuses du corps de Manoubia Ouertani, que la peintre considère comme la matrice qui se trouve à la racine nourricière de l’arbre-féminisme !
« Il ne s’agit pas uniquement d’un hommage à la libération de la femme tunisienne, explique encore Fayza M’rabet Daldoul. Il est également question de la liberté du corps et de celle de l’esprit, à travers lesquelles j’ai voulu encenser l’essentiel combat pour la liberté de la Tunisie. Un combat qu’il faut sans cesse réactiver par les temps qui courent ! »

Hommage à Manoubia Ouertani, mère du féminisme à la tunisienne

Enfouie dans l’oubli des générations de femmes qui ont pourtant poursuivi son combat contre la servitude et le cloisonnement du corps, Manoubia Ouertani n’est pas suffisamment célébrée, estime la peintre. Pire, son geste révolutionnaire et fondateur n’est même pas assez évoqué dans les écrits restituant l’histoire du féminisme tunisien. Une lacune d’autant plus malvenue que la féministe tunisienne militait dans ce même élan émancipateur pour la liberté d’un pays passé sous le joug de la colonisation.

Et c’est précisément pour rendre justice de la bataille anticonformiste menée de main de maître par Manoubia Ouertani que Fayza M’rabet a mis ce personnage historique au cœur du thème de son exposition. Les œuvres exposées n’ont toutefois pas été conçues pour être un jour soumises ensemble à l’œil du public au sein d’une même exposition : elles ont été au contraire construites séparément, au fil des ans et à mesure que la maturité du geste pictural de la peintre s’est affirmée. L’harmonie qui en est ressortie a fait le reste.

Qui est Fayza M’rabet?

Fayza M’rabet a beaucoup peint au cours des nuits en plein air qu’elle a passées assise devant les arbres du Belvédère, dont les interstices des feuillages et les crevasses des branches ont rempli son imaginaire d’exubérance et de formes charnelles. Influencée par l’expressionisme allemand, la femme de Hassen Daldoul a été l’élève du peintre kairouanais Amor Ben Mahmoud, puis a commencé quelques années plus tard à apprendre les bases du dessin à l’atelier de M’hamed M’timet. Elle est également passée par l’atelier du peintre Mohamed Chelbi, pour qui l’œuvre de Fayza « dégage une luminosité qui nous rappelle l’impressionnisme dans son sens fort. [Fayza] est un peintre qui n’emploie pas le noir, écrivait-il en 2013. Elle l’obtient par le mélange, sa palette est très lumineuse, à l’instar des impressionnistes. » Elle a par ailleurs participé à plusieurs expositions de groupe durant les 8 dernières années. Egalement passionnée de lettres, la peintre a écrit un recueil de poésie intitulé « Nour, fait de presque rien », et actuellement en cours d’édition. Il sera préfacé par le philosophe Youssef Seddik.

Nejiba Belkadi
 

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