News - 16.07.2018

L’ambassadeur de France, Olivier Poivre d’Arvor : Faire face ensemble aux obstacles, aux doutes ; cette belle Tunisie ira bien loin (Vidéo)

 L’ambassadeur de France, Olivier Poivre d’Arvor : Faire face ensemble aux obstacles, aux doutes ; cette belle Tunisie ira bien loin

L’exercice annuel auquel se livre chaque ambassadeur en prononçant son discours lors de la célébration de la fête nationale de son pays est suivi avec beaucoup d’attention. On y lit le baromètre des relations bilatérales, le bilan des actions accomplies, l’expression des positions officielles et surtout des messages à peine codés à l’adresse des autorités du pays d’accréditation. L’ambassadeur de France à Tunis, Olivier Poivre d’Arvor n'a pas dérogé à la règle et s’y est mis avec la verve qu’on lui connait. A lire.

Pour la deuxième fois depuis mon arrivée en Tunisie, je suis très heureux de vous accueillir dans les jardins de Dar Kamila autour de cette cérémonie certes amicale mais aussi solennelle : Temps solennel d’abord dédié au souvenir. Le contexte sécuritaire actuel nous oblige à ce devoir de mémoire. Je veux d’abord que nous nous souvenions, ensemble.

Au lendemain de l’attentat de Ghardimaou, au cours duquel 6 membres des forces de sécurité tunisienne ont trouvé la mort.

Hommage aussi au Colonel Arnaud Beltrame, mort en héros dans l’attentat de Carcassonne ce 24 mars.

Il y a deux ans, jour pour jour, le 14 juillet 2016, un attentat à Nice causait la mort de 86 personnes, dont une quinzaine d'enfants et d’adolescents, et en blessait 458 autres.

Plus largement toutes nos pensées vont à toutes les victimes du terrorisme et à leurs proches, terrorisme qui a encore endeuillé cette année de par le monde.

J’ai une pensée particulière pour les forces tunisiennes de défense et de sécurité.

Elles sont représentées ce soir en tant qu’invités sur les pelouses de la Résidence, mais aussi par leur présence à l’extérieur de cette maison et je tiens particulièrement à les remercier pour leur engagement.

Je souhaite également saluer les forces françaises qui sont, ce soir, représentés par la marine française : les marins du Lann-Bihoué et les marins du patrouilleur hauturier l’Adroit. Ces marins sont venus de France, aujourd’hui, pour relier la rive nord à la rive sud de la Méditerranée et dire la communauté de nos destins.
Ces forces de sécurité et de défense portent et incarnent aussi nos valeurs, partagées entre la France et la Tunisie : celles du refus de la violence et de la peur, le respect de la vie, de la dignité humaine, de la liberté de conscience, de la liberté d’expression, de la démocratie, le respect aussi bien sûr des droits économiques et sociaux.
Ce devoir de mémoire, l’histoire nous le rappelle continuellement.
2018, c’est évidemment le centenaire de l’armistice de la 1ère guerre mondiale dans laquelle des Tunisiens sous l’uniforme français ont péri. Ce sacrifice ne peut être oublié.
C’est également le 75ème anniversaire de la campagne de Tunisie qui se déroula de novembre 1942 à mai 1943.
Se souvenir, évidemment. Et penser la paix aujourd’hui, demain. Tel est le sens du Forum pour la paix organisé à Paris, les 11, 12, 13 novembre prochain, par le Président Macron, à l’occasion du centenaire de l’armistice de la première guerre mondiale.
Aux côtés des héros, des martyrs, je pense également à des illustres. Je souhaite ainsi saluer la mémoire de quelques personnalités emblématiques de nos cultures, de notre patrimoine et de nos valeurs communes : 
  • Une personnalité tunisienne symbolique : Maya Jribi, cette militante historique, qui a mené jusqu’au bout les combats auxquels elle croyait
  • Une figure française emblématique : la grande Simone Veil, récemment entrée au Panthéon
  • Une figure franco-tunisienne à la légende artistique inoubliable, qui a tellement incarné le dialogue des cultures, vecteur de paix : le grand couturier Azzedine Alaïa qui repose en paix, non loin, dans le cimetière de Sidi Bou Said.

Au-delà du souvenir et du devoir de mémoire, nous avons aussi le devoir de faire que la paix « regagne du terrain », car elle est aujourd’hui menacée :

Notre communauté de destin doit garantir la paix pour nos enfants et les enfants de nos enfants : nous le leur devons. C’est à ces jeunesses, des deux côtés des rives de la Méditerranée, que nous devons absolument dédier nos énergies.
Cette communauté de destin pour la paix, nous y œuvrons déjà, ensemble, France et Tunisie : 
Jamais les échanges politiques et entre nos gouvernements n’ont été à si haut niveau.
Je pense à ces visites nombreuses et de haut niveau depuis notre dernier rendez-vous ici pour le 14 juillet dernier : 
  • Le Premier Ministre Edouard Philippe à Tunis en octobre 2017 ; 
  • Le Président Béji Caïd Essebsi à Paris en décembre 2017, puis en mai 2018 ; 
  • Le Président Emmanuel Macron en visite d’Etat à Tunis en janvier/février 2018, avec des annonces fortes, sur des projets communs et concrets : soutien à la jeunesse, à l’éducation, à l’emploi, aux investissements, je pense notamment à l’Université franco tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée, aux Alliances françaises, à nos écoles…
  • Dans quelques jours, le Ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, sera d’ailleurs parmi nous pour échanger avec son homologue dont je salue l’engagement incessant au service de nos échanges et d’une relation exemplaire entre nos deux pays.
Nos perspectives d’avenir sont aussi des garants de cet horizon commun vers lequel nous avançons.
La France veut et va investir plus encore en Tunisie
Nous croyons en la Tunisie.
  • C’est une priorité économique qui s’incarnera par le doublement en quatre ans des investissements français. Car la Tunisie comme est économique très prometteur sur le continent.
  • Vous pouvez compter sur l’appui de la France, également à travers les enceintes multilatérales dont elle est un acteur important. Avec l’Union européenne, avec les grands bailleurs de fonds, le FMI, la Banque mondiale. Et la France assurant en 2019 la Présidence française du G7, je peux vous promettre que nous ferons tout pour placer la Tunisie à la première place de nos priorités au sein de cette enceinte qui représente plus d’un tiers du PIB mondial. 
  • Quant à la politique étrangère, nos engagements communs contre l’utilisation des armes chimiques, pour la paix en Libye sont très précieux.
  • Nous portons aussi ces valeurs communes dans le cadre de la Francophonie, car dans deux ans, lors du premier sommet jamais organisé au Maghreb, le monde francophone sera à Tunis. C’est une porte essentielle sur le continent africain.
  • Enfin, nous nous engageons ensemble pour la préservation de la planète et le développement durable.
Je souhaite également ne pas céder à la morosité. Nous sommes nombreux, très nombreux à être confiant en la Tunisie d’aujourd’hui. Elle ira loin cette belle Tunisie ! Parce qu’elle est exemplaire, courageuse, parce qu’elle avance ! 
Notre engagement est évidemment durable envers la transition démocratique en Tunisie et en faveur de la mise en place des indispensables réformes qui porteront le pays en avant. Mais bien entendu, en même temps, il nous faut aider la Tunisie à augmenter ses indices de développement, à soutenir les couches les plus défavorisées de la population, à protéger les plus fragiles, à aider à combattre l’inflation, le chômage. L’acceptabilité sociale des programmes de réformes est évidemment centrale. C’est toute la complexité de votre mission, Monsieur le Chef de Gouvernement. 
De la même manière, comptez sur nous pour lutter à vos côtés contre le marché parallèle, la contrebande, la corruption. Voici bien une autre guerre à mener, tant elle fragilise les citoyens, la société, le sens public et civique.
Je voudrais également saluer le succès des premières élections municipales démocratiques du 6 mai dernier : 350 maires, 7000 nouveaux élus, une exigence de parité, voilà bien un beau plébiscite pour la démocratie à l’échelon local. J’ai eu l’occasion de rencontrer certains nouveaux maires et cette nouvelle dynamique est très impressionnante. Nous allons développer un programme ambitieux d’échanges entre élus tunisiens et français, de même qu’entre les administrations des villes. Je fais le pari qu’à travers cette coopération décentralisée un vaste mouvement de solidarité et de partage aidera fortement au développement des villes et régions tunisiennes, y compris les plus enclavées.
Partout où je vais, répondant à l’invitation de très nombreux partenaires économiques, culturels ou acteurs de la société civile, et Dieu sait que je me déplace, je vois et je rencontre cette Tunisie en mouvement. Ces rencontres, qui me permettent évidemment de saluer et d’échanger avec les autorités locales, font pleinement partie de la mission des diplomates de terrain. Et ceci dans le monde entier. Mon collègue et ami ambassadeur tunisien en France a ainsi, fort utilement, sillonné l’Hexagone. Je salue la complémentarité de nos actions en faveur du développement économique et de la connaissance de nos sociétés, de nos communautés et de leurs cultures.
Je veux évidemment saluer les réformes sociétales majeures qui font parler de la Tunisie au-delà de ses frontières : je pense à la loi sur la violence faites aux femmes en 2017, au rapport de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité – COLIBE, qui porte un certain nombre de propositions pour faire progresser l’égalité et les droits…
Et comment ne pas se réjouir aussi que 2018 soit l’année du rebond pour le tourisme tunisien. 8 millions de touristes attendus, parmi eux trois millions d’européens, dont près d’un tiers sont français. Comptez sur nous, amis tunisiens, pour inciter fortement vos voisins français à vous rendre visite encore plus souvent et plus nombreux.
Un mot personnel si vous le me permettez. J’aime la Tunisie. J’aime l’intelligence tunisienne. J’aime la culture tunisienne. Je crois en sa jeunesse. Je crois en son audace, je crois en sa capacité d’innover, de créer. Ce pays est porteur d’un espoir immense. Notre mission, à nous Français, ici en Tunisie pourrait se résumer à ces trois simples mots : respect, excellence, humilité. C’est-à-dire travailler et apporter des énergies positives. Faire face aux obstacles, aux doutes. Croire ensemble en cette magnifique pensée de Nelson Mandela : «Je ne perds jamais, je gagne ou j’apprends ».
Un mot sur La Saison Bleue. En tant qu’ambassadeur de France, mais aussi comme Président du musée national de la Marine, je me suis engagé auprès d’acteurs de la société civile mais également de l’Institut tunisien des études stratégiques dans le projet de La Saison Bleue : sensibiliser, rassembler, fédérer, du 15 juin au 15 octobre, autour de la préservation du littoral, de la conscience environnementale, de l’économie bleue. Le succès de cette initiative, les quarante villes ou ports du littoral impliquées, de Tabarka à Zarzis, les centaines de manifestations, culturelles, économiques, scientifiques, sportives qui se déroulent en attirant un très nombreux public, la création d’un grand rendez-vous cinématographique euro-méditerranéen comme Manarat, les courses et régates maritimes qui rapprochent les deux rives de notre mer commune, disent l’engagement de tous les acteurs de ce grand projet, porteur d’une image de la Tunisie, ouverte sur le monde, fière des richesses de son littoral et soucieuse de son développement durable. Le grand Forum de la mer – Bizerte 2018 clôturera La Saison Bleue les 4, 5, 6 octobre. Et l’emblème de cette saison, l’éponge de Kerkennah en résume bien l’intention : cette éponge, pêchée depuis trois mille ans au large du littoral tunisien, est aujourd’hui menacée, mais « représente » une valeur inestimable, celle d’un savoir-faire ancestral et d’une ressource naturelle si vivante et belle.
Pour terminer, un mot de football et de la Coupe du monde en Russie.  D’abord, une information : dans la petite finale, la Belgique a battu l’Angleterre, deux buts à zéro. Deux équipes que nos amis tunisiens connaissent bien….
Ce 14 juillet est évidemment pour nous un peu singulier cette année. Il dure tout le week-end. Demain à 16h, nous nous apprêtons à vivre un moment sportif exceptionnel : la finale France-Croatie. Nous comptons évidemment sur la Tunisie pour être à nos côtés. Et promis : même si nous étions sur le toit du monde ce 15 juillet 2018, même si nous gagnions notre seconde étoile, nous resterons fidèles aux principes et valeurs de notre mission, ici en Tunisie : respect, excellence et humilité.
Vive la Tunisie, vive la France et vive l’amitié franco-tunisienne !
 
 
Olivier Poivre d’Arvor
Ambassadeur de France à Tunis
Discours prononcé à l’occasion de la Fête nationale française, le 14 juillet 2018, à la Résidence de France, La Marsa, Tunis.
 
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