Lu pour vous - 14.07.2021

La terminologie scientifique arabe : un admirable ouvrage du Pr Mouhheddine Ben Slimane

La terminologie scientifique arabe : un admirable ouvrage du  Pr Mouhheddine Ben Slimane

Par Rafik Darragi - Le Professeur Mouhheddine Ben Slimane est docteur en sciences du langage et linguistique de l’Université d’Orléans. Il enseigne depuis 2007 la terminologie et la traduction à l’Université de Monastir. Il vient d’éditer chez L’Harmattan (Collection Traductologie) un admirable travail scientifique intitulé : La terminologie scientifique française et sa traduction en arabe au XIXe siècle.

L’objectif principal de cet ouvrage est l’examen des modes de formation de la terminologie scientifique arabe visant à traduire la terminologie scientifique française au XIXe siècle.

«Il s’agit, écrit l’auteur dans son Introduction, d’un tournant majeur dans l’histoire du lexique arabe de par l’ampleur de la tâche: pour traduire des centaines d’ouvrages scientifiques et techniques étrangers, notamment français, qui représentaient le progrès scientifique et technique que connaissait l’Europe jusqu’au XIXe siècle… il était nécessaire d’introduire en arabe un nombre particulièrement important de termes techniques et scientifiques. D’où la nécessité de donner des équivalents dans la langue arabe (la langue cible) aux dénominations terminologiques désignant les nouveaux concepts scientifiques apparus dans la langue française (la langue source)». (p.1)

On imagine donc les affres de la création de cette nouvelle terminologie à cause de l’énorme décalage existant entre la langue française, la langue créatrice, considérablement enrichie par les importantes découvertes scientifiques et techniques et, d’autre part, l’arabe, la langue consommatrice.

Soucieux de souligner l’identification des différents procédés auxquels ont recouru les traducteurs et les réviseurs linguistiques du XIXe siècle, le Professeur Mouhheddine Ben Slimane a concentré ses recherches non seulement sur ceux qui dépendent  du système de la langue arabe relevant d’un processus néologique formel ou sémantique,  mais également  sur ceux en dehors du système, à savoir les divers aspects d’emprunt lexical.

La première partie est consacrée au contexte historique de la Renaissance arabe (Nahda). L’auteur y souligne en particulier le rôle de l’Egypte sous le règne de Muhammad Ali qui gouverna le pays de 1805 à 1848, et qui s’était distingué par son projet de réforme:

Le premier chapitre est un long, judicieux retour au califat abbasside et son apogée:

«Ce fut donc en mathématiques et en médecine en particulier que se développèrent les sciences arabes, ce qui entrainera plusieurs siècles plus tard, le renouveau de la science en Occident. Les traductions en latin des grandes œuvres scientifiques arabes attirèrent la curiosité des savants européens qui développèrent par la suite les sciences arabes et entrainèrent le prodigieux essor scientifique et technique de l’Occident…» (p.16)

Certes, l’arabe était bel et bien une langue créatrice durant la période du califat abbasside (750-1250), notamment sous le règne du calife ‘Al-Ma’mun (813-833). Mais les temps avaient changé depuis.

Au deuxième chapitre l’auteur traite de la présentation, de la justification du corpus choisi (un corpus textuel comprenant deux principaux domaines : les mathématiques et la médecine) et de son traitement, à savoir l’informatisation du corpus, l’accès au corpus numérique et le traitement automatique de la base de données textuelles (numérisation et traitement par des sites et des logiciels de reconnaissance optique de caractère).

Afin de pouvoir identifier et analyser dans les chapitres suivants les modes de formation des termes relevés dans le corpus,  Mouhheddine Ben Slimane s’étend longuement, au troisième chapitre, sur la création terminologique ou la néologie, et les différents procédés de formation de termes nouveaux, tels que décrits par certains lexicologues et terminologues, non sans avoir auparavant, pris soin d’examiner le concept de ‘dénomination’ en terminologie :  («l’action d’attribuer un nom» et par métonymie le «nom attribué»).

Le quatrième chapitre est consacré à la ‘dérivation’ (‘al-‘ištiqâq) et son rôle majeur dans la formation du vocabulaire scientifique arabe lors de la traduction des termes et concepts scientifiques français. Pour déterminer le concept de la dérivation, qui a permis de former une centaine ou plus de lexies simples, l’auteur s’est référé aux grammairiens arabes anciens  tels que ‘Al-Gurgani (1340-1413) et ‘ Al Suyuti (1445-1505) ainsi qu’aux grammairiens arabes modernes comme  Halil (1985) et Bin Mrad (1997), «étant donné leur apport considérable à la question de la néologie lexicale en général et à la ‘dérivation’ en particulier.» (p.60).

Les lexies composées sont examinées longuement au cinquième chapitre (avec plusieurs tableaux à l’appui).  ‘La composition’ (‘al-tarkib), est la formation d’une unité signifiante de deux ou plus de deux termes. Ces types d’unité complexe (UTC) « sont construits par composition selon des structures syntaxiques déterminées relevant du système syntaxique de la langue créatrice (par opposition aux UTC qui sont construites par dérivation). (p.96).

Dans le sixième chapitre l’auteur examine un autre phénomène majeur de formation de termes nouveaux, mais qui relève, cette fois, d’un transfert néologique sémantique (‘al-majaz). Les mécanismes les plus fréquents de ce transfert, identifiés à travers la terminologie élaborée dans le corpus scientifique arabe sélectionné, peuvent selon lui, «être rapportés à la métaphore, à la métonymie, à la restriction de sens et à la traduction littérale ou au calque» (p.134)

Enfin, le septième et dernier chapitre est consacré à l’emprunt (‘al-‘iqtiradh). Il s’agit «d’un procédé de formation de termes nouveaux en dehors du système de la langue». Toutefois, l’auteur tient à préciser :

«Notre objectif n’est pas seulement d’étudier les aspects divers selon lesquels se présente le procédé de l’emprunt dans notre corpus, mais d’examiner le rôle de ce procédé dans la formation des termes visant à traduire les termes et concepts scientifiques français nouveaux, et par conséquent dans la création terminologique.» (p.155)

Bien qu’il soit, en principe, destiné aux ‘happy few’, cet ouvrage scientifique fait honneur à la Tunisie. Il est enrichissant, très bien illustré, agréable à lire.

Mouhheddine Ben Slimane, La terminologie scientifique française et sa traduction en arabe au XIXe siècle, L’Harmattan (Collection Traductologie), Paris , 2021, 186 pages.

Rafik Darragi


 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Derouiche - 17-07-2021 22:47

C'est un ouvrage intéressant. Bonne continuation. Pr Leila Derouiche

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