News - 12.08.2020

Rapport annuel de la BCT : Marouane El Abassi : ‘’La sortie de la crise ne sera pas facile, ni imminente''... La conduite à tenir (Texte intégral)

Rapport annuel de la BCT : Marouane El Abassi : ‘’La sortie de la crise ne sera pas facile, ni imminente''... La conduite à tenir (Texte intégral)

En cette année d’exception Covid-19, le mot du gouverneur introduisant le rapport annuel de la Banque centrale de Tunisie  pour l'année 2019, est à lire à partir de la fin. Le diagnostic établi par le gouverneur Marouane El Abassi, fondé sur l’analyse des différents départements de l’Institut d’émission, mais aussi le rappel des mesures déjà prises ainsi que celles qui s’imposent désormais, sont importants. Si le langage est feutré, rien n’est occulté. Comme il a eu de le dire au président de la République, ainsi qu'à celui du Parlement et au chef du gouvernement sortant, en leur remettant une copie du rapport. C’est le principe même de l’indépendance de la Banque centrale que certains veulent d’ailleurs abolir dans un dessin qui n’échappe à personne.

« La Banque Centrale continuera à veiller à la stabilité macro-économique, déterminant primordial de la résistance de l’économie nationale, réaffirme le gouverneur, en phrases courtes et sentences directes. La sortie de crise ne sera pas facile ni imminente. La conjonction des efforts de toutes les parties prenantes est nécessaire. Un plan de relance conciliant l’urgence du court terme et les aspirations du moyen et long termes, est indispensable. Un retour de l’activité du phosphate et des hydrocarbures qui causent des manques à gagner importants ainsi que la correction des vulnérabilités structurelles de l’économie tunisienne à travers le renforcement des réformes structurelles, constituent des préalables… »

Les messages sont clairs. A la classe politique, le rappel du coût de l’instabilité politique doit servir d’enseignement majeur. Aux décisionnaires, la détermination résolue de la BCT d’assumer pleinement sa mission, en toute indépendance, se lit en profession de foi. A tous, les engagements pris et les appels lancés interpellent les acteurs et prennent à témoin les Tunisiens.

Les amortisseurs mis en place

Que nous dit au juste le gouverneur El Abassi. D’abord la pertinence des efforts de redressement engagés depuis ces dernières années pour juguler la détérioration des fondamentaux et mieux amortir des crises à venir. « Les efforts de stabilisation menés ces dernières années ont permis d’éviter un dérapage des déséquilibres globaux qui auraient approfondi les difficultés pesant sur les marges de manœuvres budgétaires et financières déjà limitées avec, en particulier, une baisse des déficits jumeaux », écrit-il. Chiffres à l’appui, il mentionne « le retour du déficit courant à 8,5% du PIB contre 11,2% en 2018, la réduction du déficit budgétaire de 1,3 point de pourcentage revenant à 3,5% du PIB, le rappel du taux d’intérêt réel en territoire positif afin de favoriser la convergence de l’inflation vers sa moyenne de long terme.

Le Gouverneur ne manque pas de souligner l’importance de l’instauration en novembre 2018 d’un ratio crédits/dépôts au niveau de 120%, a contribué à réduire les besoins des banques en liquidités et de ramener le volume global de refinancement de 15,8 milliards de dinars à fin 2018 à 11,5 milliards au terme de 2019. L’énumération des différentes mesures indique l’impact par ailleurs sur l’image de la Tunisie auprès de ses partenaires internationaux, notamment les institutions financières. « Ces mesures ont permis, en outre, une correction de la trajectoire descendante du dinar et de rompre, ainsi, un cercle quasi continu de dépréciation entamé depuis les attaques terroristes de 2015, ce qui a eu, par conséquent, un effet positif sur les indicateurs de la dette extérieure. »

Effet de surprise, incertitudes et ampleur de la pandémie sanitaire et de la crise économique

« Face à cette crise inédite qui a semé l’incertitude, la prise de décisions n’était pas facile, reconnaît le Gouverneur Marouane El Abasssi. Dans cet environnement turbulent, la Banque Centrale a privilégié les considérations de stabilité financière en s’engageant, avec détermination, aux côtés du Gouvernement, dans une logique privilégiant le sauvetage des entités productives et les emplois, tout en gardant à l’esprit la nécessité de préparer l’après-Covid 19 et de veiller à ce que les entreprises préservent leur pérennité et  soient prêtes pour tirer profit des nouvelles opportunités qui s’offrent à elles, aussi bien sur le plan national qu’international. »

« A cet égard, poursuit-il, la BCT a pris de nombreuses mesures destinées à soutenir le pouvoir d’achat des ménages et la viabilité des entreprises et a décidé de baisser de 100 points de base son taux directeur, le ramenant à 6,75%, tout en adaptant son dispositif opérationnel de politique monétaire (mode d’intervention, politique de collatéral, etc.) pour subvenir aux besoins de liquidité de l’économie dans le seul objectif d’endiguer les menaces réelles entourant l’écosystème productif et la stabilité financière.

La Banque Centrale a procédé également au report des échéances des crédits pour les particuliers et les professionnels et à l’octroi de financements exceptionnels pour couvrir les besoins justifiés du cycle d’exploitation, complétant les mesures prises par le Gouvernement, notamment en ce qui concerne le mécanisme de garantie des crédits bancaires. Parallèlement, les mesures de soutien ont été accompagnées par des assouplissements des normes prudentielles, notamment du ratio crédits sur dépôts pour permettre au secteur bancaire de mieux soutenir les entreprises. Ces mesures ont été corroborées par la décision prise par la BCT en mars 2020 de suspendre toute distribution de dividende au titre de l’exercice 2019 dans l’objectif de consolider la résilience du secteur bancaire pour faire face aux retombées éventuelles de la crise sanitaire liée au COVID-19.

Sauvegarder des vies humaines tout en veillant à la préservation du tissu économique et social

Dans quelle mesure la position prônée par la Banque centrale dès le déclenchement du Covid-19 -t-elle été suivie par le gouvernement ? Et quelle mise en œuvre réelle des recommandations émises a-t-elle été entreprise par les banques et les autres acteurs du marché financier ? Le Gouverneur ne l’évoque pas. Ceux qui ont suivi à chaud, dans la surprise et l’incertitude du quotidien l’évolution de la situation épidémiologique et ses conséquences économiques et sociales, d’un côté et, de l’autre, les décisions des pouvoirs publics, réalisent, encore plus avec le recul, le rôle stratégique joué par la BCT.

Un plan de relance conciliant l’urgence du court terme et les aspirations du moyen et long termes

« L’approche adoptée par la Tunisie dans la gestion de la crise du coronavirus a privilégié la sauvegarde des vies humaines tout en veillant à la préservation du tissu économique et social, affirme le Gouverneur. Néanmoins, les perspectives de l’année 2020 restent difficiles et incertaines partout dans le monde, dépendant de la durée de la crise, de la réussite des mesures de soutien pendant la période de confinement mais aussi de la rapidité de la reprise et du risque de l’occurrence d’une nouvelle vague de pandémie. Dans ce contexte, il devient impératif que les autorités adoptent un plan de relance qui s’inscrit dans le cadre d’une stratégie nationale, globale et cohérente conciliant l’urgence du court terme et les aspirations du moyen et long termes. »

« Ce plan, explique Marouane El Abassi, devrait se focaliser sur un retour rapide et sain de l’activité économique, qui était en hibernation pendant 3 mois, notamment les secteurs les plus touchés par la COVID-19. Il doit passer d’abord et avant tout, par un retour de l’activité du phosphate et des hydrocarbures qui causent des manques à gagner importants ainsi que la correction des vulnérabilités structurelles de l’économie tunisienne à travers le renforcement des réformes structurelles. Lesquelles réformes devraient permettre de changer le modèle de développement économique et social et de repositionner la Tunisie au sein de son environnement régional et international profondément touché par la pandémie.

Les réformes-non exhaustives-susmentionnées, sont nécessaires mais insuffisantes vu l’importance des défis qui s’annoncent pour la période à venir, d’autant plus que les ressources financières de la Tunisie sont étriquées. Pour sa part, la Banque Centrale continuera à veiller à la stabilité macro-économique, déterminant primordial de la résistance de l’économie nationale.

Par ailleurs, la sortie de la crise ne sera pas facile ni imminente, mais la conjonction des efforts de toutes les parties prenantes est nécessaire pour garantir la réussite de ce défi et prouver, encore une fois, la résilience de notre économie face aux chocs à l’instar de ce qui a été observé par le passé, notamment lors de la crise financière de 2008, des évènements de 2011 et les attaques terroristes de 2015, où notre économie a su se tenir debout et sortir avec le minimum de séquelles. »

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