News - 31.05.2012

Les habits neufs de Hamadi Jebali

Jamais interview d’un chef de gouvernement  n’aura bénéficié d’une telle couverture médiatique en  Tunisie. Lotfi Zitoun  serait désormais bien en peine de nous convaincre que les activités des dirigeants d’Ennahdha sont  boycottées par les médias nationaux.

Que dire de cette prestation de M. Hamadi Jebali sinon que le Chef du gouvernement y a alterné le bon et le moins bon.  On retiendra d’abord, sa condamnation sans équivoque des agressions salafistes, sans qu’ils soient désignés nommément, qui, sous couvert de défense de la religion essaient « d’islamiser » le pays en essayant d’imposer à l’ensemble de la population un autre mode de vie, leur conseillant d’avoir à l’esprit « le précédent algérien ». On l’attendait sur ce point. Pour la première fois, Hamadi Jebali a eu les mots qu’il fallait, évitant de recourir aux circonlocutions, comme il l’a fait souvent par le passé quand il abordait ce sujet. Il ne fait plus dans l’angélisme : « ce sont nos enfants, « Il faut engager le dialogue avec eux »,  « après tout, ils ne viennent pas de mars ». Il nous propose même une définition inédite de la charia « c’est la liberté,  la démocratie, la tolérance, les valeurs universelles ». Mais, il ne rassure pas pour autant. Car il se garde bien de dévoiler les mesures qu’il compte prendre pour mettre un terme à leurs agissements. Et puis, parfois, comme s’il avait l’impression d’être allé trop loin, il relativise le phénomène, décochant encore une fois au passage quelques fléchettes aux journalistes lorsque ses interviewers lui font part de l’inquiétude des TO étrangers, surtout après les évènements de Jendouba. Par contre, il ne se fait pas prier pour stigmatiser les syndicats de police dont « les communiqués s’apparentent  à des manifestes politiques », allant jusqu’à les menacer de sanctions.

A plusieurs reprises, Jebali rappelle que son gouvernement est fort parce qu'il tire sa légitimité des urnes, et n'a cure des attaques lancées contre lui par la gauche et les syndicats comme s'il voulait se convaincre lui-même. Aux journalistes  qui évoquent le climat délétère dans le pays avec la multiplication des grèves et des sit in qui touchent à présent la magistrature, les médecins, les enseignants, il rétorque que le gouvernement remplira ses engagements envers les démunis et les régions intérieures et pour faire avancer la lutte contre la corruption et les malversations, mettant toute cette agitation sur le compte des mutations qui accompagnent généralement les révolutions. Au passage, il s’en prend à l’UGTT qui doit « se confiner dans le rôle qui doit être le sien qui est de défendre les intérêts de ses adhérents » dénonçant ceux qui évoquent « une année blanche » pour les élèves.

S’agissant de la situation économique, il  relève que les quatre premiers mois de l’année ont été marqués par un bond de la croissance de 4,8% (un chiffre qui a laissé dubitatifs ses interlocuteurs comme, je suppose un certain nombre de téléspectateurs), critique la dégradation de la note souveraine de la Tunisie par S&P, et laisse entendre qu’un changement à la tête de la BCT n’est pas à écarter, même si Kamel Nabli vient d'être élu meilleur gouverneur de banque centrale en Afrique «vous savez, ces titres, ils valent ce qu'ils valent» lancera-t-il. Il regrette les couacs entre les présidences du gouvernement de la république « je n’aurais jamais permis à mes conseillers d'agir de même façon envers  la présidence de la république »,  et reconnait à demi-mot avoir  pu être, sur certains points, mal conseillé, « mais je ne suis pas le genre à se défausser sur mes collaborateurs de certaines décisions», avant de  déplorer la présence de certains journalistes qui s’étaient compromis avec l’ancien régime à la réunion sur la réforme de l’information organisée par le gouvernement «c'était une erreur», reconnait-il. Quant à l'entrisme pratiqué par Ennahdha pour noyauter l'administration, il essaie de le minimiser avant de se raviser «peut-être faudra-t-il aussi nommer des personnalités d'autres partis et mêmes des indépendants».Enfin, il confirme la tenue des élections le 20 mars prochain.

 Jebali a essayé, sans y réussir totalement, de se placer au dessus de la mêlée, se démarquant bien que timidement (il  y a un début à tout) d'Ennahdha. Il ne s'adresse pas seulement à la population, mais aussi à ses troupes qui ont bien du mal à se défaire de leurs vieux habits d'opposants, les appelant à tempérer leurs ardeurs. Sa référence à l'exemple algérien leur est adressée  autant qu'aux salafistes. Il aurait pu y ajouter l'exemple egyptien où le candidat de l'armée est au coude à coude avec celui des Frères musulmans aux élections présidentielles. Sa définition de la charia va faire grincer  bien des dents du côté de Montplaisir. Mais la voie est encore sinueuse et pleine d'embûches. Il lui faudra par exemple se faire à l'idée que l'UGTT n'a jamais été et ne sera jamais un syndicat ouvrier stricto sensu, comme en témoigne sa contribution à la lutte de libération nationale puis contre la dictature. C'est une exception tunisienne avec laquelle il doit composer. De même, il faudra être plus clair avec les salafistes et ne pas céder à la tentation de minorer leur capacité de nuisance comme le font certains dignitaires du mouvement Ennahdha pour des raisons électoralistes évidentes. Car ce ne sont pas les "fouloul" de l'ancien régime, mais toute la Tunisie qui a peur des salafistes, aujourd'hui. Les  habitants de Tamerza comme ceux des beaux quartiers de Tunis et de Carthage. Encore un effort, si Hamadi.

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10 Commentaires
Les Commentaires
Karim - 31-05-2012 13:07

Pourquoi ne parlez vous pas en tunisien? En tunisien, on dit "alèch" mais pas "lich"? Et puis beaucoup de mots qui reviennent, dont on ne connait pas l'origine, on dirait que l'on est gouverné par des gens pas de chez nous, c'est vraiment bizarre. En tous les cas, Si Hamadi s'est beaucoup amélioré question communication, mais il lui reste quand même beaucoup de chemin à faire. Bonne continuation

wiem - 31-05-2012 13:52

Vous avez tout à fait raison karim, à chaque fois que j'essais d'écouter ce jbali,il me faut un grand effort, parce que ni son accent, ni les mots qu'il utilise ne sont tunisiens. Du coup, j'ai le même sentiement que vous: nous sommes gouvernés par un non tunisien

Mohamed S. Haddad - 31-05-2012 14:28

Je ne vois pas pourquoi "Sa définition de la charia va faire grincer bien des dents du côté de Montplaisir."! Le PM n'a fait qu'énumérer des éléments qui sont au cœur de la (loi) Charia , ou plus tôt des éléments de de 'l'esprit de la loi (Charia)'. Par ailleurs, il est vrai que jadis, le rôle politique Du syndicat (UGTT) était salutaire (''contribution à la lutte de libération nationale et contre la dictature'')...maintenant il ne peut être que néfaste pour la Démocratie et son corollaire : le bien être des Tunisiens. Le monde a changé...Le syndicat devra changer…, maintenant que nous avons des partis politiques dont la raison d’être est l’action politique justement, je suis convaincu que les syndicats devraient se consacrer au syndicalisme. Si l’UGTT arrive à faire la transition qui lui permet de focaliser son attention sur son ''Core Business'', Le syndicalisme, les syndiqués et le Pays tout entier en seront gagnants …d’ailleurs le changement est urgent pour l’UGTT surtout que la concurrence (syndicale) gagne du terrain…

DOULA - 31-05-2012 16:35

Comment peut-on lire l'entretien jebali/TV (publiques uniquement!!!!)? Rien de rassurant pour ce peuple qui veut du pain, du travail et un toit. Démagogue comme ses prédecessuers "d'hier et d'avant-hier", n'acceptant pas les arguments des journalistes (Là c'est une autre affaire, car la comédie n'est pas bien jouée, et ça sentait la préparation, sinon pourquoi pas le direct!!!)ou refusant les critiques... Les urnes dont parlent M. Jébali : le quart de la moitié du Peuple, alors de quelle légitimité parle t-il? Et puis où est la "hibat" de l'Etat quand des extrémistes bornés, se croyant détenir la Vérité, veulent nous imposer pa la violence leurs idées noires, qui n'ont rien à voir avec l'essence même de l'Islam? Tunisie n'est pas Afghanistan ni Irak, ni autre contrée de la "Jahiliya", mais ceci est aussi une autre affaire que nos Cheikhs bien éclairés de la Zitouna devront résoudre avec leurs nouveaux ensignements!!!! Bientôt, nous n'aurons plus de nouvelles technologies, plus d'images, plus d'arts, sauf ce que Cheikh Laabdi aura autorisé... Ça sent le roussi...S.O.S. sauvez-nous de nous -mêmes!.

kichmet - 01-06-2012 10:09

Meme si ennahdha n'existait pas les partis d'opposition(toute),lesONG et les medias l'aurait inventee pour en faire leur souffre-douleur meme si ce qui attend la tunisie,sans la troika,est simplement le CHAOS.

sihem - 01-06-2012 16:02

vous avez commence et fini votre article avec salafisme avec au milieu une pincee d'Islam et Charia. on dirait que le pays et l'interview se resument en ces 3 objets

MOUATINA - 01-06-2012 16:26

moi personnellement , le discours de monsieur le premier ministre m'énerve parce qu'il ne cesse pas de dire CHA3BI et cha3bna c'est quoi ce discours de KHALIFAT

Nasfi - 02-06-2012 11:47

Vous défendez la position de L'UGTT, vous devez savoir que l'UGTT doit changer de rôle après le 23 octobre 2011, tout simplement parce que nous sommes en régime démocratique, certes jeune mais certainement sur la bonne route. L'UGTT a chaque fois nous rappel le rôle historique pendant la période de la colonisation, et pour fonder la jeune république. Mais aujourd'hui les responsables a la tête de l'UGTT doivent comprendre que leurs rôle est purement sociale et s'ils veulent faire de la politique , la seule façon est de créer ou adherer a des partis politiques. D'ailleurs le résultat des élections du 23 octobre montre bien que le tunisien fait la sépare des choses. Les nombres d'adhérents a l'UGTT n'implique pas forcément qu'ils ont un poids politique. Cette une force de négociation pas plus. Et Jbali il avait raison. Il faut que chacun se limite a sa vraie dimension pour pouvoir reconstruire la Tunisie, autrement c'est l'anarchie.

sihem - 02-06-2012 14:17

un an et demi après la Révolution, les mafieux chez nous se révèlent être indémontables. Du moins pour le moment. Et la guerre, la vraie, ne consiste pas en les Salafistes, la justice transitionnelle ou la constitution. La gangrène est partout. C’est cet ogre là qu’il faut tuer. VOUS CONTINUEZ A NE PAS M'EDITER, ET MOI JE PERSISTE POUR NE PAS VOUS DONNER L OCCASION DE DIRE QUE VOUS N AVIEZ PAS RECU MON MESSAGE

Hou - 03-06-2012 07:06

Je ne crois plus un mot de ce que les dirigeants d'ennahdha disent il y a un monde entre ce qu'ils font et ce qu'ils disent et puis qu'est ce qu'on attend d'un premier ministre qui a choisi un premier conseiller comme Lotfi ZItoun......rien, alors rien. Il va falloir changer de conseiller avant de se présenter devant le peuple

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