Opinions - 10.05.2012

Pas de 49-3 en Tunisie, mais c'est tout comme !

L'article 49, alinéa 3 de la Constitution Française permet l'adoption d'un texte sans vote. A moins qu'une motion de censure contre le gouvernement, déposée ne soit adoptée. Conçu à l'origine pour permettre au gouvernement de contraindre les parlementaires récalcitrants, le 49-3 est devenu un moyen d'écourter les débats.

Rien de tel en Tunisie !

Et pourtant le travail des parlementaires de la constituante, s’agissant de l’épineuse et primordiale question de loi de finances 2012 du le budget de l’Etat est aujourd’hui bridé, et pour ainsi dire empêché.

Jugez-en vous-même ! La procédure adoptée pour l’examen de textes qui engagent le pays par leurs effets économiques et sociaux considérables, se résume à pouvoir déposer un amendement et à le défendre en 3 minutes. Les amendements peuvent alors s’amonceler, pour finir au final par se neutraliser les uns les autres, selon une ligne de moindre résistance favorable au texte initial. De fait, on est en droit de s’interroger si, par de tels procédés, le gouvernement en place, ne cherche pas à bâillonner l’expression des élus sur d’éventuelles solutions mieux appropriées aux circonstances présentes. Autrement dit, et sous des apparences de débat ouvert, discussion article par article, ce gouvernement ne tente-t-il pas de passer en force ? Le doute est pour le moins permis.

Pas besoin d’être un observateur avisé, pour se rendre compte à quel point, tant sur le fond que sur la forme, la nouvelle équipe dirigeante du pays reproduit, aux détails près, les mêmes solennités, les mêmes procédures, les mêmes opacités, que ceux de l’ancien régime ! Un comportement mimétique frappant !

En clair la bienséance de façade est sauve, la légalité respectée mais sur fond malgré tout, de lassitude d’une opinion publique, qui jusque là a fait preuve, mais pour encore combien de temps, d’un stoïcisme bienveillant.
 Un travail parlementaire au pas de charge ; 12 articles adoptés sur 61, mais qui tout de même a de quoi laisser pantois. Pour preuve, des articles aussi fondamentaux, que ceux liés à l’amnistie fiscale, qui du fait de leur caractère extraordinaire font normalement l’objet d’une procédure exceptionnelle de vote d’une loi différente, sont ici expédiés sans autre forme de procès. 

Cela, bien évidemment, n’honore pas ceux qui ont concoctés à ce qui ressemble fort à une simple reconduire de la manière de concevoir la politique économique ni encore moins, le titulaire provisoire du perchoir….usant et abusant des attributs d’une loi organique relative au budget voté en 67 constamment modifiée au gré des prérogatives que s’octroie unilatéralement le pouvoir en place.

Passe encore que le ministre des finances prônant la rectitude et la rigueur, se défausse sur le budget de la présidence (77 millions contre 22 millions aux 217 parlementaires), arguant que ce dernier lui échappe, que dire de son attitude et de celle de son secrétariat d’Etat au budget diligentant avec la complicité de la majorité parlementaire un article 18 qui stipule à l’égard des évadés fiscaux : « la suppression de 50% des pénalités, ainsi que les frais de poursuite à condition d’engager la souscription avant le 1er août 2012 ».

De quoi déconcerter et abasourdir plus d’un citoyen ordinaire qui lui n’échappe pas au paiement de l’impôt.
Il est vrai que le gouvernement avait déjà donné le ton en faisant expédier en moins de temps qu’il ne faut pour l’expliquer et le justifier l’article 2 portant sur les ressources de l’Etat issues des biens confisqués du président déchu et de sa famille. Le gouvernement s’est tout simplement contenté de dire avec aplomb que les montants de ressources intégrées ainsi au budget, étaient des estimations, soumises à possibles révisions, car dépendantes au final des prix de cession : entre 700 et 1200 MDT ! Une paille, pour la rigueur et la transparence, il faudra repasser !!!!

Idem pour l’article 3, relatif au financement de l’investissement (sic) dont l’objectif recherché est d’intégrer les richesses non déclarées, (oui, oui vous avez bien lu), dans le circuit économique…On croit rêver. Mafieuse notre économie ? Vous n’y pensez pas.

D’énonciations imprécises, floues et évasives d’articles, en artifices de procédures tels ces amendements qui ne changent en rien quant au fond, on s’achemine cahin-caha vers l’adoption de cette loi de finances. Celle-ci, à l’évidence ne sera pas à marquer, par son exemplarité, d’une pierre blanche dans les annales de notre toute jeune nouvelle république. Ne vous inquiétez pas braves gens, le gouvernement veille !

Pendant ce temps et imperceptiblement les déficits publics et extérieurs se creusent. Un montant inouï et effarant de dettes contractées à rembourser cette année, pas loin de 4 milliards, à trouver dans une réserve de devises qui fond comme neige au soleil.

Fascinés, ébahis, pour ne pas dire éblouis par un tel respect du formalisme parlementariste, nous oublions l’essentiel : le respect des objectifs de la révolution…

Assurément drapé dans son tout nouvel habit de légalité, ce gouvernement tente-t-il de nous faire croire que nous serions revenus à la « normale »…Mais attention aux lendemains qui déchantent.

Hédi Sraieb,
Docteur d’Etat en Economie du Développement

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