News - 16.07.2025

Dorsaf Maaroufi, notre chargée d’affaires à Islamabad : Une jeune femme diplomate tunisienne d'excellence

Dorsaf Maaroufi, notre chargée d’affaires à Islamabad : Une jeune femme diplomate tunisienne d'excellence

Elle est la première femme diplomate tunisienne affectée en poste au Pakistan, mais aussi la plus jeune chargée d’affaires a.i., désignée à la tête d’une ambassade de Tunisie. A 32 ans seulement, Dorsaf Maaroufi, pur produit de l’école publique, marque une ascension prometteuse et incarne la nouvelle génération des jeunes diplomates. Depuis la capitale pakistanaise Islamabad, à plus de 5 000 km de Tunis, et avec 4 heures de décalage horaire, elle se déploie sur tous les fronts, n’hésitant pas à prendre la voiture pour sillonner le pays, qui est 5 fois plus grand que la Tunisie et compte 241 millions d’habitants (près de 20 fois la population tunisienne). Outre le Pakistan, l’ambassade de Tunisie couvre l’Afghanistan et le Bengladesh. C’est dire toute l’importance de la charge et l’étendue du périmètre d’accréditation.

Comment Dorsaf Maaroufi est-elle devenue diplomate ? Comment était-elle arrivée au Pakistan? Et comment y réussit-elle ? 
Retour sur une passion portée en noble mission.

Encore élève à Jendouba, férue de lecture, elle n’avait jamais envisagé de se retrouver un jour diplomate et, a fortiori, affectée dans cette région du monde. Ses parents, enseignants, l’encourageaient dans ses études, appréciant sa plongée dans les livres et sa curiosité du monde extérieur. Dorsaf était particulièrement intéressée par la littérature, les sciences humaines et l’histoire. L’actualité, notamment celle dans le monde arabe et la cause palestinienne, retenait son attention. L’image de l’enfant palestinien Mohamed al-Durrah, assassiné le 30 septembre 2000, à Gaza, puis celle d’autres enfants comme Imen Hajjou, viendront la secouer profondément. Elle se posera alors de nombreuses questions et se demandera comment préserver la vie humaine. Y a-t-il d’autres chemins à emprunter ? Sans s’y connaître, elle pensait déjà au droit international, à la diplomatie…

Leurs cours sont gravés dans ma mémoire

Décrochant son baccalauréat avec une très bonne note qui ouvrait devant elle un large choix d’orientation, Dorsaf Maaroufi optera d’emblée pour la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis (Fsjpt), avec l’ambition d’étudier le droit public. Rapidement, elle sera fascinée par ses professeurs. Elle mentionne particulièrement Slim Laghmani, Haykel Ben Mahfoudh, Hatem Mrad, Neila Chaabane, Sana Ben Achour, Leila Chikhaoui, Khaled Majeri, Mouna Kraiem, et ne veut oublier personne. «Je garde encore en mémoire leurs cours, confie-t-elle. Leur enseignement permet d’aller au-delà du dispositif, vers l’esprit des lois, et c’est très enrichissant.»Licence fondamentale en droit public, puis master. Une carrière de recherche et d’enseignement la tentait. Mais, voilà une grande opportunité se présenter à elle : le concours de recrutement des secrétaires des Affaires étrangères ouvert en 2018. Pas moins de 12.000 candidats y postuleront, 8.000 seront retenus pour les épreuves écrites, quelques dizaines seront convoqués pour l’examen oral, et finalement 50 seront admis. Dorsaf Maaroufi fera partie des tout premiers. L’heureux hasard voudra qu’elle eût soutenu sous la direction de Mouna Kraiem un mémoire de master sur «La compétence constitutionnelle en matière de politique étrangère: cas de la Tunisie». Elle était alors fin prête pour se présenter au jury du concours diplomatique…

Dorsaf Maaroufi commencera alors une année de formation à l’Institut diplomatique, relevant du ministère des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger. Elle choisira comme sujet de mémoire la crise yéménite. Elle aura aussi l’occasion d’effectuer deux stages à l’étranger, le premier à l’institut diplomatique indien à New Delhi et le second à l’École nationale d’administration italienne et au ministère italien des Affaires étrangères, à Rome. Deux séjours instructifs.

Le juridique à la base

Première affectation au sein du ministère des Affaires étrangères: la direction des affaires juridique. «En examinant les engagements internationaux de la Tunisie, j’ai saisi l’importance du droit comme instrument de défense des intérêts du pays», confie-t-elle. Il faut dire que j’ai bénéficié des précieux conseils de mon directeur, Abdelhamid Gharbi (qui sera ambassadeur de Tunisie en Éthiopie et représentant auprès de l’Union africaine) qui a guidé mes pas et a été mon premier coach.»

Une bonne surprise, un grand étonnement

De très bonnes relations politiques et des échanges commerciaux à promouvoir

Les relations entre la Tunisie et le Pakistan remontent à avant l’indépendance. Le Pakistan avait en effet appuyé, dès le début des années 1950, le mouvement national, apportant son soutien au Néo-Destour et plaidant pour l’inscription de la cause tunisienne à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU. Après l’indépendance en 1956, il a été l’un des premiers pays à reconnaître officiellement la Tunisie indépendante et à soutenir activement sa candidature à l’ONU.

La coopération bilatérale embrasse divers secteurs, notamment l’économie, l’éducation, la culture et autres, mais demeure modeste pour ce qui est des échanges économiques. Un accord de libre-échange est en cours de négociation avec l’espoir de le conclure lors de la prochaine réunion de la commission mixte prévue d’ici à la fin de l’année, à Islamabad. «Ce sera un moment fort, souligne Dorsaf Maaroufi, qui y travaille d’arrache-pied avec le ministère à Tunis ainsi que ses vis-à-vis pakistanais. Nous aurons ainsi un cadre juridique offrant des conditions préférentielles, ce qui permettra d’accroître les échanges.»

Au total, ces échanges affichent un volume de 13,58 millions de dollars en 2023-2024. Les exportations du Pakistan vers la Tunisie s’élèvent à 12,38 millions de dollars constituées de coton et de textiles. La Tunisie exporte des articles textiles, des produits chimiques et des équipements électriques.

Avec le Bengladesh, les relations sont elles aussi excellentes, orientées plutôt vers l’économique. Un contrat d’exportation de 150.000 tonnes de phosphate a été signé en 2023 et reconduit en 2024.

En 2021, des postes à l’étranger étaient vacants dans de nombreuses ambassades ainsi que des consulats, dont un à Islamabad. Jamais Dorsaf n’avait pensé un jour y aller, et la décision n’était pas facile à prendre. Elle a manifesté l’intérêt pour une affectation au Pakistan. «C’était un choix personnel, non seulement par amour de l’aventure, mais par un ardent désir de découvrir ce pays, cette région, et d’y servir mon pays dans une ambassade connue pour son dynamisme. La réponse du ministère ne tardera pas. Ce sera une bonne surprise pour moi, et un grand étonnement pour mes proches, collègues, amis et membres de la famille», confiera-t-elle.

Départ pour le Pakistan. L’accueil qui lui a été réservé à son arrivée à Islamabad par l’ambassadeur Borhene El Kamel (qui malheureusement décèdera en juin 2024) fut très chaleureux. «Il m’adoptera tout de suite comme l’une de ses filles. Mes nouveaux collègues au sein de l’ambassade seront aussi merveilleux. L’ambassadeur El Kamel croira rapidement en moi et m’apportera tout son soutien, avec beaucoup de patience, ravi d’accueillir la première femme diplomate dans l’ambassade. D’emblée, il me confiera de nombreux dossiers couvrant les aspects politique, économique, culturel, éducatif et médiatique, me désignant pour participer à diverses manifestations. Il m’encourageait particulièrement à nouer des contacts et au networking.»

L’effectif de l’ambassade était réduit, ne comptant autour de l’ambassadeur que deux diplomates, Dorsaf Maaroufi et Samir Yahyaoui, ainsi qu’un responsable chargé des questions administratives et financières, Mohamed Berrouhouma, qui jouit d’une longue expérience. Les affaires consulaires étaient confiées à Samir Yahyaoui, ministre plénipotentiaire, un diplomate chevronné, rompu aux méandres consulaires, qui l’initiera avec bienveillance aux règles en vigueur. L’équipe fonctionnera à merveille. «J’ai eu la chance d’avoir des chefs exemplaires, dira-t-elle, et des collègues magnifiques.» A plusieurs occasions, lors de l’absence simultanée, pour de courtes durées, de l’ambassadeur Borhene El Kamel et de Samir Yahyaoui, l’intérim était confié à Dorsaf Maaroufi. La responsabilité était lourde à porter, mais l’apprentissage sera rapide, en respectant la prudence requise et en apportant une grande application.

Dès 2024, les événements vont se précipiter : l’ambassadeur Borhène El Kamel décèdera (en juin 2024), suscitant une profonde émotion et laissant un grand vide. Moins d’un an après, Samir Yahayoui sera admis à faire valoir ses droits à la retraite (en février 2025). Le ministère des Affaires étrangères décidera alors de nommer Dorsaf Maaroufi chargée d’affaires a.i. Une décision qui témoigne de toute sa signification. Voici une jeune diplomate, gravissant le premier grade (secrétaire des Affaires étrangères), seule diplomate au poste, nommée pour assurer l’intérim, le temps de la désignation d’un nouvel ambassadeur, de son agrément et de son entrée en fonction…

Se rendre toujours disponible

Pour Dorsaf Maaroufi, tout se passe naturellement, connaissant bien les différents dossiers. Son quotidien sera aussi diversifié que chargé. Elle doit accomplir diverses tâches allant du travail administratif à l’analytique et au représentatif: traiter le courrier reçu, assurer les prestations consulaires, rédiger des notes, représenter l’ambassade aux multiples manifestations et se rendre toujours disponible.Une importance toute particulière est accordée au consulaires pour entourer les Tunisiens résidant au Pakistan, mais aussi en Afghanistan et au Bengladesh de toute la sollicitude requise. «C’est une communauté merveilleuse, réduite en taille mais chevillée à la patrie, affirme Dorsaf Maaroufi. Au total, on compterait 150 personnes, dont 100 au Pakistan. En Afghanistan, les Tunisiens sont au nombre d’une dizaine. Quant au Bengladesh, nous comptons un peu moins d’une cinquantaine de ressortissants nationaux. L’ambassade est en contact avec eux et se tient à leur disposition à tout moment. Je sais combien ils comptent sur nous et combien ils aiment leur pays.»

Compter aussi sur nos consuls honoraires

Dans cet immense pays comme le Pakistan, comme dans le Bengladesh, la Tunisie dispose d’un réseau de consuls honoraires qui viennent appuyer l’ambassade basée à Islamabad. Il ne s’agit pas de diplomates de carrière, mais de personnalités locales qui exercent à titre honorifique, œuvrant  à la promotion des relations économiques, culturelles et éducatives notamment, et prêtant aide aux citoyens de Tunisiens en cas de besoin. Ils constituent des points de contact essentiels. Au Pakistan, ils sont trois consuls honoraires :

Ammad Rasheed à Khyber Pakhtunkhwa (Peshawar)
Mohammad Hameed au Punjab (Lahore)
et Iftikar Ahmed Soomro au Sindh (Karachi)
Quant au Bengladesh, la Tunisie compte un consul honoraire
Badrul Huda Rownak Khandker à Dacca (Dhaka)
Dorsaf Maaroufi est en contact permanent avec eux. «Leur concours est important, souligne-t-elle. Ils sont actifs, utiles et facilitent les échanges.»

Deux événements majeurs en perspective

Chargé d’affaires a.i

Selon la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961, la définition d’un chargé d’affaires a.i. (ad interim) est donnée dans l’article 19, qui traite des remplaçants du chef de mission.

Article 19 – Remplaçants du chef de mission

1. Lorsque le poste de chef de mission est vacant, ou lorsque le chef de mission est empêché d’exercer ses fonctions, un chargé d’affaires ad interim agit provisoirement en cette qualité. Sauf dans les cas où un membre du personnel diplomatique de la mission serait désigné par l’État accréditant, le chargé d’affaires ad interim est désigné par le chef de mission parmi les membres du personnel diplomatique.

2. Le nom du chargé d’affaires ad interim est notifié au ministère des Affaires étrangères ou au ministère compétent de l’État accréditaire.

Il ne faut pas confondre avec le chargé d’affaires en titre (chargé d’affaires en pied), qui est accrédité auprès du ministre des Affaires étrangères et non auprès du chef de l’État.

Un point d’orgue viendra ponctuer les relations bilatérales entre la Tunisie et le Pakistan. Il s’agit de la réunion à Islamabad, d’ici à la fin de l’année, de la commission ministérielle  mixte, avec à la clé la signature d’un accord commercial préférentiel et d’autres instruments qui imprimeront un nouvel élan à la coopération entre les deux pays. De plus, un festival culturel tunisien est prévu en novembre prochain.  

Dorsaf Maaroufi s’investit pleinement pour la bonne préparation de ces deux événements et leur totale réussite.

Le professionnel et le personnel

Avec des tâches aussi nombreuses et exigeantes, aura-t-elle le temps pour sa vie personnelle ? «J’arrive à gérer l’équilibre nécessaire entre le professionnel et le personnel, répond-elle. J’ai beaucoup d’amis, de différentes sphères, je participe à des activités culturelles, sportives et sociales, voyage à l’intérieur du pays et lis beaucoup. J’aime beaucoup connaître, découvrir, et je m’intéresse à tout ce qui est autour de moi. C’est une chance que de me retrouver au Pakistan et de connaître son peuple si attachant, comme je suis de près ce qui se passe dans les deux autres pays d’accréditation, l’Afghanistan et le Bengladesh. J’essaye de trouver le temps de lire et d’écrire. Je ne vois pas filer le temps.»

Visiblement très épanouie, très à l’aise dans ses fonctions, fière de représenter la Tunisie, Dorsaf Maaroufi est consciente de l’opportunité qui lui est offerte pour réaliser son ambition. Elle est reconnaissante à son ministère, à ses collègues et à ses vis-à-vis pakistanais. Peuple raffiné, courtois et accueillant, les Pakistanais ne manquent pas de lui témoigner, dès qu’ils apprennent qu’elle est la chargée d’affaires de la Tunisie, respect et considération. Partout, elle n’entend que «Welcome, Excellency ! Yes, Excellency !» Quand on lui demande quel message souhaite-t-elle adresser aux générations futures, et notamment aux jeunes femmes diplomates qui ont récemment rejoint les rangs de la diplomatie tunisienne, Dorsaf Maaroufi n’hésite pas à leur dire : «Croyez en vous, engagez le changement et honorez les jeunes Tunisiennes que vous êtes, ainsi que nos ancêtres et les icônes tunisiennes qui ont illuminé l’histoire de notre pays — une histoire riche de figures dont l’énumération est interminable.»Dorsaf Maaroufi entame sa cinquième année au Pakistan. Bientôt la Tunisie désignera un nouvel ambassadeur. Elle en sera ravie et doit lui prêter main-forte en attendant la fin de son affectation. Avec bonheur sans doute, elle retrouvera la Tunisie, le ministère, sa famille et ses amis. Pour une pause de quelques années, avant de repartir en poste à l’étranger. Son expérience au Pakistan la marquera à jamais, avec de beaux souvenirs. Y retournera-t-elle un jour ? En ambassadeur, comme l’heureux destin pourrait le lui réserver. Un brillant avenir l’attend.

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