News - 08.07.2021

L'origine de la chute de la Tunisie

L'origine de la chute de la Tunisie

Les citoyens veulent le progrès, ils ne veulent pas la pagaille!

Il y a trois mots pour décrire l’étendue d’une contagion. On parle de « flambée » pour décrire l’apparition soudaine de quelques cas, d’« épidémie » quand la contagion touche une région ou un ou quelques pays, et de « pandémie » lorsqu’elle s’étend à un continent ou à plusieurs.

Dès la plus haute Antiquité, les civilisations ont dû faire face à diverses flambées épidémiques accompagnant la misère, les famines et les guerres, fluctuant avec les grandes périodes de froid. Ces maladies contagieuses ont sévi tour à tour, ou ensemble, apparaissant et disparaissant au gré des siècles. Les épidémies ont ainsi profondément transformé le paysage géopolitique mondial. Selon de nouvelles données scientifiques, les épidémies accélèrent le désagrègement de l'Etat. Les facteurs généralement avancés ne manquent pas pour analyser le déclin de l'Etat moderne, décadence morale, guerres civiles, crise économique et invasions barbares. Les facteurs traditionnels d’explication sont simplement une partie de l’énigme. Ce qu’il se passe aujourd’hui dans le monde nous rappelle que les sociétés humaines sont étroitement liées à leur milieu environnemental. Nous devons ajouter deux autres éléments déterminants, les épidémies (pandémies) et le changement des températures. De vieux démons, que l’on croyait enfouis pour toujours dans la mémoire collective, réveillent les angoisses existentielles d’une société en pleine crise millénariste. Jamais la menace d’une catastrophe naturelle n’a semblé aussi vive. Jamais les prophéties farfelues n’ont séduit autant d’âmes sensibles, avides d’Apocalypse. Et jamais la perspective d’une épidémie mortelle capable de décimer la moitié de l’humanité n’a semblé aussi imminente. Le miasme est le grand intrus de notre civilisation du confort et de l’anticipation ; à l’heure des algorithmes prédictifs, de l’intelligence artificielle, plus personne ne supporte que son enfant puisse être emporté par une quelconque affection. Alors, quand pointe le germe nocif, il n’y a plus de place pour le savoir-vivre ou la raison. Tant pis pour l’ordre social et la dignité humaine. Une mauvaise habitude qui ne date pas d’hier.

Ne plus accepter l’inacceptable

Notre démocratie est très malade, son pronostic vital est engagé, mais nous pouvons encore la sauver. Pour cela, exigeons des mesures à la hauteur de nos espérances et dans un premier temps refusons de reconnaitre des élus illégitimes. Les propositions de la Présidence de la République ont marqué un point de non-retour, on ne peut pas accepter ce simulacre de démocratie, quand les citoyens et citoyennes refusent la désignation de représentants qui ne les représenteront en aucun cas. Redonnons du sens à notre République telle qu'elle est définie dans notre Constitution, République sociale, civile, laïque et démocratique. Une société politique qui ressemble à la Tunisie d’aujourd’hui, une cour d'école primaire au sein de laquelle une cacophonie de décisions. C’est donc à celui qui criera le plus fort de se faire entendre Aux caprices des uns répondent les plaintes des autres. La disgrâce des icônes du gouvernement entraîne la revanche des ministres présomptueux et la biodiversité prend des allures de guerre des tranchées. Au sein même du gouvernement, les symboles n'ont plus valeur d'exemples.

Tout devrait être mis en œuvre pour mettre fin à la situation gravissime que traverse la Tunisie en matière de sécurité et de tranquillité publique. Le peuple ne devrait pas avoir en spectacle des scènes telles que l’esclandre violente qui s’est déroulée à la Cour des miracles en l’absence du roi des fous, par des députés sans foi ni loi, qui ignorent la dignité d’un élu du peuple.
Aujourd’hui l’autorité de l’État est battue en brèche par des factions minoritaires violentes qui ont noyauté les institutions de l’Etat au plus haut niveau et représentent un réel danger pour le pays. Les lois ne sont plus appliquées, notamment dans certains territoires qui semblent perdus pour la République.

Or, les policiers et les gardes nationaux devraient être les gardiens de la paix et les protecteurs de nos institutions. Ils sont réputés être la clé de voûte de toutes nos libertés, tant il est vrai que sans sécurité, il n’y a point de libertés.

La multiplication des présomptions d’attentats et des agressions violentes dirigées contre les bastions de la paix publique démontrent un refus de nos valeurs républicaines, de nos coutumes et de notre modèle de société dans des pans entiers de notre nation. Les meurtres sauvages, les attentats politiques, les abus de droit des sécuritaires à l’encontre des citoyens, les agressions de nos gardiens de la paix publique en sont les tragiques illustrations.

Les attaques de postes, à force ouverte, par des hordes d’individus armés et cagoulés se propagent sur notre territoire en toute impunité, les violences aux personnes se répandent jusque dans l’intimité des résidences familiales et la seule réponse à ces crimes contre l’ordre réside dans des incantations compassionnelles qui demeurent sans effet sur le quotidien des Tunisiens. Le pays s’est fragmenté en enclaves où l’on vivait jadis côte à côte et où l’on vit désormais dos à dos. Un dos à dos qui nourrit le communautarisme et le sectarisme et menace la paix civile dans son ensemble. Les forces de l’ordre doivent mener une « guerre » sans merci contre les trafiquants de stupéfiants et d’armes, et les policiers sont des « soldats » appelés à combattre sans relâche la criminalité et à rétablir l’ordre public.

Les policiers se heurtent aujourd’hui à l’hostilité d’une partie de la population et de certains politiciens dévoyés ; ils doivent se justifier devant leur hiérarchie, les magistrats, les préfets et s’incliner devant le tribunal de l’opinion publique. Il convient de les encadrer matériellement, moralement et juridiquement pour leur permettre de mener à bien leurs missions sans risquer leur vie, dans le respect des citoyens et des institutions de l’Etat. Il est temps de prendre des mesures efficaces pour reconquérir notre propre pays et rétablir l’autorité de l’État partout où elle est défaillante. Il est temps de faire respecter les valeurs de la République Tunisienne et de ne plus accepter l’inacceptable. Il est temps de réagir…

Le peuple a déjà payé un lourd tribut en vies humaines et en blessures irrémédiables ; la peur doit changer de camp pour terroriser les bandits qui ont envahi l’espace public et qui ne reculent devant rien pour arriver à leurs fins, faire avorter la démocratie et instaurer une société rétrograde et obscurantiste.

Les familles doivent être protégées et l’Etat doit retrouver sa fierté de protéger les citoyens et de les défendre. La réponse pénale doit être adaptée de manière telle que les condamnations soient réellement exécutées et à la hauteur des forfaits commis. La forfaiture ne peut rester impunie ou se réfugier derrière l’immunité parlementaire. L’urgence commande également de contrôler de nombreux quartiers qui contribuent à alimenter désordre et délinquance.

L’anarchie est partout quand la responsabilité n’est nulle part. La Tunisie ne doit pas basculer dans le chaos. Le citoyen ne peut pas tolérer que demain les forces armées remplacent la police pour éviter une guerre civile.

Notre appel au sursaut national doit être entendu par les pouvoirs publics. Les défis à venir sont cruciaux et l’Etat doit leur faire face et recouvrer sa considération perdue.

Face à l’invisible, nous apparaissons désarmés

À chaque instant, une multitude de bactéries et de virus circulent dans les écosystèmes planétaires. La plupart n’ont toujours pas été identifiés et, au gré des mutations, certains pourraient se révéler dévastateurs, tant il est vrai que face au menaçant cocktail de l’invisible, du hasard et de la vitesse, nous apparaissons désarmés. Quand le mal se cache dans un légume ou une basse-cour, une forêt ou un lac, un oiseau ou une chauve-souris, les hommes se trouvent fort dépourvus. La contagion survient en une succession d’événements aléatoires et de détails imprévisibles. Les microbes ignorent les frontières et l’Homme inconscient d’en être le vecteur d’expansion, transporte avec lui des germes destructeurs aux quatre coins du monde. Epidémie devient alors l’autre nom de la mondialisation.

Sans nier l’importance de la pandémie ni les décès qui en découlent quotidiennement, nous devons mettre fin à la folie destructrice, potentiellement bien plus délétère que le virus Covid-19 lui-même, qui s’est emparée de nos vies. Un autre confinement en fin de saison estivale constituerait un suicide pour notre pays. De même pour le couvre-feu non respecté par les citoyens et le système d’attestation dérogatoire. Privilégier le tourisme au détriment de la situation sanitaire est une erreur stratégique majeure dont nous allons payer le prix à la fin de la saison, qui s’avèrera aussi désastreuse que celle de 2020. La réouverture des commerces, restaurants, structures culturelles et sportives, etc. s’est faite n’importe comment, sans aucun protocole sanitaire, adapté à la situation, basé sur des certitudes scientifiques. Le gouvernant laisse faire, observant sans broncher le pourrissement de la situation, scandé par le sempiternel décompte des victimes. Nous aspirons au retour à la DÉMOCRATIE, à la fin de l’état d’urgence, qui ne sert qu’à grapiller de l’argent aux contrevenant du couvre-feu ou du port du masque, exaspérés par son éternisation ; nous aspirons à la fin de la dictature du Conseil National de Sécurité devenue trop permanente. Nous devons aussi nous réapproprier les instances constituées de l’Etat, tombées malheureusement en de très mauvaises mains. Nous devons rendre sa place au Parlement, et l’expurger de tous les parasites qui ont terni la réputation de l’assemblée représentative du peuple. Ils doivent pour ce crime être mis à la disposition de la justice et rendre des comptes.

L’obligation de présence pour les députés doit devenir impérative, sans aucune dérogation avec attribution de jetons de présence pour assiduité à l’appui. Nous devons réfléchir à la formule qui permettrai l’implication de la population dans les décisions les plus importantes. Il est intolérable que le citoyen Lambda soit indifférent face à l’agonie de l’Etat, et qu’il ne pense qu’à la qualité de son bronzage sur les plages bondées, sans respect du protocole sanitaire, ou s’adonne à d’autres plaisirs artificiels pour fuir sa réalité intolérable.

L’Etat ne disparaitra pas brutalement, mais progressivement. Il se désagrégera lentement sur la faille de la scission du monde en deux parties. Durant cette période que nous avons traversée, le monde moderne a été grandement fragilisé par plusieurs épidémies qui ont interrompu son développement démographique et économique. Lorsqu'elle s'éteint, en avril 1919, la grippe espagnole a tué jusqu'à 50 millions de personnes à l'échelle mondiale ; n'épargnant pratiquement aucune région du globe, un tiers de la pollution mondiale a été infecté. La grippe asiatique de 1956, liée au Corona virus influenza H2N2, est la deuxième pandémie grippale la plus mortelle après celle de 1918. Elle causera environ quatre millions de morts dans le monde, soit 20 fois plus qu'une grippe saisonnière ordinaire. Quelques années plus tard la « grippe de Hong-Kong » H3N2 provoquera une nouvelle pandémie en 1968-1969-1970 et tuera environ 2 millions de personnes. En 1977, la Grippe russe A (H1N1). Le SIDA VIH, apparu dans les media en 1981, est identifié en 1983. Dans les années 2000, deux millions de personnes chaque année succombent de ce virus. Cette affection a engendré plus de 40 millions de morts de 1981 à nos jours. 1997 puis 2003 et 2018 la Grippe aviaire (H5N1). 2002 le Syndrome Respiratoire Aigu Sévère (SRAS). 2009-2010 le Virus A (H1N1).

Par sa contagiosité et sa virulence, le SARS-Cov2, le virus d’aujourd’hui, dépasserait les dernières pandémies de grippe les plus meurtrières, selon les estimations de l’OMS et les indicateurs classiques de taux de reproduction (Ro) et de létalité. La dernière pandémie de l’histoire est la plus terrible, jusqu’à la prochaine, qui bouleverse l’équilibre du monde et emportera finalement des dizaines de millions de personnes.

Un faux sentiment de sécurité

De nos jours, avec les vaccins et autres moyens à disposition, on peut avoir le sentiment d’avoir dépassé le stade critique. C’est l’erreur qu’a commise le peuple tunisien, qui vit aujourd’hui une hécatombe. Il a omis le fait que les mouvements incessants des biens et des personnes, à travers toute la planète, augmentent les risques de contagion et de contamination et leur expansion. D’autant que, dans une impression de sécurité, due au fait que les autres se vaccinent, trop de personnes négligent de se faire vacciner elles-mêmes ou de faire vacciner leurs enfants. Le taux de vaccination est resté sous le seuil qui assure l’immunité collective. C’est d’autant plus grave qu’il néglige aussi de respecter la combinaison des mesures sanitaires recommandées pour freiner la contagion. Nous savons pourtant que les vaccins contribuent non seulement au contrôle des maladies graves contagieuses, mais président à leur éradication. Or nous voyons qu'il y a un rythme très bas de vaccination, qui est en deçà des niveaux espérés, sans doute dû à la faiblesse de la fiabilité des informations concernant les vaccins proposés. Les pouvoirs publics ont aussi faussement suscité l'impression, à un moment donné, que l'histoire de cette pandémie était derrière nous. Le ministère de la santé, dépassé par l’ampleur de la tâche, lassé de s’occuper d’un si grand nombre de personnes peu dociles, livré à l’incompétence de ses responsables publics, est entré dans une spirale de mensonges, de fausses nouvelles et de relâchement, ne prenant aucun compte de ce que préconisait le comité scientifique. Au stade actuel tout le monde a baissé les bras pour livrer la Tunisie à un « advienne que pourra » dramatique.

Le comité scientifique parle de démission, le ministère de la santé fait n’importe quoi, le chef du gouvernement est trop occupé par sa petite personne et ses grosses querelles politiques pour considérer le peuple qui souffre et se meure quotidiennement. Le chef de l’Etat est confiné dans sa tour d’ivoire, attendant que ça s’arrête de lui-même. C’est le portrait d’une Tunisie folle avec un peuple livré à lui-même. Les frontières se sont ouvertes, les Tunisiens expatriés sont rentrés au pays pour les vacances apportant dans leurs bagages un variant, ou plusieurs, du Covid-19, pour enrichir nos collections. Ils se mêlent à la foule, aux cérémonies de mariages bondées et imprudentes, mélanges de personnes provenant de tous les horizons. Il semblerait que le tourisme soit devenu l’arme par laquelle nos gouvernants sont en train d’assassiner le pays.

Pour s’exonérer de leur responsabilité, ils se réfugient derrière l’argument que le Tunisien est indiscipliné, sans se rendre compte que cet argument les rend coupables de mauvaise gestion de la crise sanitaire dans sa globalité. Contrairement aux apparences, l’épidémie est encore devant nous. Nous allons nous en rendre compte en septembre, quand les estivants seront retournés chez eux et qu’ils nous laisseront une lourde facture à acquitter. Ce qui est certain c’est qu’une fois la crise sanitaire passée, tous les responsables criminels de cette situation devront être jugés et condamnés à rendre des comptes au peuple qu’ils ont meurtri. Baisser la garde trop rapidement n'est pas raisonnable ; si l’on veut avoir sur la durée de bonnes nouvelles, on ne pourra maîtriser cette pandémie que par la vaccination.

Nous devons accélérer le rythme du processus, quand bien même faudra-t-il rendre la vaccination obligatoire, le volontarisme n’ayant donné aucun résultat. Ainsi d'ici un à deux ans, tout le monde aura des anticorps contre ce virus, soit parce qu'ils auront été infectés et guéris, soit parce qu'ils auront été vaccinés. L’immunisation cassent les chaînes de transmission. Si l’on veut protéger l'ensemble de la population et contrôler la circulation de ce virus, ce n'est que par la vaccination qu'on y arrivera. Longtemps, les gouvernants ont rassuré leurs ouailles pour éviter la frayeur collective. Aujourd’hui, les autorités sanitaires voient leur crédit en pâtir de leur incompétence et les foules refusent de se faire vacciner.

Le chaos social ou les ravages de l’égoïsme

Pire que les épidémies, il y a ce qu’elles nous révèlent, la haine humaine de l’imprévisible et l’égoïsme de l’être humain, quand bien même il serait gouvernant. Quand survient l’épidémie, il suffit de quelques heures pour que la méfiance paranoïaque de chacun achève de déliter un tissu social autant fragile qu’artificiel. À cause de la contagion, les structures civiles et sociétales s’effondrent, le sens civique s’éteint, les mœurs se relâchent. « Mangez, buvez, jouissez » devient le mot d’ordre de ceux préférant l’extase au désespoir. Au-delà des comportements individuels, les épidémies rebattent les cartes de la hiérarchie sociale. Un brassage social qui rend possible l’ascension de nouvelles élites, le malheur des uns faisant le bonheur des autres. L’uniformité pathologique de l’humanité demeure un mythe ; sur le front épidémique, le tiers-monde restera encore longtemps en première ligne. Si le marché du vaccin devient aussi alléchant que celui du médicament, peut-être parviendra-t-on enfin à éradiquer nombre de maladies devenues endémiques.

Coopération économique critique entre gouvernements

Pour sauver l’économie, les plans de sauvetage sont une bonne chose. À très court terme, une gouvernance mondiale de la crise sanitaire et économique, se traduisant par une intense coopération internationale, apparaîtra comme cruciale. Dans son livre « Sapiens » (Paris, Albin Michel, 2015), Yuval Harari raconte que les Nations ont été créées en Egypte, parce que chaque tribu n’arrivait pas à régler seule la question des crues du Nil. Là, les tribus que sont nos Nations ne réussissent pas à régler seules la crise économique mondiale générée par la situation sanitaire. Elles auront besoin d’une gouvernance mondiale et/ou, a minima, régionale car on ne sort de ce genre de crise que par la coopération.

L’action nationale individuelle n’est pas le niveau pertinent. On ne parviendra à limiter les dégâts que si nous agissons ensemble au niveau mondial, et pas uniquement à niveau national. Si on ne prend pas les bonnes décisions au bon moment, ce sont les sociétés entières qui pourraient s’effondrer littéralement et qui disparaîtraient. Finalement, que notre civilisation s’effondre en 2030, que l’écroulement soit progressif ou qu’il n’ait jamais lieu n’est peut-être pas si important. Le plus important, c’est que l’on y croie, car les croyances façonnent l’humanité. Ce qui se joue aujourd’hui pourrait ainsi nous faire entrer dans un nouvel âge et déterminer notre destin collectif pour plusieurs siècles. Dans ses deux ouvrages, « Sapiens » (Albin Michel, 2015) et « Homo Deus » (Albin Michel, 2017), Yuval Noah Harari expose comment l’invention de mythes collectifs fut la clé du succès et de l’évolution de notre espèce. La croyance en des mythes communs a permis à des millions d’hommes de coopérer sans se connaître, ni avoir besoin de se faire confiance ; simplement parce qu’ils croyaient aux mêmes divinités, à la même Nation, en Pharaon, et de nos jours à l’argent, à la valeur ou aux droits de l’Homme, autant de fictions abstraites et partagées par l’Homo Sapiens.

La menace d’effondrement qui pèse sur l’humanité pourrait la pousser vers une nouvelle croyance, de nouvelles questions existentielles qui pourraient lui faire tourner la page de l’humanisme. Quoi qu’il se passe désormais, à l’issue de cette pandémie de coronavirus, crise majeure, mondiale et totale, plus rien ne sera comme avant. À force de venir à notre rencontre à toute vitesse, le futur vient de nous percuter. La frontière entre réalité et fiction s’est brouillée, celle entre présent et futur s’est effacée. Pendant des mois, nos vies quotidiennes ont été bouleversées. Nous avons vécu au rythme des consignes officielles, mais aussi du décompte macabre des personnes infectées, puis décédées. De notre capacité à rester disciplinés et à nous entraider les uns les autres a continuellement dépendu notre salut collectif et individuel. Mais à terme, à considérer que l’atmosphère redevienne respirable, ce qui à ce jour reste l’hypothèse la plus probable, nous aurons à nous interroger sur notre modèle de civilisation. Dans son discours à la nation prononcé jeudi 12 mars 2020, le Président de la République française a posé les bases d’un virage majeur vers la défense sans ambiguïté d’un ‘’Welfare State’’ qu’en son temps Roosevelt avait bâti sans l’ombre d’une hésitation. C’est le seul choix possible en pareilles circonstances.

L’espèce humaine est incorrigible attendant la catastrophe pour réagir. C’est hélas dans les moments les plus tragiques qu’émerge la conscience de la nécessité absolue de contraindre la main invisible ; et c’est quand on le croit moribond, achevé par le libéralisme triomphant, que l’État est appelé à la rescousse. L’État qui organise, l’État qui protège, l’État qui soumet la loi de la jungle à sa propre volonté, celle de l’intérêt général. Interdépendants, reliés par une communauté de destins, les êtres humains ne peuvent plus longtemps vivre dans la défiance, l’égoïsme et le saccage économicopolitique et moral. Parce que nous pensons que le jour viendra où nous pourrons à nouveau nous toucher, nous réunir et nous embrasser les uns les autres, nous devons continuer à préparer intellectuellement les générations actuelles et futures pour un monde d’après plus altruiste et plus solidaire. Un monde fondé sur la compétition et la prédation court à sa perte. Cet adage, puissions-nous ne jamais l’oublier. En attendant de recommencer à croire au futur, parfois, revenir à l’essentiel est le meilleur des programmes politiques.

Monji Ben Raies
Universitaire, Juriste Internationaliste et politiste
Enseignant en Droit Public et Sciences politique
Université de Tunis El Manar
Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis

 

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