News - 16.11.2011

Mes Années Ben Ali

« Les critiques injustes de certains cercles politiques et de médias, adressées aux diplomates qui n’auraient «rien vu venir » s’agissant des bouleversements intervenus en Tunisie et en Égypte, m’ont renforcé dans ma détermination de dire certaines vérités ». Dans un livre-entretien, l’ancien ambassadeur de France à Tunis (2002-2005), Yves Aubain de La Messuzière, apporte un témoignage précieux sur l’analyse que l’ambassade faisait du régime Ben Ali et de la situation dans le pays. Sous le titre de « Mes Années Ben Ali » publié cette semaine aux éditions Cérès, il n’hésite pas à dire certaines vérités, portant «un regard d’observateur aussi impartial que possible», mais avec sa «sensibilité personnelle».

Réfutant les accusations de «complaisance, voire des connivence à l’égard du régime de Ben Ali », portées contre la France, il reconnait cependant qu’ « on peut reprocher à nos dirigeants certaines faiblesses à l’égard du régime et de ne pas avoir été suffisamment fermes sur la question des droits de l’homme et des libertés publiques». 

Comment est née l’idée de ce livre ? L’éditeur, Karim Ben Ismail témoigne :

« Comme de nombreux Tunisiens, écrit-il en guise d’introduction, nous avons été étonnés, déçus, voire heurtés par la position officielle de la France la veille de la Révolution. Mais nous connaissions un diplomate français un peu « à part », et non des moindres : notre ami Yves Aubin de La Messuzière, ancien ambassadeur de France en Tunisie. Il avait détonné et séduit la société civile, en rencontrant les opposants au régime ou encore en ouvrant les grilles de sa résidence aux Tunisiens à l’occasion d’une grande exposition d’art, à une époque où toutes les chancelleries occidentales faisaient fortifier leurs enceintes.

N’étant plus tenu par le devoir de réserve, et ne mâchant pas ses mots sur l’autocrate Ben Ali, le cartel des familles et le « cas » tunisien, nous lui avons suggéré de dresser le bilan de ses années tunisiennes et de nous faire part de ce qu’il a toujours su et en partie tu, tant sur les difficultés rencontrées lors de son passage à Tunis, que sur le regard de notre « allié » français sur le régime Ben Ali.

Notre confrère Pierre Vallaud, éditeur à Paris, grand ami et connaisseur de la Tunisie, nous avait appelés le lendemain de la Révolution pour nous féliciter et nous dire qu’il se portait volontaire pour accomplir toute action éditoriale pouvant contribuer à l’évolution de la libre expression dans notre pays. Ce serait, avait-il ajouté, ma modeste contribution à votre nouvelle vie. Nos deux amis menèrent plusieurs séries d’entretiens. De leur rencontre naîtra le présent ouvrage. Nous remercions vivement Yves Aubin de La Messuzière de s’être ainsi livré, sans réserve, revenant régulièrement et inlassablement à la tâche. Nous savons gré à Pierre Vallaud d’avoir été le vrai éditeur de ce livre".


Dans sa préface, l’ambassadeur Yves Aubain de la Messuzière, nous éclaire davantage : « Quand Karim Ben Smaïl, le directeur des éditions Cérès, me proposa, au lendemain de la chute de Ben Ali, de publier un livre relatant mon expérience d’ambassadeur de France en Tunisie, de 2002 à 2005, écrit-il, j’acceptai aussitôt de transmettre un témoignage qui pourrait intéresser principalement les lecteurs tunisiens. En effet, l’activité d’un ambassadeur est parfois entourée de mystère car le plus souvent, il doit agir dans la discrétion, plus particulièrement sous les régimes autoritaires.

Même si je souhaite être le plus transparent possible, le lecteur ne doit pas s’attendre à des révélations sensationnelles. Il pourra, toutefois, mieux comprendre, je l’espère, le mode de fonctionnement d’une ambassade dans la Tunisie de Ben Ali.

Dans la rédaction de l’ouvrage, je me suis appuyé sur les archives du ministère des Affaires étrangères et celles de l’ancien président de la République, Jacques Chirac, déposées aux Archives nationales.

Je me suis efforcé de rapporter de manière privilégiée l’analyse que l’ambassade faisait, à la fois du régime de Ben Ali et de la société tunisienne.

La prévision et l’anticipation étant au coeur du métier diplomatique, je tenais régulièrement informées les autorités françaises des dérives du régime et des risques portant sur la stabilité du pays. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité publier, en annexe de l’ouvrage, avec l’accord du ministère des Affaires étrangères, deux correspondances diplomatiques, Réflexion prospective sur la Tunisie en 2010 et L’Envers du décor, rédigés respectivement en 2003 et 2005.

Les critiques injustes de certains cercles politiques, de médias, adressées aux diplomates qui n’auraient «rien vu venir » s’agissant des bouleversements intervenus en Tunisie et en Égypte, m’ont renforcé dans ma détermination de dire certaines vérités. Je souhaite en rétablir une : contrairement à ce qu’ont affirmé certains pamphlétaires, on ne peut dire qu’il y a eu de la part des autorités françaises une complaisance, voire des connivences à l’égard du régime de Ben Ali, qui ne disposait pas de réels réseaux politiques en France. La relation franco-tunisienne que j’ai suivie durant de nombreuses années, manquait de chaleur depuis l’avènement de Ben Ali. Par contre, on peut reprocher à nos dirigeants certaines faiblesses à l’égard du régime et de ne pas avoir été suffisamment fermes sur la question des droits de l’homme et des libertés publiques. Après les attentats de New-York en septembre 2001, la France, comme les principaux partenaires de la Tunisie, ont considéré que Ben Ali avait réussi dans sa lutte contre l’islamisme radical et qu’en conséquence, il devait être protégé de toute critique sur son mode de gouvernement.

Je me suis efforcé de porter un regard d’observateur aussi impartial que possible, mais avec ma sensibilité personnelle sur un pays que mon épouse Florence et moi-même avons beaucoup aimé. Nous avons été ensemble à la rencontre d’une société accueillante, souvent sophistiquée, ouverte sur le monde et plus particulièrement sur la France.

Entre les lignes, cet ouvrage rend hommage à tous ceux et à toutes celles qui ont lutté avec courage contre l’oppression pour rétablir la dignité du peuple tunisien ».



* Une séance de dédicace est prévue à la  Librairie Mille Feuilles , à la Marsa, le samedi 3 décembre 2011,

** En vente en librairie et online sur: www.ceresbookshop.com

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7 Commentaires
Les Commentaires
Pr. Khalifa Chater - 17-11-2011 09:56

Je dois vous rappeler que M. L’ambassadeur Yves Aubin de la Messuzière participe au séminaire organisé par l’Association des Etudes Internationales, «la Transition tunisienne et sa perception internationale », mercredi 30 novembre (9h-13h) à l’hôtel Tunisia Palace, avenue de France. Vous aurez l’opportnuité de l’écouter Il est appelé à analyser la perception internationale de la transition tunisienne. L’ambassadeur Yves Aubin de la Messuzière s’est, en effet, penché sur le thème du printemps des peuples arabes et ses enjeux stratégiques et donné sur le sujet des conférences au Liban et à Paris. Fin connaisseur de la réalité tunisienne, il n’a pas hésité, dans son livre paru cette semaine, sous le titre de « Mes Années Ben Ali » à dire certaines vérités, portant «un regard d’observateur aussi impartial que possible», mais avec sa «sensibilité personnelle». Il estime que ce n’est pas un hasard si ces soulèvements, qui ont eu lieu dans un contexte de crise économique à l’échelle mondiale, ont commencé en Tunisie, pays qui connaît le plus fort taux d’éducation dans le monde arabe, mais également un pourcentage de chômage particulièrement élevé. C’est un mal-être social, économique, politique, qui apparaît comme l’une des causes premières de la révolte tunisienne et dans lequel d’autres peuples se sont retrouvés. Le séminaire permettra de confronter les opinions d’une pléiade d’experts internationaux. Il se tiendra, mercredi 30 novembre (9h-13h) à l’hôtel Tunisia Palace, avenue de France. Pr. Khalifa Chater Président de l’AEI

mohamed - 17-11-2011 14:41

Maintenant, tous osent et témoignent et dieu seul sait s'ils sont sincères. Ils veulent profiter de la situation pour s'enrichir : écrire des livres et les vendre. Mais qui achetera ces livres autres que les tunisiens ? Encore une fois, c'est le peuple tunisien qui paye !

mouna Tunisie - 17-11-2011 17:41

"on peut reprocher à nos dirigeants certaines faiblesses à l’égard du régime et de ne pas avoir été suffisamment fermes sur la question des droits de l’homme et des libertés publiques" dites vous ? ce ne sont pas des faiblesses mais EFFECTIVEMENT des positions prises volontairement à mon avis, d'autant plus que votre pays N'A PAS DU TOUT été ferme sur la question des DH (et non pas: PAS SUFFISAMMENT.

bounab - 17-11-2011 17:54

toutes les Années de BenALI et même avant cette période, c'est l'état français quiest le plus coupable, puisque, la france malgrés toutes les preuves sûr les agissements du non réspect des droits de l'homme les plus élémentaires les dirigents français férment les yeux,et en france les enfants tunisiens ont été violésavec l'aprobation des magistrats de bobigny, pour couvrir leurs bavures judiciaires séquestrent le pére des enfants, pour le réduire au silence.Comment voulez- vous qu'un pays colonialiste peut réspecter le droit Humain?

mohamed - 17-11-2011 18:36

Je vous remercie cher professeur pour votre commentaire qui m'a permis entre autres de découvrir l'AEI à travers son site web, mais je demeure sceptique quant à l'honnêteté intellectuelle de tous ceux qui n'ont réagi qu'après la fin du règne de ZABA. Où etait-il lorsque la presse française en général et le journal LE MONDE en particulier déclaraient ouvertement la guerre à Ben ALI ? Ils ont tout simplement peur de l'affronter et c'est aujourd'hui qu'ils se font prévaloir comme "fins connaisseurs de la réalité tunisienne" que même l'élite tunisienne ne pourrait le prétendre. Excusez encore une fois mon doute.

gueblaouiM - 17-11-2011 19:25

Avec le soutien permanent apporté durant son règne au Dictateur Ben Ali,par les pays occidentaux et surtout la France et ses ambassadeurs à Tunis,on a l'impression ou plutôt la certitude que ce diplomate nous prend pour des imbéciles, le comportement des occidentaux était peut être dicté par des considérations géostratégiques mais essayer de nous faire gober qu'il n'ont rien vu venir, pardon , sachez qu'on est moins bête que vous ne croyez mais aussi plus intelligents que vous ne croyez, on ne vous a jamais demandé de vous excuser mais de grâce, évitez de vous justifier et que n'avez rien vu venir, on sait que vous êtes assez intelligent pour......

Meissa - 18-11-2011 13:46

" FAT EL AWAN " trop tard , chantait la Diva Om kaltoum , M.L'ambasseur il fallait le sortir avant le 14/01/2011.

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