Opinions - 20.07.2015

Sfax : Les dessous d'un mécontentement

Sfax : Les dessous d'un mécontentement

Suite à la déclaration du ministre des transports, à l'assemblée des députés du peuple, selon laquelle il est question d'élargir le port de Sfax du côté nord, en vue d'aménager un nouveau quai pour le transport des conteneurs , la société civile à Sfax s'est mobilisée pour exprimer son désaccord et son mécontentement à l'égard de cette extension du port du côté nord , car cela priverait une nouvelle fois la ville de Sfax d'une plage proche où les habitants pourraient se baigner et se détendre. Ce projet d'extension du port pour assurer le transport maritime par des conteneurs, est devenu selon le gouvernement une nécessité afin de soulager le port de Radès; en effet, trente mille conteneurs dans le trafic du port de Radès sont destinés au sud du pays, chiffre appelé à augmenter pour atteindre cent mille d'ici quelques années. Il est donc impératif de doter le port de Sfax d'un quai supplémentaire afin d'accueillir tous ces conteneurs. Du même coup, cela allégera le transport routier par camions entre le nord et le sud du pays. C'est un projet qui aurait dû être réalisé depuis au moins deux décennies, mais sa réalisation a tardé à cause d'un manque de volonté du gouvernement d'avant la révolution, qui ne tenait pas tellement à ce que la région de Sfax soit davantage développée, pour des considérations politiques.

Aujourd’hui, ce projet s'impose de lui-même, et deux possibilités s'offrent pour sa réalisation. La première consiste à élargir le port de Sfax par le sud, ce qui signifie la suppression de l'usine de la SIAPE, très polluante. Cette possibilité était envisagée vers la fin de l'ancien régime qui s'apprêtait à déplacer cette usine vers la Skhira. L'extension du port du côté sud permettrait d'alléger le trafic routier à l'intérieur de la ville de Sfax étant donné que le port actuel construit au début du siècle écoulé se trouve à cent mètre du centre-ville, ce qui implique le passage des camions et semi-remorques par le centre névralgique de la ville et s'est d'autant plus polluant pour la ville devenue invivable, ayant perdu tous les constituants d'une ville salubre où il fait bon de vivre.

Ce choix d'extension par le sud serait idéal si ce n'est le coût exorbitant de sa réalisation, estimé à un milliard de dinars, ce qui est au-delà des moyens financiers de l'Etat actuellement. Mais ce projet devra être réalisé un jour ou l’autre. La deuxième possibilité consiste à élargir le port par le nord du côté des plages qui existaient par le passé avant l'implantation de l'usine NPK en 1964. Ces plages faisaient la beauté de la ville et agrémentaient les étés de Sfax, telle la plage du casino qu'on essaie de faire revivre ces jours ci. Cette extension par le nord privera les habitants de Sfax d'un nouvel espoir celui de retrouver leur ville d’antan.

Cependant le gouvernement ne voit pas les choses du même œil et ne considère que le côté financier du projet qui, en occurrence, ne coûterait que cent cinquante millions de dinars environ, oubliant que l'extension du port du côté nord encombrerait encore plus le trafic à l'intérieur de la ville la rendant quasi impossible. L'option envisagée par le ministère des transports a déçu l'ensemble de la société civile à Sfax qui s'est mobilisée pour acculer le gouvernement à changer de projet et opter pour le déplacement de la SIAPE comme cela a été décidé par le passé et réserver le côté nord de la ville de Sfax à l'aménagement de plages ce qui pourrait être un prolongement du projet de TAPARURA qui lui est attenant et déjà entamé
Cette diversité de points de vue entre le gouvernement et la société civile qui prend de l'ampleur depuis la révolution a donné lieu à un conflit et a abouti quasiment à un bras de fer de la part des associations écologiques de Sfax. Celles-ci ont mobilisé les citoyens pour qu'ils participent à l'aménagement d'une plage, par les moyens du bord afin de faire revivre la plage du casino qui accueille déjà les estivants. Pour sortir de l’impasse, une solution intermédiaire est envisageable qui consiste à transformer le port de SKHIRA en un port pour le transport des matières solides à côté des matières fluides qui sont actuellement sa spécialité. Cette transformation n'est pas coûteuse et elle est facilement réalisable du point de vue technique. Ainsi, ce port sera apte au transport des engrais et de tous les dérivés du phosphate.
De cette façon l'usine de GRANIPHOS sera transférée à Skhira et le quai qui lui est consacré à côté de l'ancienne école de natation deviendra un quai pour les conteneurs. En peu de temps, ce qai sera apte à assurer cette activité. Cela permettra aussi de se débarrasser de la pollution occasionnée par l'importation du soufre et la fabrication des engrais . Il ne s'agit nullement de transférer la pollution à SKHIRA ,au contraire il faut imposer des restrictions et instaurer de nouvelles techniques non polluantes ; surtout que la SKHIRA abrite actuellement l'usine de TIFFERT et qu'elle est devenue un pôle pour l'industrie de phosphate. Cette option est à la portée du gouvernement du point de vue financier et permet en même temps la réconciliation de la ville de Sfaxavec ses plages et la satisfaction des habitants de la ville. Cependant elle ne résout pas totalement les problèmes dont souffre la ville car le trafic au centre-ville sera intensifié puisque des camions et des semi-remorques devront traverser la ville pour rejoindre le port. Or ce problème de trafic routier se pose aussi bien dans le cas de l'option gouvernementale que dans l'option intermédiaire envisagée ; cela prouve encore une fois que la solution à long terme , à savoir l'extension du port du côté sud est celle qui convient le mieux pour résoudre définitivement les problèmes de la ville de Sfax Si cela s'avère difficile à réaliser dans l'immédiat , un jour ou l'autre la question s'imposera .

Quant au trafic à l'intérieur de la ville de Sfax un nouveau plan de circulation devra être envisagé et sera axé sur la suppression de la gare des silos de l'office des céréales devenus insalubres. Cela procurera de l'espace devant les remparts est de Sfax et permettra son intégration à la zone de TAPARURA . Ainsi Sfax sera dotée d'une corniche s'étendant sur six kilomètres à l'instar de la corniche de Tripoli, et en même cela allégera le trafic vers le nouveau quai de conteneurs. A ceux qui s'opposent à l'idée de transférer la gare des voyageurs plus loin sur la route de Tunis , je dirais que l'activité de cette gare est minime et réduite à six trains par jour faisant la navette entre Gabes et Tunis , et elle est fréquentée par seulement cinq mille voyageurs par jour Quant à l'itinéraire des rails qui continuent, il est appelé à être retracé de façon à ce que la nouvelle gare ne soit plus qu'une gare poche comme celle de Sousse actuellement.
Toutefois, il faudra envisager une bifurcation au moyen d'un échangeur au niveau de Sidi Abid pour relier le port de Sfax aux chemins de fer. Dans cette vue d'ensemble Chat El kerekna actuellement délaissé, pourra devenir un port de plaisance une fois le pont supprimé. Parmi toutes ces solutions, aucune n'obtient l'unanimité , et même le transfert de la SIAPE tant souhaité trouve quelques oppositions basées sur le fait que ce transfert causera la perte de cinq cents emplois Or cette perte sera compensée par le gain d'un espace de cinq mille hectares qui serait utilisé pour l'extension du port de Sfax du côté de sud et par la création d'une zone industrielle couvrant a peu près trois mille hectares et où seront logées des entreprises capables de créer vingt mille emplois Le transfert de la SIAPE est donc bénéfique sur les deux plans écologique et économique La zone industrielle crée sur les vestiges de la SIAPE mérite dés maintenant une réflexion sur le genre d'entreprises à développer . La ville de Sfax souffre depuis longtemps de problèmes écologiques et de l'encombrement du traffic routier et du manque d'infrastructures, surtout que c'est une ville surpeuplée (environ un million d'habitants) .
Elle mérite qu'on se penche sérieusement sur ses problèmes y compris le port de pêche dont l'activité est amoindrie à cause de l'appauvrissement de la faune maritime dans le golfe de Gabes Quatre cents chalutiers environ sont presque immobilisés dans le port et leur état se dégrade de jour en jour Tous ces problèmes qu'on vient d'évoquer expliquent le mécontentement des habitants, d'où la mobilisation de la société civile à Sfax qui demande le transfert de l'usine de la SIAPE et qui exige d'un autre côté plus de soutien de la part du gouvernement dans la candidature de la ville au jeux méditerranéens de 2021 . C'est aussi une façon d'exercer une pression sur l'Etat afin qu'il fasse un effort pour améliorer l'infrastructure sportive dans la région Le mécontentement de la société civile augmente de jour en jour, ce qui doit amener le gouvernement à considérer avec plus d'intérêt, la situation dans une ville qui était florissante et où les conditions de vie des citoyens se dégradent de plus en plus.

Adel Kâaniche

 

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1 Commentaire
Les Commentaires
S.R. - 21-07-2015 10:57

L'issue de ce conflit revêtira de plus une symbolique très forte. S'il est choisi de favoriser la plage et ses infrastructures, nous commencerions alors à changer de paradigme : nous passerions d'une cité organisée en faveur du travail et de l'industrie à une cité recherchant le bien-être de ses citoyens. Ce sera le début d'une réelle réappropriation de l'espace public par ses habitants.

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