News - 18.06.2023

Atelier de formation des 15, 16 et 17 juin 2023 sur la préparation des rapports des États sur la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et le Protocole de Maputo en Tunisie

Atelier de formation des 15, 16 et 17 juin 2023 sur la préparation des rapports des États sur la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et le Protocole de Maputo en Tunisie

Par Prof. Hajer Gueldich
Professeure agrégée à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis et Présidente de la Commission de l’Union africaine de droit international (CUADI)

1. Contexte et objectifs de l’Atelier

Dans le cadre de la vulgarisation et l’aide à la mise en œuvre du Protocole à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique (Protocole de Maputo), le Centre pour les droits humains de l'Université de Pretoria, en partenariat avec l’Association Kadirat, ont organisé un atelier de formation du 15 au 17 juin 2023 à l’hôtel «Tunis Grand Hôtel», à la capitale Tunis.

Kadirat pour la Parité et la solidarité est une association qui a pour but de contribuer à améliorer la vie des femmes, fondée en 2014 par un groupe d’activistes et d'universitaires tunisiennes fortes d’une longue expérience d’activisme de la société civile, sous la présidence de Mme. Samia Melki Fessi. Kadirat a rejoint en mars 2020 le réseau d'ONG féministes soutenues par l'ONU et est désormais membre de son comité directeur intérimaire en charge de la planification stratégique. Depuis sa création, Kadirat a participé à plusieurs campagnes nationales de lobbying pour l'adoption d'une loi contre la violence ainsi qu'une loi pour l'égalité dans l'héritage. Depuis 2019, le PNUD considère Kadirat comme son partenaire dans le projet de ratification et de domestication du Protocole de Maputo.

De manière plus spécifique, le Centre pour les droits humains de l'Université de Pretoria travaille au renforcement de la mise en œuvre du Protocole de Maputo dans le cadre du mandat du Rapporteur spécial sur les droits de la femme en Afrique.

Pour atteindre cet objectif, un accent particulier est mis sur la formation des États africains qui ont ratifié la Charte africaine et le Protocole de Maputo à respecter leurs obligations en matière de présentation de rapports à la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples. L'atelier de formation des 15, 16 et 17 juin 2023 avait pour cible les représentants des parties prenantes dans notre pays, notamment les représentants des Ministères concernés, les parlementaires, les académiciens, les institutions nationales des droits de l'Homme et les représentants de la société civile de Tunisie.

2. Qu’est-ce que le Protocole de Maputo?

Le Protocole de Maputo a été adopté le 11 juillet 2003 et est entré en vigueur en novembre 2005, après avoir été ratifié par 15 États membres de l’Union africaine.  Il s'agit d'un protocole additionnel rédigé en vertu de l'article 66 de la Charte africaine.

Le Protocole de Maputo a été élaboré essentiellement en réaction aux violations des droits humains commises à l'encontre des femmes en Afrique et ce, malgré l'existence de son principal instrument, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. Le Protocole de Maputo élargit et inclut des normes spécifiques et pionnières en matière de droits des femmes en Afrique.

Il aborde, en outre, de manière innovante, les inégalités entre les hommes et les femmes auxquelles les femmes africaines sont confrontées quotidiennement. Il comprend des mesures juridiques et autres visant à protéger les femmes contre, par exemple, toutes les formes de violence à leur égard, les pratiques néfastes, le mariage d'enfants, les mutilations génitales féminines, l'inégalité dans les mariages et les divorces, la discrimination dans l'éducation et sur le lieu de travail, et le déni des droits de succession.

Il s'agit du premier instrument international juridiquement contraignant à aborder les droits en matière de santé sexuelle et génésique, en faisant explicitement référence à la protection contre le VIH et au droit à un avortement médicalisé et légal dans des circonstances précises. 

A ce jour, le Protocole de Maputo est ratifié par 43 États africains. Cela signifie qu'à ce jour, 43 États africains acceptent et consentent à ce que les femmes de leur pays puissent jouir des droits humains que le document prévoit pour elles.

En outre, les rapports des États constituent un élément essentiel du suivi de la mise en œuvre du Protocole de Maputo. L'article 62 de la Charte africaine et l'article 26 alinéa 1 du Protocole de Maputo définissent les obligations des États qui l'ont ratifié en ce qui concerne l'établissement de rapports.

Les États parties s'engagent à soumettre, tous les deux ans, un rapport décrivant les mesures législatives ou autres qu'ils ont prises pour assurer la pleine application des droits des femmes. Les rapports des États remplissent un certain nombre de fonctions essentielles, notamment: faire le point sur les mesures concrètes prises par les États qui ont ratifié les traités pour se conformer à leurs obligations en vertu de la Charte africaine et du Protocole de Maputo; identifier les problèmes et les défis liés à la pleine mise en œuvre des instruments et offrir la possibilité d'un échange constructif avec la Commission africaine, afin que les États parties puissent bénéficier de ses recommandations.

Cependant, malgré ces obligations, le Protocole de Maputo, comme d'autres traités africains relatifs aux droits humains avant lui, continue de subir le même sort, à savoir la non-présentation ou la présentation tardive des rapports. En cette année 2023, vingt ans après son adoption, tous les États qui l'ont ratifié n'ont pas inclus une section sur le Protocole de Maputo dans leur rapport à la Commission africaine.

En 2009, le Centre des droits humains de l’Université de Pretoria a collaboré avec le Rapporteur spécial sur les droits de la femme en Afrique dans le cadre de la rédaction d'un projet de lignes directrices sur l'établissement de rapports par les États sur le Protocole de Maputo. Ces lignes directrices ont été adoptées par la Commission africaine la même année. Il est donc important que ces lignes directrices soient non seulement diffusées parmi les États parties, mais aussi que ces derniers comprennent leurs obligations en matière de rapports en vertu de la Charte africaine et du Protocole de Maputo.

Les principaux objectifs de l'atelier étaient justement de diffuser et de vulgariser les Lignes directrices relatives à l'établissement des rapports des États parties au Protocole de Maputo, ainsi que de développer et de renforcer les capacités de la Tunisie en matière d'établissement des rapports des États parties, afin qu'elle soit plus à même de s'acquitter de ses obligations en la matière, au titre de la Charte africaine et du Protocole de Maputo.

Il est à rappeler que notre pays, la Tunisie, a ratifié le Protocole de Maputo le 27 septembre 2018 et que nous sommes actuellement en retard de 7 rapports sur la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et que la Tunisie n’a jamais présenté son rapport en vertu du Protocole de Maputo depuis sa ratification.

3. Déroulé de l’Atelier de préparation de rapports des États sur la Charte africaine et sur le Protocole de Maputo

L'objectif global de l'atelier sur la préparation des rapports des États est de renforcer la capacité de la Tunisie à se conformer à ses obligations en matière de rapports vis-à-vis de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples.

Cet atelier a réuni plusieurs experts chevronnés en la matière, notamment de la Tunisie et de l’Afrique:

1. Honorable Commissaire Prof. Hatem Essaiem (membre élu de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples)

2. Honorable Commissaire Prof. Hajer Gueldich (membre élue et Présidente de la Commission de l’Union africaine sur le Droit international)

3. Prof. Hafidha Chekir (Professeure universitaire)

4. Mme Samia Fessi (Présidente de l’Association Kadirat)

5. Mme. Matilda Lasseko-Phooko (Experte du Centre pour les droits humains de l’Université de Pretoria)

6. Mme. Oluwaseyitan Solademi Ibrahim (Experte du Centre pour les droits humains de l’Université de Pretoria)

Après l’apprentissage théorique, le débat et l’échange d’expertise des deux premiers jours, le troisième et dernier jour de la formation était dédié au travail des groupes et à la restitution des travaux dans le cadre de la rédaction du Rapport d’Etat en vertu de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et du Protocole de Maputo.

Un travail impressionnant de collecte des données a été fait par thème, tant au niveau des normes juridiques, des textes d’application et de la pratique gouvernementale en matière d’actions et de stratégies, ventilé par thématique selon la Charte et le Protocole de Maputo en matière des droits des femmes.

Ce travail a permis aux différents participants de:

1. Définir les engagements spécifiques que la Tunisie a pris dans le cadre de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et plus particulièrement, du Protocole de Maputo.

2. S’imprégner des Lignes directrices relatives à l'établissement des rapports des États en vertu de la Charte africaine et du Protocole de Maputo. Cela permet de s'assurer que les parties prenantes concernées en Tunisie non seulement prennent connaissance de ces lignes directrices, mais y souscrivent également, en particulier lors de la rédaction de leur rapport sur les instruments.

3. S’imprégner du rôle de la société civile et des institutions nationales chargées des droits humains dans le processus d’élaboration des rapports des Etats parties.

4. Donner l'occasion à la Tunisie de commencer à travailler sur son rapport à la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples. Ce rapport comprend une section sur la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (partie A) et une autre sur le Protocole de Maputo (partie B) et offre des orientations techniques, le cas échéant.

Ralliant l’apprentissage théorique à l’aspect pratique, cet atelier fut l’occasion de discuter les obligations qui incombent à l’Etat tunisien, en vertu de la ratification des traités en question. Ce fut aussi l’occasion de rassembler la matière nécessaire pour la rédaction des rapports en souffrance que la Tunisie devrait remettre à la Commission de Banjul.

Les représentantes des autorités compétentes présentes lors de cet atelier, cible essentielle de ce workshop, ont pu bénéficier de l’expertise de tous les participants, en vue d’entamer le travail de rédaction. Des promesses ont été faites afin de passer aux étapes suivantes.

C’est grâce au dévouement exemplaire de tous les participants que ce travail avait pu être réalisé en un temps record. Les partenaires et organisateurs sont à saluer, vu les facilités apportées en vue de réussir cet important rendez-vous pour la Tunisie et pour la femme tunisienne.

Prof. Hajer Gueldich
Professeure agrégée à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis
et Présidente de la Commission de l’Union africaine de droit international (CUADI)




 

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