Opinions - 02.04.2013

Radhi Meddeb: FMI, à quelle sauce allons-nous être mangés ?

La publication récente par un journal en ligne d’une lettre confidentielle censée être envoyée sous la double signature du Gouverneur de la Banque Centrale et du Ministre des finances, à la directrice générale du Fonds Monétaire International, a fait du buzz sur la toile et sur une radio privée de la place.

Les commentateurs s’étonnaient de la différence des chiffres qui y sont donnés par rapport à ceux rendus publics par le gouvernement, en matière de taux de croissance 2012, de déficit budgétaire ou de la balance commerciale. Ils y ont vu une manipulation par les autorités des chiffres publiés en Tunisie.

Peu importe, le problème n’est pas là. Je voudrais relever d’abord un certain nombre de points dans ce document:

  • Cette lettre a tout des allures de l’authentique. Elle a le style, la structure, le contenu et bien d’autres attributs d’une lettre à adresser au FMI par un gouvernement s’apprêtant à se mettre entre ses griffes.
  • Cette lettre a probablement été écrite par les fonctionnaires du FMI et soumise aux autorités tunisiennes pour que nos deux responsables y apposent leur signature.
  • On y lit, par exemple, avec intérêt que les autorités tunisiennes précisent que le programme des réformes donnera lieu à 7 revues par les équipes du Fonds sur les 3 prochaines années, dont deux en 2013. C’est ce qui s’appelle «Donner des verges pour se faire battre avec !»
  • On y lit toujours sous «la plume de nos deux responsables» que cette lettre est conforme aux clauses traditionnelles de ce type d’accords ! Sachant que la Tunisie n’a jamais signé un tel accord de son histoire, on peut se demander d’où vient cette référence à la conformité !

Au-delà de ces réflexions initiales, je voudrais relever un certain nombre de points et faire certains commentaires:

  • Ce document engage le gouvernement sur sa politique économique et financière sur les trois prochaines années. Bien plus, il soumet toute modification, à l’approbation préalable du FMI ! On peut se poser raisonnablement la question de la légitimité d’un gouvernement provisoire, officiellement là pour 9 mois, à engager le pays sur 3 ans, sans débat et sans concertation avec les autres composantes de l’échiquier politique. A minima, un tel engagement aurait dû donner lieu à une discussion à l’ANC. Mieux, il aurait mérité un débat avec les partis politiques, les syndicats et la société civile.
  • Les données macroéconomiques contenues dans ce document et moins favorables que celles présentées par le gouvernement en Tunisie, sont plausibles, probablement plus proches de la réalité. On raconte moins facilement des histoires au FMI qu’à sa propre opinion publique.
  • Les lendemains qui nous attendent, à travers la lecture attentive de ce document, ne chantent pas nécessairement. Il va falloir s’habituer à des augmentations récurrentes des prix des hydrocarbures, de l’énergie et des produits alimentaires subventionnés.
  • Les modalités d’intervention de la Banque Centrale, tant pour la régulation du secteur, que pour le soutien des banques, ou la fixation du taux de change, relèveront de plus en plus de la régulation libérale, avec à la clé, un relèvement sensible des taux d’intérêt (cela a déjà commencé), un déplafonnement des rémunérations sur placements à terme, une accélération du glissement du dinar, mais aussi la limitation du soutien de la BCT aux seules banques jugées solvables (Il faut lire en creux ici: une banque non solvable ne sera pas secourue !)
  • Ce document est censé définir la politique économique et financière de la Tunisie sur les trois prochaines années. En fait, s’il passe en revue rapidement les réformes qui doivent être menées au plan économique : élimination de tout avantage fiscal du Code des Investissements, fort encadrement des salaires et des recrutements dans la fonction publique sur les trois prochaines années, réforme des caisses sociales menacées de graves déséquilibres à l’horizon 2018, possible désengagement de l’Etat du capital des trois banques publiques, remise en ordre des finances des entreprises publiques qui constituent de plus en plus un fardeau pour les caisses de l’Etat, rien de précis n’est développé à propos de ces multiples réformes qui restent plus au niveau des déclarations d’intention.

En fait, le document est un pur jus du FMI. Seule la Finance compte. L’économie est accessoire et le social totalement absent.

Radhi Meddeb
 

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13 Commentaires
Les Commentaires
Moncef Guen - 02-04-2013 16:48

Vous etes deja "mange" par les problemes actuels de l'economie: inflation, systeme bancaire plombe par les credits malsains,desequilbres exterieurs,entreprises publiques en difficulte, regions interieures toujours marginalisees, chomage ..... Ne voulez-vous pas commencer par essayer de les resoudre ? Faut-il attendre des echeances politiques encore incertaines? Faut-il les aggraver par l'inaction dans l'isolement? Au Maroc, qui a deja un accord avec le FMI de 6,2 milliards de dollars, on n'a pas hesite.

Candide - 02-04-2013 22:04

A réclamer partout où c'est possible, des subsides pour assurer la continuité de l'état, à un moment, il devient inévitable d'interdire au loup de rentrer dans la bergerie pour imposer ses règles de fonctionnements. Selon l'endroit où l'on se positionne, c'est un bien ou c'est un mal. C'est bien pour le peuple tunisien, car les Nahdhaouis vont être dans l'obligation de rabaisser leurs prétentions religieuses et s'ouvrir au monde plus qu'ils ne le voudraient pour que rentrent de nouveau les devises perdues depuis deux années maintenant, à cause d'un pbscurantisme maladif. Ils vont avoir l'obligation de redémarrer la machine, s'ils ne veulent pas s'enliser plus qu'ils ne le sont actuellement, avant d'être balayés sans espoir de retour. Mais c'est aussi un mal, car le peuple va souffrir encore plus. Les mesures qui vont être proposées pour remettre le pays dans ses rails, vont être drastiques. De nombreux pays expérimentent déjà ces mesures : La Grèce, Chypre, l'Espagne, l'Italie, la France, la GB et d'autres vont suivre. Un nouvel ordre économique mondial se met en place, et aucun pays ne passera à travers ces mailles. Ce sont les financiers désormais qui gouvernent le monde. quant aux mesures économiques qui vont être proposées, elles sont connues : prélévements sociaux et répartition équitable des aides d'état, réduction d'au moins 25 à 30% du niveau des retraites et des indexation de celles ci sur l'inflation, prélèvements complémentaires sur les hauts revenus dont le seuil reste à définir, augmentation subtencielle des énergies (gaz, électricité, carburant), etc. Merci Ennahdha ! On était en sursît et maintenant, à cause de vous, si on veut s'en sortir, on a pas d'autre choix de passer à la caisse ou de nous enfoncer encore plus.

Chedley Aouriri - 02-04-2013 23:41

La publication de la dite lettre « confidentielle » -- censée être envoyée sous la double signature du Gouverneur de la Banque Centrale et du Ministre des finances, à la directrice générale du Fonds Monétaire International – était en fait une erreur intentionnelle. L’objectif est d’utiliser la couverture politique de l’IMF pour discuter et adopter des reformes difficiles mais nécessaires pour l’amélioration et le redressement de l’économie Tunisienne. En particulier, le nettoyage des banques insolvables doit se faire des que possible. Les questions budgétaires ne sont pas aussi urgentes, bien que la tendance commence à devenir inquiétante.

Chedley Aouriri - 02-04-2013 23:47

La publication de la dite lettre « confidentielle » -- censée être envoyée sous la double signature du Gouverneur de la Banque Centrale et du Ministre des finances, à la directrice générale du Fonds Monétaire International – était en fait une erreur intentionnelle. L’objectif est d’utiliser la couverture politique de l’IMF pour discuter et adopter des reformes difficiles mais nécessaires pour l’amélioration et le redressement de l’économie Tunisienne. En particulier, le nettoyage des banques insolvables doit se faire des que possible. Les questions budgétaires ne sont pas aussi urgentes, bien que la tendance commence à devenir inquiétante.

Dalila Ben Hassen - 03-04-2013 00:36

Bravo. Vous pouvez être contents de la recherche de "l'équilibre " vous les avez mis a vie. Encore Bravo.

pass - 03-04-2013 05:54

le FMI n 'est pas une entreprise philanthropique sauf en ce qui concerne les salaires de ses employés.les peuples pour eux n sont une abstraction la ou le FMI passe la santé la gratuité de l 'enseignement les services publics trépassent il y a une clochardisation des peuples regardez la Grèce; l Argentine avant; l 'Espagne le Portugal France .la financiarisation du monde est allé jusqu'au bout de sa logique presque. des résIstance s'organisent comme le mouvement des indignés dans le monde sous l 'impulsion du petit fascicule de Stéphane Hessel mais après l 'indignation il faut agir en France par exemple hollande tiens à ménager la chèvre et le chou et à Londres il est parti rassurer les milieux financiers. Sans étre économiste entre parentheses tous ces économistes chevronnés qui commentent la crise ne l 'ont pas vu venir...alors quel monde voulons nous celui de Mrs Ghosn;Mittal et autres qui touchent des salaires faramineux pour licencier fermer les usines et ainsi faire monter les profits des actionnaires.jusqu'à quand ce système tiendra t il car il n 'est pas viable mème Mr Soros qui en a bien profité en convient.pour l 'économie tunisienne disons le clairement l 'élection d 'Ennahda; le comportement de ses dirigeant fascinés par les 18 pour 100 de ceux qui ont voté pour eux.avides du pouvoir absolu a été un repoussoir pour beaucoup de pays qui investissent maintenant au Maroc et ailleurs le tourisme à cause de l 'insécurité est en faillite .ce gouvernement était provisoire et la vocation de L'ANC était la rédaction ou l amélioration de la Constitution. N'est pas politicien chevronné et visionnaire qui veut.Ennahdane et ses satellites ne saisissent pasles enjeux pour le pays ils révent d'une utopie la oumma le Califat et de l 'homme nouveau comme les communistes avant eux ou Pol Pot l islamo humanitus qui vivrait de sourates interpretés par leur guides spirituels.Personne ne nie la valeur et la nécessité de la spiritualité mais il faut aussi manger se soigner avoir un toit etc les besoins vitaux de tout ètre humain on n a pas de pétrole mais on a un gouvernement provisoire qui dure...le peuple n 'en peut plus

Candide - 03-04-2013 06:44

Avec un gouvernement provisoire qui n’a pas su conserver les acquis économiques et qui mendie en permanence des subsides pour assurer la continuité des services de l’état, il ne fallait pas s’attendre à autre chose que la main mise et la tutelle qui ne veut dire son nom, des puissances étrangères dans ce petit pays qui était malgré tout un paradis en comparaison de ce qui s’y passe actuellement. L’entrée du loup dans la bergerie était inévitable et c’est lui maintenant qui va dicter sa loi. La charia que Ghannouchi veut installer en lieu et place des lois républicaines ne pourra rien pour atténuer les douleurs du peuple tunisien. A la vue que des évènements économiques qui secouent le monde actuellement, il faut bien se rendre à l’évidence que les états ne représentent plus rien et que c’est la finance internationale qui domine le monde, pour toujours plus de profits. Il y a quelques mois, une pétition internationale circulait sur le net, afin de rejeter un nouvel ordre économique mondial au profit des multinationales. On ne parlait pas encore de crise économique, de crise de l’Euro ni de soulèvement des populations de Grèce, d’Espagne, d’Italie, de Chypre. La France n’était pas encore touchée, la GB non plus. Depuis tout a changé. Les gouvernements, ne sont plus que des sujets aux ordres, sommés d’exécuter les directives qui leurs sont données ou d’être sanctionnés par des tribunaux internationaux. La mafia internationale a pris les commandes. Le FMI va imposer ses directives. Elles sont connues : Toujours moins de social, prolongation de la durée d’activité pour prétendre à une retraite complète, réduction d’au moins 25 à 30 % du niveau des retraites actuelles, désindexation de celles-ci de l’inflation, réduction et taxation de haut salaires, augmentations substantielle du coût des énergies, pétrole, gaz, électricité, taxation sur les placement, etc. Il y a de l’argent, il est mal reparti et par tous les moyens, il faut le faire circuler. Voila ce que le FMI va nous apporter ! Il y a du bien est du mal dans ces propositions. Elles dépendent de l’endroit où l’on se situe. Rapidement, le programme des nahdhaouis ne pourra être appliqué que partiellement et ce n’est pas un mal pour la Tunisie. Pour le peuple, c’est plutôt un bien. Les mesures économiques de réduction des dépenses de l’état, il fallait le faire et tout le monde va en pâtir. Il y a fort à parier, que Nahdha se pourra se maintenir au pouvoir éternellement dans ces circonstances. L’obscurantisme religieux ne paye plus, il est plutôt réducteur. FMI : Dirigé par un européen. Banque mondiale : Dirigée par un américain. Voila le monde actuel. Mais c’est oublier un peut vite les puissances émergentes que sont la Chine, l’Inde et quelques pays d’Amérique Latine. Il est trop tôt pour envisager une suite. Les pions le mettent en place.

ERRBAI - 03-04-2013 07:16

Nous narrer le contenu de cette fameuse lettre comme un conte raconté aux enfants ! Pourquoi ne pas la publier puisqu'elle circule ??? Alors les contes, les enfants, le FMI( le méchant loup ) Nous vivons kali wa kotlek depuis des siècles et on poursuit avec un journalisme qui ne sait qui excelle quand il est masqué !

mhamed Hassine Fantar - 03-04-2013 08:33

A lire ce texte signé par Mr Radhi Meddeb, on éprouve le malaise de celui qui se sent bel et bien trahi par les siens.Où sont les baroudeurs et les gladiateurs de la télévision? Les médias doivent plus que jamais consacrer des dossiers bien instruits aux problèmes économiques et sociaux et dénoncer le double langage et la duplicité.C'est comme la bonne monnaie, la confiance se fait, de nos jours, de plus en plus rare. Mais alors Qui croire, si les hauts resposables de la Nation eux-mêmes se mettent à leurrer leeur citoyens qui leur ont confiance? La Tunisie est dans le désarroi!

PRAGMATIQUE - 03-04-2013 09:42

C'est un point de vue éclairée et responsable, quoiqu'on pourrait conseiller gentillement au brillant intellectuel et manager de moins usiter du "JE" car le narcissisme n'est pas bon à prendre. Au fait ce qui dérange le plus dans le fond c'est que la partie financière de la troïka, c'est à dire Ettakatol avec le ministère des finances et la BCT, veut faire cavalier seul seul et avancer dans le brouillard. Car en économie et en finance ou encore en social, la sauce islamo-laïco-libéraliste ne marche pas, la cohérence golbale étant fortement absente. Quand le gouverneur de la BCT s'exclame "donner moi des solutions" c'est qu'il inverse les roles, lui qui voulait être le support du gouvernement après M. Nabli. On a besoin de technocrates politiquement expérimentés dans leurs domaines spécifiques et un consensus de salut national. Que d'énérgies, d'intélligences et de temps perdus? Ceux qui ne font qu'obstructions et obscurantismes noyautent la révolution et la détournent à des fins opaques pour ne pas dire occultes. Ils seront les premiers à rendre des comptes pracequ'ils n'ont fait que bouffer les réserves du peuples et le mener à une dérive financière, économique et sociale certaine. En politique, la façon d'avavncer en matière de constitution fait prévaloir une manipulation criarde du vote populaire et de la représentativité du modèle social pluri-millénaire.

mohamed Abdelkefi - 03-04-2013 09:49

Enfin un honête homme qui dit la vérité ou se rapproche d'elle. Aujourd'hui comme hier nous demeurons victimes du FMI

fadhel - 05-04-2013 14:50

si toute fois les accords sont conclus se sera un fardeau pour les gouvernements qui se succèdent,est-ce que ces décisions ne nous concernent pas ? une légitimité discutable et des élus incompétents nous emméne vers le désastre,l'économie est la politique sont inséparables mais nos responsables sont inconscients ou ils font semblant de l'être, la colonisation est entrée par cette porte

Mahloud - 05-04-2013 18:00

Je n'ai pas eu "l'opportunité" d'accéder au contenu de cette lettre "mystérieuse", aux dires de l'auteur, donc je ne peux qu'ademettre ses observations-critiques. Toutefois, pourquoi se livre-t-il, et ce à l'instar d'acteurs sur-visibles sur la scène publique, notamment médiatique, mais pas pour autant si pertinents qu'on le croit, à cette surenchère politico-experte en "sommant" un gouvernement, certes de transition, mais aussi légitime que l'ANC et autres acteurs de la société politique, d'aller chercher l'aval ou la "caution" de ces derniers... avant d'engager une quelconque transaction, même si ses termes vont au-delà de l'horizon temporel d'un tel pouvoir réglementaire de transition, avec les partenaires du développement dont le FMI ??? Et en quoi les acteurs de la société civile seraient-ils aussi légitimes que l'est un gouvernement pareil pour prétendre ? Serait-il plus pertinent, POUR UN GOUVERNEMENT responsable, d'AGIR ou de PATIENTER encore une éternité pour pouvoir pratiquer un "démocratie qui se veut populaire(populiste ?)" Où M. Tout le Monde exige d'être consulté à propos de tout, tant l'utile que le futile, sans une perspective réelle de s'en sortir...?? M. Meddeb, en bon expert qu'il est, serait-il mieux inspiré que le Gouverneur de la BCT et le MF s'il aurait été à la place d'un des deux ?? L'Economie est une ffaire trop sérieuse pour qu'elle soit livrée aux amateurs de la politique et aux nouveaux pseudo-érudits de la place qui se targuent tant le monopole du coeur que celui du savoir économique... Je m'attendais mieux et plutôt une lecture logique et experte de la part d'un ministre potentiel... A bon entendeur MAH

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