News - 28.03.2022

Professeur Ridha Mzabi: cette incomparable satisfaction que d'être le serviteur

Professeur Ridha Mzabi

Par Dr Tahar Ben Slimene - Les anciens du service chirurgie B de l’hôpital Charles Nicolle et les nouveaux du service beau séjour ont organisé un déjeuner en l’honneur de leur Maitre le Professeur Ridha Mzabi ancien chef de service et patron de la chirurgie.

إنما الأمم الأخلاق ما بقيت فان هم ذهبت أخلاقهم ذهبوا. قالها احمد شوقي

Cette céremonie rentre dans le cadre de la reconnaissance et remerciement d’un grand Patron Tunisien.

Je suis un médecin de la promotion 1975, j’ai fait mes études à la faculté de médecine de Tunis.

Cette promotion s’est distinguée par son dévouement ses luttes estudiantines et la démocratie de l’université après le congrès de l’UGET 1971, nous avons rejeté le bureau de ce congrès et avons demandé des élections libres de nos représentants.

Les enseignants à l’époque avec à leur tête feu le professeur Zouheir Essafi ont également contesté la nomination par l’administration de Doyen et exigé une élection du conseil de faculté et du doyen.

En 1974 il y a eu l’élection du doyen en la personne du professeur Z. Essafi, un courant très positif s’est installé entre le nouveau doyen et les étudiants.

En janvier 1975 nous avons organisé ensemble un séminaire sur les carrières médicales, qui est resté une référence, des décisions importantes ont été adoptées, la création de 3 filliaires:

Hospitalo universitaire

Hospitalo sanitaire

Libre pratique

La spécialité passe par les concours de résidanat (le résidanat méritant).

En octobre 1975 nous avons choisi le service du professeur Essafi pour notre premier stage d’internat, c’est là que nous avons rencontré le Professeur Ridha Mzabi, il était chargé du service femme A21. Nous avons été tout de suite frappé par son sérieux, sa rigueur et sa ponctualité.

Il se présente tous les jours à 15h, avec sa blouse blanche bien repassée pour faire la contre visite. Après avoir vu toutes les patientes, nous lui présentons les dossiers des malades, il lisait toutes les observations, en corrigeant  aussi bien le français que les termes médicaux, à la fin il nous dictait la décision, pour les dossiers simples il les marque sur le programme, pour les autres il nous demande de les présenter au staff du mercredi après midi. Pendant cette période de débutant nous avons été frappé par sa disponibilité, sa rigueur.

Nous avons vécu un  drame national  alors que nous étions dans le service du Prof Essafi, le 10 Avril 1976 il y a eu un accident mortel du Doyen, sa compagne est décédée sur le coup et a été transporté aux urgences dans un état grave avec traumatisme crânien grave. Il a été vite transféré au bloc (coupole).
J’étais de garde à la réanimation ce jour là, j’ai vu débarquer les patrons tunisiens ainsi que le Staff du service Dr Lorand Gaspar qui s’occupe du pavillon C20, assurait la réanimation.

Coma grave dépassé stade IV, la décision de le débrancher avec l’accord de la famille et l’avis du Prof Rapin venu spécialement de Paris a été prise.

Des funérailles grandioses ont été faites avec la présence des autorités (Mr Hédi Nouira premier ministre  en personne). 

Cette mort brutale a entamé chez nous les jeunes une grande tristesse et un sentiment d’appartenance à une maison.

En 1977 après notre réussite au concours de résidanat (le premier). Nous avons choisi de faire une carrière chirurgicale.

Le service était dirigé par une cohabitation: Prof Ennabli et Prof R. Mzabi, par un effet de hasard je me suis trouvé de garde souvent avec Mr  Mzabi, j’étais résident 1er année, plein de volonté mais manque d’expérience.

Pendant cette période difficile et stressante  chaque fois que je téléphonais à Mr Mzabi pour un avis, une assistance il répondait tout de suite à n’importe quelle heure, jamais il nous reproche de le déranger même pour des petites choses quand il se déplaçait il ne rentre pas au bloc sans se mette en tenue adéquate.

Cette période d’une année un courant positif s’est installé entre nous. En 1979 quant il ya eu création de deux services c’est tout à fait normal pour  moi  de choisir son service le fameux B23.

Le Prof Ridha Mzabi en prenant son service il a un programme et une méthodologie payante.

Tout d’abord, il a accueilli toutes les compétences, je cite : Le professeur Khaled Bach Hanba (première promotion de la faculté de la médecine), le professeur Sahbi Larguech ancien interne des hôpitaux Amiens.

Docteur Lorand Gaspar ancien chirurgien à l’hôpital de Jérusalem poète très connu écrivain et militant des droits de l’homme.

Pendant cette période de structuration du nouveau service il y avait une ambiance très amicale.

Le staff du matin, le lendemain de la garde il réunissait les internes et résidants, il lisait toutes observations, les bilans biologiques et radiologiques doivent être inscrits dans le dossier.

Ce staff est d’une grande richesse linguistique et médicale. Il n’est jamais pressé, il prenait le temps qu’il faut pour lire tous les dossiers et discuter les attitudes thérapeutiques, l’objectif de Mr Mzabi c’est le malade, il nous arrive d’admettre des malades qu’on mettait dans des lits supplémentaires, jamais il nous a reproché des admissions abusives par contre il ne tolère pas de faire trainer le malade.

Le service est organisé par des staffs: les entrants, les sortants, les décès, les séances de bibliographies. Nous travaillons dans une ambiance très amicale.
Il respectait ses collaborateurs quel que soit leur âge ou leur grade.

Sa porte est ouverte pour nous tous, il n’hésite pas à soutenir ses collaborateurs. Quand il a commencé à faire une activité  privée il respectait les règles, nous faisons l’aide opératoire à tour de rôle ainsi nous profitons encore de son savoir faire chirurgical.

C’est un homme ouvert à toutes les innovations chirurgicales. Il accueille tous ceux qui demandent la réintégration du service je cite de mémoire: Pr A.Letaief, Ahmed Jammeli venu de Monastir, Béchir Seddik, Khaled Fourati…

Il a récupéré  ses élèves qui à un moment ont du aller ailleurs, moi-même  Menzel Bourguiba et stage à Paris (hôpital Lariboisière). Chadly Dziri, Khaldoun Bardi, taher Khalfallah, Mokhtar Khaddech.

Un moment nous étions dix chirurgiens dans un bureau mais nous travaillons dans le respect.

Il encourageait ses élèves d’aller faire des stages à l’étranger en les appuyant auprès de la faculté et du Ministère de la santé. Il encourageait la participation dans les congrès surtout américain. Il était (Fellow of américain society of surgery) et allait chaque année au congrès américain, il nous rapportait les nouveautés.

Beaucoup de travaux scientifiques ont été faits sous son autorité (thèses, communications, libres études...).

C’est un visionnaire il a commandé la première colonne de coeliochirurgie à la clinique Saint Augustin, il est le premier chirurgien tunisien qui a fait la cholécystectomie par coelio, Dr Sahbi Larguech le 2eme et Pr Béchir Larabi premier à avoir une colonne de coelio à l’hôpital.

C’est un homme serviable et affectif il n’hésitait pas à aider son personnel (ouvriers, soignants…).

En véritable patron en quelques années, il a crée une école  structurée et nous a transmis une méthodologie de travail qui nous a servi par la suite de notre carrière.

Il a œuvré de par son aura  et des relations à acquérir «le beau séjour» qui était réservé à l’activité privée des professeurs.

Dés que la décision faite il faisait des réunions avec l’architecte pour la transformation de la clinique en service chirurgical, il nous faisait assister  à ces réunions pour donner notre avis.

Le Prof Ramzi Nouira actuel chef de service de Beau Séjour souhaiterait donner le nom de Prof R. Mzabi à l’amphithéâtre du service, c’est une bonne initiative que nous soutenons fermement.

Mr Mzabi est un fervent partisan  des causes humanitaires.

En janvier 1978 lors du jeudi noir, il était là avec toute l’équipe pour secourir les blessés.

En janvier 1980 il nous a soutenu pour aller à Gafsa avec le Pr Sahbi Larguech, moi-même et Brahim Meziane (technicien anesthésiste). Nous étions les premiers à arriver sur les lieux du drame à l’hôpital de Gafsa alors que les snippers continuaient  à tirer des balles depuis les terrasses des maisons.

En 1981 il était avec nous pour aider nos amis algériens suites du séisme Al Asnem.

Mr Mzabi et sa relation avec l’Association Tunisienne de Chirurgie, il était un des membres fondateurs de cette société savante avec le Professeur Said Mestiri.

En 2010 il a présidé le congrès à Tunis.

En 2015 l’association lui a décerné la médaille de mérite en chirurgie.

En 2016 il a fait le voyage pour Alger avec le Professeur S. Zmerli pour honorer la mémoire du feu Béchir Mentouri grand chirurgien militant de la première heure.

Il a été à Sousse, à Gafsa dans le cadre des activités de l'association de chirurgie…..

Dés qu’on a lancé les invitations pour la cérémonie en son honneur, tous des anciens collaborateurs, des élèves n’ont pas hésité à répondre positivement.
Je tiens à remercier sa fille Cyrine et son mari ainsi que Karem Slim et sa femme Soha à venir spécialement de France, je remercie le professeur Hassen Gharbi radiologue, professeur de biophysique initiateur  de l’échographie avec Wahid Hassine créateur du centre radio ponction, décoré de la médaille d’honneur de la société Nord Américain de radiologie, le Professeur Radhi Hamza qui a introduit le scanner à Tunis.

Nous remercions également les membres de sa famille ses sœurs et leurs maris venus de Sousse.

Nos remerciements  aussi pour les jeunes actuellement travaillant au beau séjour et à leur tête mon ami Ramzi Nouira qui a beaucoup fait pour la réussite de ce déjeuner.

Nos remerciements pour les anciens du service, K. Bach Hamba, S Larguech, B. Larabi……

Nous remercions pour l’honneur que nous a fait Mme Bourguiba Neila  (amie du couple Mzabi), ainsi que son fils Moez Bourguiba.

Je remercie aussi Mr Mohamed Bourguiba «Prochidia» pour son soutien financier ainsi que Mr Mahmoud BEN Mustpha  et son staff du Rocher.

Je termine mon intervention par ce que Ahmed Chaouki a dit : قم للمعلم وفه التبجيلا كاد المعلم أن يكون رسولا         

L’évolution professionnelle de son équipe:

Lui même a continué à exercer dans le secteur privé jusqu'à 2020.

Khaled Bach Hamba à exercé dans le privé

Si Larguech de même

N. Najah a pris la relève et a assuré la transition vers le service Beau Séjour.

Ch. Dziri lui a succédé. Il a inculqué à ses collaborateurs «l’évidence based médecine» (la médecine par les preuves et l’anglais médical).

T. Khalfallah a pris le relève de Béchir larabi et à démarré les greffes du foie à la Marsa.

K. Bardi exerce la chirurgie vasculaire périphérique dans le privé.

K. Slim  partit faire un stage en France, a fait carrière et actuellement chef de service à Clermont Ferrand.

Rafik Mzali partit à Sfax a continué sa carrière sur place et il vient de prendre sa retraite en Février 2022.

Ayoub Zoghlami est chef de service de chirurgie à l’hôpital Ben arous.

Moi-même, Khaled Fourati et Mokhtar Khattech nous avons opté pour le privé, nous avons creé des cliniques : la Marsa, Ezzahra et Nabeul qui ont contribué au développement de la médecine dans ces régions.

Dr Tahar Ben Slimene
 

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2 Commentaires
Les Commentaires
Akoubi Ammar - 29-03-2022 17:13

C est la génération qui a suivi celle des bâtisseurs. Malheureusement, ces compétences sont irremplaçables après la période de la jachère intellectuelle suivie de la décennie des ratages et de la destruction programmée de l'Etat.

ZALILA Samir - 26-04-2022 07:27

Pourquoi ne pas avoir évoqué le souvenir du Pr ZAOUCHE Abdeljalil parmi les hommages rendus à juste titre à tous ces pionniers de la chirurgie?

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