News - 13.09.2012

Gilles Kepel de retour de Sidi Bouzid : un grand sentiment de rage et de frustration persiste auprès des jeunes

De retour de Sidi Bouzid où il se rend régulièrement en enquête sur le terrain, Gilles Kepel, sociologue spécialisé dans les mouvements islamistes, et professeur à Sciences-po,  fait deux constats significatifs. D’abord, un sentiment de rage et de frustration constaté auprès des jeunes quant à la prise en charge des questions sociales qui ont été à l’origine de la révolution. Se proclamant partie prenante du mouvement déclencheur de la révolution, ils estiment que la situation loin de s'améliorer, s'est plutôt dégradée. Plus encore, ils considèrent que leur rôle de leader est en train de s’effriter face à de nouveaux acteurs politico-religieux qui dévoient leurs revendications.

Pour Kepel, qui livrait son témoignage jeudi matin lors du Forum de l’ATUGE consacré au « Nouveau contrat social », le traitement de la question sociale qui a été le catalyseur des révolutions arabes va faire un retour en force, posant un grand défi et exigeant un accompagnement social efficient. Il relève que la modernisation a produit une génération d’inadaptés au marché du travail, notamment du fait d’une inflation universitaire qui a créé des effets pervers et fait naître de grandes ambitions, finissant par générer de graves frustrations. Présidant l’ouverture du Forum, le ministre des Affaires sociales, Khalil Ezzaouia, ne pouvait qu’être attentif à cette analyse.

Le deuxième constat fait par Gilles Kepel à Sidi Bouzid qui dépasse selon l'universitaire français son cadre géographique pour incarner le symbole des révolutions arabes, c’est l’absence de tout discours des élites, comme si ces élites n’arrivaient pas à communiquer avec le peuple et ne trouvaient ni le vocabulaire approprié ni les moyens efficaces pour véhiculer leurs messages. Ce sont essentiellement les islamistes radicaux qui y réussissent. Au centre ville, l’ordre est constitué par des individus appartenant à Ansar Echaria qui contrôlent le marché.

L’incapacité des élites à communier avec l’opinion et les forces politiques, toutes tendances confondues, mais surtout les nouveaux dirigeants, à prendre en charge les questions sociales et à leur apporter le traitement urgent, profond et efficace qu’elles méritent, met la Tunisie face à de grands défis.

Rebondissant sur ces constats, Khalil Ezzaouia confirmera le rôle de la gouvernance sociale locale pour la prise en charge des revendications sociales, citant deux cas différents, dans le bassin minier de Gafsa. L’absence totale de tout encadrement pénalise lourdement, souligne-t-il, la ville d’Oum Larayès où la vie s’arrête dès 14h, avec la fermeture des bureaux de l’administration locale ( délégation, municipalité, poste de police et autre). Jusqu’au lendemain matin, la ville est livrée à elle-même et la population s’en trouve désemparée. A l’inverse, Redeyef où la société civile a sur prendre en main la situation, pas une vitre n’a été brisée et l’activité phosphatière a pu redémarrer.

De son côté, la président de l’Utica, Ouided Bouchammaoui, a rappelé avec amertume la grande illusion de l’investissement industriel à Sidi Bouzid où aucune zone industrielle n’a été aménagée et aucune infrastructure de base ne s’y prête. Acquiesçant aux propos de Kepel, elle a affirmé qu’une nouvelle approche est indispensable pour répondre vite et bien à ces vraies attentes.
 
 

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7 Commentaires
Les Commentaires
Aziza Darghouth - 14-09-2012 07:31

au delà de l'analyse de la situation interne; inflation des diplômes, marginalisation exclusion, incapacité des partis à proposer des voies et projets mobilisateurs... les facteurs "externes" de la géostratégie sont aujourd'hui une BOMBE! Nous ne pouvons occulter ou faire semblant d'ignorer que le COMPLOT contre la Tunisie, est la REALITE. Tout est orchestré pour que le pouvoir Ennahdha perdure: ANC bloquée, pas d'objectifs, situation de guerre larvée via des ansar elchariaa dont on ne comprend (??) pas d'où ils viennent... et comment ils s'agitent, et comment on les fait agiter. Ce qui s'est passé en Libye est juste une phase du plan... la suite vous le comprendrez : on est en Etat d'Urgence ... et RIEN ne devra changer dans ce gouvernement. Messoudi le conseiller démissionnaire le dit, et toute l'analyse le démontre. La seule vérité avec laquelle le complot se déploie est 'L'IMMENSE IGNORANCE DES ARABES" (et vous saurez que c'est le facteur qui actuellement construit la stratégie de déstabilisation de la Région, et la TUNISIE en EST l'EPICENTRE. REVEILLEZ VOUS ! NOUS SOMMES au bord du gouffre. Le 23 OCTOBRE ILS DOIVENT SORTIR . - Ils sont complices de l'envoi des jeunes Harragua (et vous verrez que ceux qui parleront vous le démontreront) - Ils sont complices (alliés stratégiques) de ce qui s'est passé dans la manipulation des élections en Libye et Jebril l'a clairement annoncé.. - Ils sont Complices dans l'installation de la terreur via les Djihadistes salafistes financés et appuyés.. - TOUT TOUT SERA FAIT POUR QUE LA TUNISIE NE VOIT PAS L'HORIZON d'Elections... ILS SONT ALLIES STRATEGIQUES .... ET PAS POUR DANSER !!

sihem - 14-09-2012 07:41

dommage qu'on doit attendre un étranger pour l'écouter, je ne dis pas pour nous dire la verite, car je la'i dis combien de fois, que notre elite ne fait qu'attiser le feu, et n'arrive pas a communiquer avec la base. ou est Maya Jerbi, Chebbi, Kaied Essebssi, Fadhel Ben Moussa dans cette communication? ils ont cede leur place a un populiste de la constituante que les medias l'ont rendu star, parce qu'il gesticulait et parlait a voix haute pour dire des bla bla de cafe, et que je n'ai pas l'honneur d'ecrire son nom mais son prenom est Ibrahim

al07 - 14-09-2012 10:57

On appelle ça "défoncer des portes ouvertes",non ? De constats en constatations,et d'analyses en palabres, le "smilblick" n'avance pas beaucoup ! Ce sont les autochtones eux mêmes qui pourront faire bouger les choses à la condition expresse qu'ils soient aidés et accompagnés massivement !On parle à tort et à travers de "plan Marshall",mais dans ce cas,c'est exactement ce qu'il faudrait ! Malheureusement,les "gouvernant" fouettent d'autres chats,pendant que le petit peuple crève,de faim, d'ennui,de lassitude et de désespoir..... Attention au réveil !

BEDOUI jalel - 14-09-2012 10:58

Il faut dire qu il y a beaucoup de réalité dans ce qu à été soulevé par Mr Kepel et on comprend les demandes des citoyens Sidi bouzid et leurs inquiétudes ,sauf que ceci ne va pas résoudre les problèmes il faut qu il est des propositions de solutions et je me permet ds ce sens de dire ni le le gouvernement ni l opposition ont présente des solutions pratiques tenant compte des complexité de la situation sociale et ecomique ,ceux qui étaient au devant des evennement réclament leurs droit après la révolution ,aussi Ennahdha lors des élections avait présente des mensonges ,programme complet qui absorbera la majorité des chaumeurs .les solutions même si elles sont tardives mais permettront à mon avis d absorber certains mécontentements: -réduire certaine procédures pour les appels d offres publiques pour cette période transitoire afin de lancer certains travaux ,genre aménagement des zones industrielles ,réalisation des hôpitaux ,lycées ..... -activer la redistribution des terres des sociétés de mise en valeur SMVDA à ceux qui se présentent pour une période d au plus trois ans au lieu de les laisser terre nues ,abandonnés -renforcer les contacts direct entre membres du gouvernement et citoyens ,dialogues ouvert , - activer le dossier des victimes de révolution -appliquer les lois afin d améliorer la sécurité ds tous les domaines -etc.......

bounab - 14-09-2012 11:27

La Tunisie est un pays qui se dirige sans aucun doute vers le mûr.Rien ne va plus dans le pays.Du balayeur au président on ne distingue plus qui est qui et qui fait quoi.Sur tous les tableaux le peuple est de plus en plus immature par la faute des pilleurs qui prétendent diriger le pays alors qu'en réalité sont entrain de la piller.laissant les mauvaises herbes faire leurs lois. Bientôt un autre pays colonisera la Tunisie.

Dr sadok ouahchi Psychiatre 23/55/55/36 - 14-09-2012 12:55

Aucune Gouvernance ne peux résoudre le problème du chomage atteignant un taux de trente pour cent en particulier parmi les jeunes.Le manque de communication des dirigeants accentue le desespoir et n'autorise aucunement le demarage d'une ébauche de solution qui doit etre élaborer avec les interesses eux memes.La solution de ce problème passe par trois propositions qu'aucune gouvernance n'est prete à adopter: -diminuer les depenses des dirigeants . -resoudre le problème de la prise en charge du social -integrer la force de production dans le choix des programmes et le management des entreprises,l'Etat devant en premier donner l'exemple, le cas de Gafsa en est l'illustration.

Mhamed Hassine Fantar - 14-09-2012 16:33

Magister dixit. Je croyais que la Tunisie est désormais capable de dire: Tunisia fara da se à l'instar de l'Italie de Cavour et de Garibaldi qui avaient adopté ou adapté la formule: l'Italia fara da se.Mais il reste évident que le problème en Tunisie est essentiellement éducationnel et culturel.La révolution à été faite et continue de se faire pour et contre des diplômes qui sanctionnent un niveau si bas d'instruction que le titulaire ne s'en trouve guère en mesure de rédiger une simple requête pour un emploi dans une fabrique. Le régime que la Tunisie peine à abplir faisait aux nombreux élèves de nos lycées des bacs blancs et accordait aux trop nombreux lauréats des diplômes blancs pour qu'ils restent des blancs becs.La Révolution sera effective et efficiente quand la Tunisie aura donné à l'instruction et à l'éducation l'importance et le poids qu'elles méritent. Si vous ne me croyez pas parce que je suis Tunisien comme vous etque je souffre avec vous et comme vous, adressez-vous à Gilles Kepel de Sidi Bou-Saîd.

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