Opinions - 08.02.2018

Mohamed Kasdallah: Je persiste et signe

 Oser écrire pour renouveler la réflexion sur l’action militaire ou pourquoi je contribue dans Leaders ?

Je continuerai à m'exprimer pour dire et signifier à ceux qui désirent l’entendre que les problématiques de notre Armée et de nos militaires sont présentement complexes et polymorphes.

Je veux écrire pour inviter civils et militaires à prendre la plume et à débattre l’honneur, le courage, le sacrifice, l’héroïsme, le sens de l’action militaire…etc. Ces thèmes sont restés en marge de toute pensée actualisée et de toute réflexion de fond. La philosophie consiste à faire se croiser les approches de praticiens et théoriciens afin de susciter une réflexion libre et féconde, hors de toute polémique.

Je contribue parce que en tant qu’ancien officier ayant commandé plusieurs écoles militaires où des générations de sous-officiers et officiers de plusieurs corps militaires et sécuritaires ont été formés, il est de mon devoir d’essayer  d’influencer  cette communauté dans mon domaine de prédilection mais également pour espérer un sursaut en faveur de l’amélioration de la formation et de la condition militaires.

Plus rien ne semble démarrer

Je contribue parce que mes écrits sont d’ordre réflexif pour donner du sens à mes pensées et de la signification à mes textes au service de la société en général et de cette communauté en particulier.

De plus, écrire, en étant à la retraite, reste le seul, unique et dernier acte de  persuasion  qui me reste pour sévir contre la médiocrité, l’incivilité et l’impunité. En d’autres termes, je n’ai  d’autres alternatives que d’écrire en espérant que de bonnes oreilles seront à l’écoute de mes réflexions et cogitations .Manifestement, les canaux de communication sont difficiles d’accès voire complètement bouchées. C’est pourquoi, j’avoue que parfois je me sens tout seul de prêcher dans le désert. J’ai publié en vain  des dizaines de propositions qui pourraient se transformer en un grand livre. Je me demandais parfois si  l’armée tunisienne est vraiment  réformable tellement les réformes sont à l’arrêt depuis que ce mot est galvaudé par les tenants.

Pour l’instant, plus rien ne semble  vouloir  démarrer et c’est l’à- peu-près quigère le provisoire qui dure !

Dans ce sens, je continue  à  contribuer dans LEADERS qui m’a laissé  ses portes  grand’ ouvertes .Et pour cela, je ne remercierai jamais assez ses responsables.

Le soldat au sein du débat public

J’ose écrire  pour faire savoir  que l’Armée, perçue depuis fort  longtemps  comme une microsociété placée volontairement à part de la société, est désormais au cœur de celle-ci et elle en  constitue le reflet .Si elle l’est pour le meilleur, elle est prête à l’assumer pour le pire. Dans ce sens, le soldat ne trouvera sa place  au sein du débat public qu’à travers un renforcement de la cohésion nationale autour des valeurs communes soutenues par le Pouvoir en place. Le soldat doit en effet, avoir son mot à dire puisqu’il peut être amené à risquer sa vie pour la défense de ces valeurs mais aussi de ses intérêts propres, à moins d’accepter de n’être qu’un simple exécutant.

Quand l’armée est mise à toutes les sauces

Aussi, si l’Armée doit conserver les missions qui lui sont dévolues et continue à se préparer à  intervenir  en cas de crise grave, elle ne doit pas chercher à y prendre  une part plus importante et de manière permanente, comme c’est le cas de nos jours, parce que cela risquerait d’obérer ses capacités opérationnelles.

Je contribue pour  témoigner  que chaque année des dizaines de milliers de jeunes tunisiens font preuve d’une envie encore notable de vouloir s’engager dans un métier en uniforme. Dans notre société où le bien-être est roi, où les réseaux sociaux et l’attachement à la sphère familiale et amicale sont forts, nous pouvons qu’en être satisfaits.

Toutefois, l’on se demanderait alors pourquoi l’armée demeurait-elle si phobique pour les jeunes appelés ? Par manque de patriotisme ? Par manque de motivations ?

Faudrait-il recourir au fouet de la loi ? Peut-être. Mais ce qui est  sûr, c’est   par manque  de mesures coercitives  qui dissuaderaient les « insoumis ».Sachant que dans certains pays  (l’Algérie par exemple)  tout citoyen ayant atteint 25 ans se trouvant en situation irrégulière est déclaré insoumis d’office. Il  est  affiché et recherché  par les services de sécurité et ne peut  ni voyager à l’étranger ni postuler à un emploi.

Il ne faut pas se leurrer, c’est l’Etat dans son ensemble qui porte la responsabilité de tous les échecs qui encombrent le passage vers la perfection. Comment croire qu’il y a une quelconque possibilité de se défaire d’une pareille malédiction quand ce sont ceux censés appliquer la loi qui travaillent à l’enterrer.

« Ce sont les hommes, et non  les  pierres, qui font la force des remparts »

J’ose écrire pour dénoncer la fébrilité permanente qui règne toujours et qui nous oblige à marcher sur des œufs .En clair, je voudrais attirer l’attention sur la condition des militaires et dire que l’Armée ne peut pas voyager en première place avec un billet de seconde. Pour l’instant, on ne s’est pas fait attraper par le contrôleur mais il est grand temps de se payer un billet de première.

On peut toujours viser plus bas, ou plus mauvais. Mais il vaut mieux cibler le meilleur et le plus haut. Je préfère cela pour notre armée. Les temps changent  mon –bon-monsieur, et il est temps de changer de lunette pour aborder les  sans -à-priori.
Je suis toujours surpris de constater que notre communauté sécrète, parfois, des individus oubliant à un certain degré de responsabilité l’intérêt général de la communauté dans sa dimension humaine. Faire le choix par exemple des équipements par rapport à la condition militaire est mauvais. Une arme sans la volonté, le moral et la formation pour s’en servir ne sert pas à grand-chose.  

La préoccupation de l’homme est au cœur du métier militaire.

Pour conclure

Sans prétendre à une exhaustivité matériellement impossible, je me suis efforcé de traiter les points essentiels dans une perspective réformiste mettant en adéquation les fins, les moyens et les méthodes. Le but à atteindre serait :

Que chaque personnel accède à la vision globale et périphérique des enjeux de défense, et peut porter son regard au-delà de l’horizon.
Permettre à tous de contribuer collectivement et individuellement à l’action militaire et au rayonnement de l’Armée en partageant réflexions, débats stratégiques et commentaires

Stimuler l’émergence de synergiesinter Corps militaires, interarmées et interministérielles.
Enfin, se rappeler que l’action militaire est un territoire intellectuel immense et changeant ; s’y aventurer n’est pas sans risques, mais c’est l’objet même de la vocation du soldat.

Mohamed Kasdallah, col (r)







 

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