News - 05.10.2020

Ahmed Ounaïes: Les Etats Arabes et la reconnaissance d’Israël

Ahmed Ounaïes: Les Etats Arabes et la reconnaissance d’Israël

Par Ahmed Ounaïes - L’histoire est fertile en rebondissements que le temps finit par résorber et banaliser. Pour autant, les contemporains ne sauraient se dérober aux faits, ni esquiver le jugement. Le 13 août 2020, un communiqué de la Maison Blanche à Washington annonce la décision des Emirats Arabes Unis de reconnaître l’Etat d’Israël et l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays. Le communiqué ajoute que des Accords bilatéraux seront bientôt signés dans divers secteurs (investissement, tourisme, vols directs, sécurité, télécom, technologie, énergie, santé, culture, environnement). Israël suspendra l’annexion des zones préconisées dans la Vision pour la Paix du Président Trump. Israël et les Emirats Arabes Unis partagent les mêmes analyses relativement aux menaces et aux opportunités dans la région, lanceront un Agenda Stratégique pour le Moyen Orient et étendront la coopération en matière de Diplomatie, de Sécurité et de Commerce. Dans le cadre du Plan Trump, ils poursuivront leurs efforts pour réaliser une solution juste, globale et durable du conflit israélo palestinien. La mosquée Al-Aqsa et les lieux saints seront ouverts à tous les fidèles.

Le Communiqué fait l’effet d’un séisme. Sa portée est incalculable dans la mesure où la conjonction de trois forces relativement  puissantes, soit régionalement  soit mondialement, entreprennent de changer les rapports politiques dans la région. L’initiative s’inscrit dans une dynamique déclenchée sept mois plus tôt, le 28 janvier 2020, quand le Président Trump proclamait le plan baptisé Vision de Paix ou marché du siècle. Tant que les Etats-Unis et Israël étaient isolés, ce Plan était neutralisable. Mais dès qu’il acquiert  un allié dans le Golfe, il prend effet et commence à modifier le Moyen Orient. C’est le déclenchement d’un processus.  

Le communiqué s’efforce d’apaiser des craintes évidentes dans le champ : le problème palestinien et la question des lieux saints ; il exalte l’avenir de paix et invoque le symbole d’Abraham. L’Iran est indirectement évoqué à travers l’Agenda Stratégique de Coopération pour la sécurité régionale, très logique pour les EAU, sachant le contentieux des trois îles et la guerre du Yémen qui s’enlise. Si l’antagonisme d’Israël vis-à-vis de l’Iran est connu, de même que son activisme sur ce front, l’alliance politique avec les EAU est un fait nouveau.

Pour leur part, les dirigeants des Emirats revendiquent une victoire diplomatique, une brèche vers la paix et la prospérité dans la région, et un progrès dans le sens d’un règlement définitif de la question palestinienne : la mosquée Al-Aqsa sera ouverte aux musulmans de tous pays et l’annexion redoutée des territoires palestiniens est annulée. L’Arabie Saoudite, Bahreïn et le sultanat d’Oman, ainsi que l’Egypte et la Mauritanie saluent ce pas vers la paix.

L’initiative des Emirats Arabes Unis trahit l’effondrement du front arabe. Nous réalisons le vide laissé par la chute de l’Irak et de la Syrie, meurtris, réduits à la défensive et tenus à l’écart de la scène. Elle révèle qu’un deuxième arc de normalisation s’esquisse dans les profondeurs du champ arabe.

Les pays du premier arc, Egypte et Jordanie, partagent des frontières avec Israël ; ils avaient engagé avec Israël des guerres qu’ils avaient perdues. Le déséquilibre stratégique induit ainsi une contrainte, une formule aussi amère soit-elle qui mette fin au cycle des guerres. Dans cette logique, un traité de paix a un sens : l’Egypte a signé un traité de paix avec Israël en septembre 1978 et la Jordanie en octobre 1994. Cette logique ne s’applique pas aux pays non frontaliers : la normalisation est alors un choix politique. Alors qu’un deuxième arc de pays s’incline, saluons la vaillance de la Syrie et du Liban, pays du front demeurés fermes.

Rappelons que le Plan de Paix arabe, approuvé par le Sommet de Beyrouth le 28 mars 2002, pose le principe de la reconnaissance de l’Etat d’Israël, mais il subordonne la reconnaissance à la réalisation des droits du peuple palestinien : la reconnaissance conditionnelle contribue à préserver ces droits et à exercer une pression politique pour les faire admettre. C’est cet instrument de pression qui est atteint du fait de la décision de reconnaissance séparée, la première par un pays arabe depuis 2002.

Le Plan arabe repose sur le principe que la question palestinienne est centrale et que les droits du peuple Palestinien constituent une cause commune. Tant que le consensus est ferme, la pression a un poids. S’il est brisé, quel rôle subsiste pour la Ligue des Etats Arabes ? Précisément, la session Ministérielle de la Ligue se tient le 9 septembre, avant la signature des Accords, fixée pour le 15 septembre. Tout était possible. Or, contrairement à 1979, le Conseil ne condamne pas la décision de reconnaissance séparée. La rupture du consensus est consommée : la voie est ouverte pour la signature des Accords sans opposition du côté arabe. C’est alors que commence le délitement : l’annonce de Bahreïn, rendue publique le 11 septembre, de reconnaître à son tour Israël, signifie que les autres Etats arabes n’ont plus ni la capacité de condamner la décision des EAU, ni la bravoure d’emprunter la même voie ; l’effondrement  est dramatique.

L’initiative brise le consensus arabe sous l’angle politique, non sous l’angle juridique, car le fondement juridique dépasse les pays arabes. C’est le Conseil de Sécurité des NU qui garantit les droits palestiniens. Ces droits sont validés par la Cour Internationale de Justice : l’Avis du 9 juillet 2004 qui déclare illégale la construction du mur de séparation construit sur les territoires occupés s’appuie en particulier sur les Résolutions du Conseil de Sécurité. Ces droits sont également reconnus par les pays qui entretiennent des relations diplomatiques avec Israël : rappelons que l’UE avait exprimé le 4 février 2020 des réserves de fond sur le plan Trump et, de nouveau le 7 septembre 2020, émis un avertissement à la Serbie lorsque le Président serbe a annoncé le 4 septembre à Washington la décision de transférer l’Ambassade de Serbie de Tel Aviv à Jérusalem.

L’éclipse du droit

L’objectif du Président Trump est de parachever l’institution d’Israël et de lever tout obstacle à son insertion dans son contexte géopolitique. L’enjeu tient au compromis territorial. L’équation envisagée dans les années 1990 lors du processus de paix et estimée possible par Itshak Rabin (poursuivie dans Camp David II en juillet 2000 et à Taba en janvier 2001) était bientôt condamnée par la droite israélienne. L’étape suivante réduit la capacité de négociation palestinienne : la deuxième Intifadha (2000-2005) et la guerre d’Irak (2003), puis les bouleversements consécutifs au Printemps arabe (guerre de Syrie et DAECH) et la guerre du Yémen, frappent le potentiel de résistance des pays qui forment la ceinture géopolitique palestinienne (Irak, Syrie et pays du Golfe). Dans ce contexte, la conjonction de l’extrême droite en Israël et à la présidence américaine est en mesure d’imposer les exigences territoriales les plus favorables pour Israël.

N’ayant guère réussi à mettre en question les droits du peuple Palestinien reconnus par les Nations Unies, c’est à coup de décisions politiques unilatérales que le Président Trump s’attaque au rempart juridique. Très peu d’Etats le suivent dans cette voie qui viole ouvertement la légalité internationale. Les votes en faveur de ses initiatives recueillent, à l’Assemblée Générale, moins de 10 voix et, au Conseil de Sécurité, aucune, à part la voix des Etats-Unis. Il poursuit la démarche en contournant le référentiel juridique : il dresse son plan, proclamé le 28 janvier 2020, non plus sur les droits des parties, mais sur le soutien politique de pays clients, notamment arabes, approchés un à un. La défense palestinienne, qui repose sur la force du droit, est peu à peu écrasée. Ainsi se superpose, par-dessus le fonds juridique, un faisceau de décisions politiques unilatérales qui, en prétendant assurer le règlement du conflit avec l’adhésion des pays arabes, modifient le champ en ignorant le référentiel juridique. Les droits palestiniens, sans être effacés, sont éclipsés par un halo politique qui les réduit à l’état virtuel. Des pressions de tout ordre – moyens diplomatiques, subventions mirobolantes, sanctions et menaces – sont mises au service d’un stratagème élaboré sur une volonté de puissance : l’Administration Trump est déterminée à noyer la légalité internationale et à imposer un règlement impérial.

Relativement à Jérusalem, la décision du Président Trump (6 décembre 2017) de reconnaître l’annexion de la ville sainte par Israël était rejeté par tous les autres membres du Conseil de Sécurité les 8 et 18 décembre, et était rejeté également  par l’Assemblée Générale (21 décembre), isolant les Etats-Unis qui recueillaient tout juste 9 voix. Sur trois autres points, l’offensive affaiblissait encore la position palestinienne : suspension de la subvention à l’UNRWA (1 septembre 2018), déni du caractère illégal des colonies (18 novembre 2019) et le Plan qualifié de marché du siècle (28 janvier 2020). Le Président Trump reconnaissait par ailleurs l’annexion par Israël du Golan syrien (25 mars 2019). Ainsi, le statut des territoires occupés est-il radicalement contesté par un membre permanent su Conseil de Sécurité. 

Le Communiqué du 13 août est le résultat d’un travail diplomatique intense. Après deux importantes conférences internationales en 2019 (Varsovie le 14 février et Manama les 25-26 juin), une campagne énergique était relancée par l’Administration Trump depuis janvier 2020 auprès des pays arabes, africains, d’Amérique du Sud et des marges européennes, pour la reconnaissance diplomatique d’Israël et, le cas échéant, pour le transfert des Ambassades à Jérusalem. Cette campagne vient à maturité en août quand les EAU admettent la proclamation de la normalisation avec Israël en étant le seul Etat arabe à s’y engager. La réticence de l’Arabie Saoudite, qui hésitait encore entre le refus du Roi Salmane et l’engagement résolu de son fils Mohamed, a retardé l’échéance et, dans l’urgence, a poussé Bahreïn comme alternative à l’Arabie. La résistance d’Oman aggrave l’isolement d’Abou Dhabi dans l’aventure. Ces freinages n’arrêtent pas le coup d’éclat qui place les Emirats Arabes Unis à l’avant-scène. Après la signature des Accords de paix le 15 septembre, la campagne diplomatique s’intensifie pour sécuriser l’acquis.

Le Soudan est un cas typique : attaché à la levée des sanctions qui lui étaient  imposées par les Etats-Unis depuis 1993, du temps du Président Omar al-Bachir, le Soudan est confronté à un dilemme politique incongru : reconnaître l’Etat d’Israël en contrepartie de la levée des sanctions. Le président du Conseil Présidentiel, le Général Abdelfattah Burhane, effectue le 5 février une visite surprise à Kampala (Ouganda) pour un entretien avec Netanyahou, puis reprend le 23 septembre à Abu Dhabi des négociations avec une délégation des Etats-Unis ‘‘sur la question des sanctions et sur les droits du peuple Palestinien’’. Parallèlement, Mike Pompeo rencontre le 25 août à Khartoum le Premier Ministre Abdallah Hamdok qui insiste sur la levée des sanctions tout en rejetant la décision de normalisation avec Israël ; Hamdok demande de ne pas lier les deux questions. Le 25 septembre, les divisions éclatent au grand jour au sein de la direction du pays, tandis que les Etats-Unis déclarent ‘‘laisser le temps aux dirigeants du Soudan pour prendre les décisions propres à aller de l’avant’’. Le lendemain, les EAU, avec l’appoint d’Israël et des Etats-Unis, annoncent leur concours pour soutenir le Soudan dans la crise financière qu’il traverse. Le Soudan, encore sur la sellette, traverse de toute évidence une phase difficile : victime d’inondations catastrophiques, frappé d’une crise économique et menacé de pénurie énergétique et alimentaire, il est confronté à une politique d’intimidation et d’amalgame qui le jette cyniquement dans les bras d’Israël ; le cas est révélateur des méthodes en usage dans ce grand jeu et sur la valeur réelle de la reconnaissance diplomatique dans l’éthique de l’Administration Trump et de ses alliés.

Hors du champ arabe, nous enregistrons des promesses de normalisation ou de transfert des Ambassades à Jérusalem de la part du Kosovo et de la Serbie (4 septembre), du Malawi (5 septembre) et du Honduras (20 septembre). L’intensification  des pressions tout azimut s’explique par l’approche de la date des élections présidentielles aux Etats-Unis, fixée pour le 3 novembre, et le calcul du Président Trump qui cible particulièrement l’électorat juif pour réussir sa réélection.

La reconnaissance d’Israël par un Etat arabe est plus grave après décembre 2017 car les décisions unilatérales des Etats-Unis avaient rompu depuis cette date le consensus des membres permanents du Conseil de Sécurité quant aux bases de règlement de la question palestinienne. La caution des décisions américaines par des pays arabes frappe le camp légaliste qui préserve les droits palestiniens au sein des Nations Unies.

La réaction des pays arabes, ni ferme ni consensuelle, jette un sort sur l’avenir. En toute logique, les décisions unilatérales américaines dictent une plus grande solidarité avec la Palestine. Or, le tournant du 13 août rompt la solidarité et équivaut à endosser de telles décisions. Dans le monde, les autres Etats prennent la mesure de la réaction arabe pour ajuster leur propre ligne politique vis-à-vis de la question de fond. Le flottement et les faux-fuyants dans le camp arabe discréditent le règlement à deux Etats et les incitent à admettre plutôt l’alternative : un seul Etat, Israël, où la communauté Palestinienne aurait le statut de minorité. Cette piste est de plus en plus évoquée.

Les clivages au sein des Etats arabes ont trois aspects. Politiquement, six Etats appuient les Emirats (dont la Mauritanie), trois s’y opposent (Palestine, Qatar et Algérie), tandis que les autres s’en tiennent aux généralités. Un autre clivage se creuse entre les dirigeants et les peuples, à l’image de la Révolution iranienne de février 1979 : les répliques du séisme peuvent être sévères. Enfin, un clivage générationnel se fait jour : des sociologues  avancent la thèse que les arabes de moins de trente ans ne partagent guère la culture politique des aînés ; pour la jeunesse, semble-t-il, la cause palestinienne est moins sensible. Peut-on sérieusement l’affirmer ?

Trois questions de fond

Le concept de paix

Le slogan israélien ‘‘la paix pour la paix’’, l’exaltation par les dirigeants des Emirats Arabes Unis de la ‘‘diplomatie de paix’’ et la ‘‘Vision pour la paix’’ du Président Trump doivent être clarifiés. Est-il certain qu’Israël, présenté comme partenaire dans l’édification de la paix dans l’ensemble du Moyen Orient, partage la juste perception de la paix ? De quoi s’agit-il ? Quelle paix admet l’acquisition de territoires par la force ? Quelle paix est conciliable avec la politique de colonisation ? Quelle paix est concevable avec un régime de discrimination ? Quelle paix est justifiable dans la violation de la légalité internationale ? Le rejet du Plan arabe de 2002 signifie qu’Israël tient davantage aux territoires qu’à la paix et au bon voisinage. Israël, qui n’a jamais tablé un plan de paix, s’en tient à l’expansion, au terrorisme d’Etat et à l’hégémonie. La reconnaissance diplomatique, dans ce contexte, est un pas vers l’inconnu. La paix ne saurait tenir à un rituel diplomatique, elle tient d’abord à la substance du concept.

Si Israël tue délibérément et sans état d’âme à Dubaï même (Mahmoud Mabhouh, le 19 janvier 2010), à Beyrouth, Téhéran, Paris, Lisbonne, Sidi Bou Saïd et Sfax, ne doit-il pas d’abord acquérir une image d’Etat paisible, ayant foi dans les buts et principes des Nations Unies et dans le bon voisinage ? Fondamentalement, la paix avec le peuple Palestinien reste un préalable.

Une alliance pour la sécurité ?

Israël espionne ses propres alliés. Jonathan Pollard, officier de la marine des Etats-Unis, condamné à perpétuité en mars 1986, transmettait à Israël, en plus des éléments relatifs au Moyen Orient, les éléments du système d’espionnage des Etats-Unis dans le monde. Israël ne se privait pas de les exploiter, y compris auprès de l’URSS, au mépris des intérêts des Etats-Unis.

Il est risqué d’offrir à Israël une position sur les rives du Golfe, en vue du littoral de l’Iran, sachant la polarisation exacerbée qui les fixe l’un et l’autre dans le champ du Moyen Orient et qui va plus loin que le litige sur les îles Tumb et Abou Moussa.

D’autre part, les Emirats Arabes Unis installent, dès le 13 septembre 2020, en collaboration avec des experts israéliens, des bases de renseignement sur l’île yéménite de Socotra. Il est aussi risqué d’offrir à Israël une position sur Socotra, située en vue du Golfe d’Aden et du détroit de Bab El Mandeb. Les calculs d’Israël ne s’astreignent pas aux intérêts des alliés quels qu’ils soient, mais servent l’intérêt supérieur d’Israël. Des plans fourbes pourront être exécutés à partir de ces positions : demain, en conséquence de manœuvres infernales, les clefs de la souveraineté des EAU leur fileront des mains ; les Emirats se trouveront captifs de réseaux stratégiques ultra-puissants qui les tiendront sous contrôle. Certains Départements ultrasensibles en Europe et aux Etats-Unis en souffrent. Tel est le champ où plongent désormais les nouveaux alliés d’Israël. En cas de malheur, les Etats-Unis, avec ou sans Trump, s’emploieront à sauver en priorité Israël. Les Emirats mettent le doigt dans un engrenage risqué.

Une politique de coopération ?

Seize secteurs de coopération sont d’ores et déjà mentionnés dans l’Accord de paix signé le 15 septembre : santé, sciences, technologie, utilisation pacifique de l’espace, tourisme, culture, sport, énergie, environnement, éducation, marine, communications, postes, agriculture, sécurité alimentaire et hydraulique. Le développement de ces secteurs est certes une promesse de progrès, un palier pour la modernisation fondamentale du pays et une ouverture sur l’avenir. La conquête d’une position d’avant-garde dans l’édification de la société de demain témoigne d’une vision d’avenir. Les Emirats peuvent aspirer au XXIe siècle à l’ambition de Singapour au XXe siècle. Il n’est pas certain, cependant, que le partenaire israélien soit fiable dans une telle stratégie. Quand l’élément de la confiance fait défaut, la coopération pourra être vénale, mais elle ne sera pas loyale.

Netanyahou s’empresse, le jour même de la publication du Communiqué, le 13 août, de cadrer les déclarations des dirigeants émiratis en précisant qu’Israël ne renonce pas à l’annexion des territoires de Cisjordanie préconisés dans le Plan Trump, l’annexion est tout juste suspendue. La stratégie d’expansion et d’annexion subsiste et les colonies poursuivront leur expansion. C’est la première rebuffade. 

Netanyahou enchaîne en formulant son opposition à l’acquisition par les Emirats Arabes Unis de l’avion de chasse F35 qui équipe déjà les forces israéliennes. Le refus, connu auparavant, est réaffirmé le 18 août et le 5 septembre, en défiant l’atmosphère d’enthousiasme et de rapprochement qui inondait les propos des nouveaux alliés à Abou Dhabi et des parrains à Washington. Cette limitation définit la portée de la coopération politique : fixée d’autorité, elle signifie d’emblée le plafonnement de la confiance.

Enfin, le statut d’Israël, puissance nucléaire, pèse toujours sur l’ensemble de la région. Israël veille à la perpétuation de sa suprématie et de son monopole en s’opposant notamment, avec l’appui des alliés occidentaux, à la proclamation du Moyen Orient en tant que zone exempte de l’arme nucléaire. Pour les pays de la région, y compris les pays arabes, l’aspiration à la parité et à l’autonomie dans les secteurs stratégiques est fondamentalement refusée. Dans ce contexte, quelle politique de coopération loyale pourrait assurer la maîtrise scientifique et l’ascension technologique véritables auprès d’Israël qui est la clé et le gardien de la politique de suprématie régionale ? Dans sa logique d’expansion et de domination, Israël cherche évidemment à s’infiltrer : comment oser l’implanter au cœur du système ? La bravade signifie un aveuglement stratégique.

La Tunisie exposée

Avant l’indépendance, quels facteurs déterminaient le jugement de la Tunisie sur les Etats indépendants et souverains ? C’étaient : la lutte contre le colonialisme, la résistance à l’occupation, la dénonciation du racisme et de la discrimination, le respect de l’égalité des peuples. Tel est le jugement du peuple Palestinien aujourd’hui. Ayant accédé à l’indépendance, la Tunisie est restée fidèle à elle-même, tout en prenant conscience d’un autre facteur : sans l’existence d’un ordre mondial fondé sur le droit et sur le respect des principes, nos acquis sont fragiles. La préservation de nos droits et de notre intégrité tient certes à notre culture, mais aussi à cette condition fondamentale. Tel est aussi l’enjeu pour la Palestine.

Depuis 2017, l’ordre mondial est mis en péril, du fait de la politique des Etats-Unis, par la montée de la politique de puissance, la violation de la légalité internationale, l’abandon des buts et principes de la Charte des Nations Unies.
L’éclatement des organisations régionales, telles que l’UMA et le CCG, le harcèlement de l’Irak, de la Syrie, du Liban et de la Libye, le discrédit de la Ligue Arabe, le ciblage de la direction Palestinienne… s’expliquent par l’interaction des faiblesses du monde arabe et de la volonté de puissance d’Israël et des Etats-Unis. Autant que le destin du peuple Palestinien, le destin du Soudan, de la Tunisie et des pays du deuxième arc font l’objet du grand jeu dont nous percevons nettement les prémices.

Quelle réponse ?

A mon sens, et indépendamment de l’issue des élections américaines : 

Clarifier notre politique devant l’opinion tunisienne, et faire le point en toute responsabilité au Conseil de Sécurité et dans l’Union Africaine ;

Etablir et proclamer le consensus politique au sein du Grand Maghreb, en un Sommet solennel auquel Mahmoud Abbas sera invité, et prémunir la Libye contre les infiltrations extérieures, notamment égyptiennes ;

Lancer des démarches collectives, notamment en Europe, pour élargir la reconnaissance de l’Etat de Palestine sur la base des frontières de Juin 1967 ;

Organiser une Conférence Euro-méditerranéenne sur le thème de la centralité de la question palestinienne ;

Conduire nos démarches relativement à la question palestinienne en consultation avec les frères du Maghreb, les partenaires de l’UE, ainsi qu’avec la Russie et la Chine. 

Ahmed Ounaïes
 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Jamila - 07-10-2020 23:38

Je remercie si Ahmed Ounaies pour son analyse ,pour sa vision ,mais par un constat le transfert de la ligue Arabe au Caire a affaibli Arafet par la main mise de Moubarek-Keddafi-HassenII sur l'institution régionale .L'Irak rentrait en guerre avec ce cocktail d'Arabo-Sioniste -Otan ,l'Algerie commence à s'enliser dans une guerre qui ne portait pas son nom ,la Mauritanie d'Ouled Taya avait choisi son chemin au sommet du Caire en 1990 était de soutenir la présence des soldats Américains en Irak .La Tunisie représentait par son Ambassadeur au Caire le défunt Si Mahmoud Mestiri avait soutenu avec le Roi de Jordanie ,avec Chadli Benjedid et le Président Arafet, sa cause et soutenu l'Irak de Saddem Hussein. Aujourd'hui Arafet n'est plus là ,sa cause est absente,abandonnée,un peuple sous embargo et israel travaille depuis l'intifadha de 1988 à l’intégration d'un pourcentage de la population Palestinienne au grand Israel .

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