News - 28.04.2020

Hatem Kotrane - Covid-19: Regards sur le décret-loi du Chef du Gouvernement n° 2020-8 du 17 avril 2020, relatif à la suspension des procédures et des délais

Hatem Kotrane - Covid-19: Regards sur le décret-loi du Chef du Gouvernement n° 2020-8 du 17 avril 2020, relatif à la suspension des procédures et des délais

1. Conformément à la loi n° 2020-19 du 12 avril 2020 l’habilitant à prendre des décrets-lois dans l’objectif de faire face aux répercussions de la propagation du Coronavirus «Covid-19»(1), Le Chef du Gouvernement a adopté le 17 avril 2020 le décret-loi n° 2020-8, relatif à la suspension des procédures et des délais, aussitôt publié au JORT n°33 du 18 avril 2020.

2. L’examen approfondi de ce décret-loi montre, à l’évidence, qu’il a eu pour objectif de remédier aux inconvénients nés de la mise en œuvre des mesures de mise en confinement total, décrétées préalablement pour la prévention de la propagation du Coronavirus «Covid-19»(2).

3. L’apport de ce décret-loi est, sans doute, important tant il permet de répondre à certaines préoccupations, mises en avant dans un précédent article publié sur Leaders(3).
Cette contribution tentera de mettre en évidence l’apport de ce décret-loi et ses conséquences, consistant essentiellement en l’adoption d’un régime dérogatoire portant suspension de l’ensemble des procédures et délais échus pendant la période de confinement sanitaire général décrétée par les pouvoirs publics (I).

Toutefois, une analyse synthétique du contenu de ce décret-loi suscitera plusieurs motifs de préoccupation consistant, d’une part, en la confusion de ses termes, en raison du fait que le régime dérogatoire des procédures et délais, ainsi mis en place, est malencontreusement étendu aux actes et obligations prévus par des stipulations contractuelles, ce qui représente une menace pour les contrats et les principes de prévisibilité et de bonne foi qui les gouvernent (II).

L’autre motif de préoccupation résulte, d’autre part, du fait que le décret-loi est dépourvu de toute disposition concernant les effets mêmes des obligations, y compris les obligations contractuelles, alors qu’il eût été particulièrement indiqué de prévenir toute ambiguïté et contrariété en matière d’interprétation entre les différents tribunaux et juridictions arbitrales, lors de l’examen des différends qui ne manqueront pas de surgir en ce domaine, en reconnaissant expressément le Coronavirus «Covid-19» et les mesures de confinement sanitaire général qui en ont résulté comme un «cas de force majeure», sans égard à l’intérêt qu’il y aurait eu, en même temps, à introduire la théorie de l’imprévision, encore inconnue du droit tunisien, et ce, afin de permettre aux parties de renégocier certains des contrats qui les lient, qui pourraient être affectés à l’avenir par l’effet du même Coronavirus «Covid-19» et les difficultés qu’il pourrait entraîner quant à l’équilibre des engagement contractuel (III).

I – Portée du décret-loi: un régime dérogatoire des délais échus pendant la période de confinement sanitaire total

A - Champ d’application et objet du décret-loi

4. Le décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020 relatif à la suspension des procédures et des délais, précité, a adopté un régime dérogatoire couvrant un domaine très large et une multitude de questions relatives aux procédures et aux délais devant les diverses juridictions, et s’appliquant à toutes les relations juridiques définies par le droit des obligations civiles et commerciales, le régime juridique applicable au droit de propriété et autres droits réels, le droit du travail et de la sécurité sociale, et même les relations juridiques découlant du droit public, et autres questions couvertes par le décret-loi et qui ont conduit à référer, dans ses considérants introductifs, outre les articles 65 et 79, paragraphe 2 de Constitution, à une liste de dizaines de lois organiques, de lois ordinaires et de décrets-lois qui les régissent, couvrant presque toutes les branches du droit, y compris les principaux codes de référence, tels que le Code des obligations et des contrats, le Code du statut personne, le Code de la justice militaire, le Code de commerce, le Code de procédure civile et commerciale, le Code de commerce maritime, le Code des droits réels, le Code du travail, le Code de procédure pénale, le Code des assurances, le Code de l’arbitrage, le Code de protection de l’enfant, le Code de la fiscalité locale, le Code des droits et procédures fiscaux, le Code des sociétés commerciales, le Code des télécommunications, le Code de la douane, etc.

5. En revanche, le décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité, n’a comporté, en substance, que peu de dispositions, dont les plus importantes sont introduites par son article premier aux termes duquel : «Sont suspendus les procédures et les délais prévus par les dispositions légales en vigueur, en particulier celles relatives aux actions en justice, à leur inscription, publication et notification aux intimés, à l’intervention et actions connexes, aux recours de quelque nature que ce soit, aux notifications, préavis, demandes, notifications, mémoires de défense, déclarations, inscriptions, publicités, voies d’exécution, prescription ou déchéance d'un droit quelconque. Sont également suspendus les délais et procédures relatifs aux obligations conditionnelles et à terme.

Sont suspendus les délais et les procédures de règlement amiable, de suivi et d’exécution relatifs aux chèques.
La suspension entraîne la suspension de tous les intérêts, des indemnités de retard, et des astreintes».

6. Seuls sont exclus du domaine d’application du décret-loi précité certaines procédures pénales visées à son article 3 aux termes duquel « Les dispositions de ce décret ne s’appliquent pas aux délais d’appel relatifs aux affaires de détenus, aux délais de la garde à vue et de la détention préventive, aux procédures d’exécution concernant les personnes recherchées et aux délais de poursuite  prescription des peines», autant de questions ainsi exclues par souci de sauvegarde des droits  des détenus et d’autres intérêts généralement préservés par le Code de procédure pénale.

7. En ce qui concerne la période couverte par la suspension, elle a été déterminée par l’article 2 du décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité, comme couvrant tous les délais arrivant à échéance «…à compter du 11 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de de la publication d’un décret gouvernemental à cette fin».

Si le commencement de prise d’effet du régime dérogatoire est ainsi rattaché à une date fixe, celle du 11 mars 2020, date de la première décision présidentielle d’interdiction de circulation des personnes et des véhicules, avant l’entrée en vigueur du décret présidentiel n° 2020-28 du 22 mars 2020, précité, la fin du régime dérogatoire est quant à elle fixée «à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de de la publication d’un décret gouvernemental à cette fin»(4) .

À notre avis, il s’agit d’un mois à partir de fin de l’état de confinement sanitaire général. Et comme cet état de de confinement sanitaire général, fixé pour la première fois jusqu’au 4 avril 2020, a été prolongé plus tard jusqu’au 19 avril 2020, puis reporté encore au 3 mai 202, date à l’issue de laquelle la période de confinement sanitaire général sera suivie d’une période de confinement sanitaire « ciblée », il conviendra de ramener la période couverte par la suspension des délais, par application du décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité, comme correspondant à la période allant du 11 mars 2020 au 3 mai 2020, plus un mois, soit le 3 juin 2020, à moins que l’on retienne une période encore plus large, à savoir celle venant à expiration un mois à compter de la date de de fin de l’état de confinement sanitaire, qu’il soit général ou ciblé, qui est de nature à augmenter d’autant la période de suspension des délais, et pourrait du même coup contredire la règle générale de droit inscrite à l’article 540 du Code des obligations et des contrats selon laquelle «Les lois restrictives et celles qui font exception aux lois générales ou à d’autres lois ne doivent pas être étendues au-delà du temps et des cas qu’elles expriment.».

8. Quoi qu’il en soit, l’avantage le plus important lié à la suspension des délais telle que décidée par le décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité, consiste-t-il à réputer tout acte ou procédure visé par son article premier comme avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai n’excédant pas, à compter de la fin de la période ainsi définie, le délai légalement imparti pour agir. Il s’agit, ainsi, d’un véritable «moratoire» applicable aux délais. Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit, étant précisé que ce délai sera prorogé par une période équivalente à la durée de toute prolongation éventuelle de la date de cessation de l’état de confinement sanitaire général.

9. Il reste de bien entendu, en tout état de cause, que le décret-loi ne doit pas avoir pour objet la suppression de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans la période ainsi visée, mais de considérer comme n’étant pas tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti.

10. De même, et en tout état de cause, ne devront pas être concernés par le décret-loi portant aménagement des délais échus pendant la période de confinement sanitaire total:

Les délais dont le terme est échu avant le 11 mars 2020;
Les délais dont le terme est fixé après le délai d’un mois à compter de la fin de l’état de confinement sanitaire et de la publication d’un décret gouvernemental à cette fin.

B – Extension de la suspension des délais aux modalités de résiliation des contrats successifs et de leur renouvellement

11. Le décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité, n’a pas comporté de disposition spécialement dédiée aux contrats successifs dont le terme extinctif échoit durant la période de confinement sanitaire général et dont il est redouté qu’ils ne soient considérés comme ayant été renouvelés par tacite reconduction en l'absence de dénonciation dans un délai déterminé, à l’instar du contrat de bail, par exemple, lequel,  «… est renouvelé dans les mêmes conditions, et pour la même période », « au cas où, à l'expiration du contrat, le preneur reste en possession» (Article 793 du COC).
Toutefois, en dépit du silence du texte sur ce point précis et compte tenu des termes généraux y exprimés au sujet du report des délais, il faudra considérer tout autant que la date de notification de la résiliation des contrats a été prolongée si elle coïncide avec la période de confinement sanitaire général et jusqu’à un mois à partir de la fin de cette période et la publication d’un décret gouvernemental à cette fin.

C - Adoption d’un système spécial applicable aux voies d’exécution et aux astreintes pour manquement aux obligations contractuelles

12. S’il est clair – on y reviendra ci-dessous–  que les dispositions du décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité, portant mise en place d’un régime dérogatoire des procédures et délais échus pendant la période de confinement sanitaire n’auraient pas dû être étendues aux obligations contractuelles, il en va autrement pour les règles spéciales organisant le régime des astreintes, des clauses pénales, des clauses résolutoires, ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, lesquelles devraient être réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période de confinement sanitaire total.

13. De fait, le décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité, a prévu que la suspension des délais «…entraîne la suspension de tous les intérêts, des indemnités de retard, et des astreintes», lesquels prendront à nouveau cours et produiront leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme.
Entre temps, Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui auraient pris effet avant le 11 mars 2020 devraient être suspendus pendant la période de confinement sanitaire général.

II – Suspension des délais et confusion des termes

A – Extension de la suspension des délais aux obligations contractuelles: une atteinte aux principes de prévisibilité et de bonne foi

14. Loin de limiter la prorogation des délais aux délais légaux applicables aux actions en justice, à leur inscription, publication et notification aux intimés, aux recours de quelque nature que ce soit, aux notifications, préavis, et autres actes définis notamment par les lois en vigueur en matière de procédure civile et de voies d’exécution, l’article premier du décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité, a étendu la suspension aux «délais et procédures relatifs aux obligations conditionnelles et à terme».

Il en résulte une prorogation des délais pour la mise en œuvre des obligations contractuelles de toutes sortes alors qu’il eût été indiqué de maintenir, en principe, que celles-ci doivent être exécutées conformément aux délais indiqués par les stipulations contractuelles, y compris en particulier concernant le paiement du prix convenu entre les parties, et ce, en application de la règle selon laquelle «Les obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou dans les cas prévus par la loi» (Article 242 du Code des obligations et des contrats).

B – Pertinence des mesures spéciales pour les loyers

15. Parmi les exceptions à la matière contractuelle qui auraient dû faire l’objet exceptionnellement d’une suspension des délais et surtout des procédures d’exécution forcée et de contrainte, figurent les mesures relatives au paiement des loyers de la part de certains locataires, à savoir notamment les locataires de locaux professionnels (entreprises et commerçants) dont l’activité est affectée par la propagation du Coronavirus « Covid-19 » et qui ont été déjà couverts par le moratoire de 3 mois pour le paiement des impôts et des charges sociales et de 6 mois pour les crédits dans les mesures arrêtées par le gouvernement, ainsi que certains locataires concernés par les mesures spéciales d’aide sociales arrêtées par le gouvernement, à savoir les populations démunies, y compris les locataires étrangers reconnus en difficulté par le gouvernement.

C – Portée réelle de la suspension des délais contractuels

16. L’extension de la suspension des délais aux obligations contractuelles par l’article premier du décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité ne signifie pas, pour autant, que celui-ci supprime la possibilité d'accomplir un acte dont le terme interviendrait pendant la période de confinement sanitaire général ; ce qu'il permet, c'est de considérer que ne sera pas tardif l'acte qui sera réalisé dans le délai supplémentaire ouvert par le décret-loi. Il en résulte notamment ce qui suit :

Le paiement des obligations contractuelles n'est pas suspendu et doit intervenir à la date prévue par le contrat ;
Le décret-loi proposé aura pour effet, pour ainsi dire, de paralyser l’effet des astreintes, des clauses pénales, des clauses résolutoires, ainsi que des clauses prévoyant une déchéance en instaurant un report de terme. Ces clauses sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant l’état de confinement sanitaire total.

III- lacunes du décret-loi concernant les effets des obligations contractuelles

17. En plus de la confusion des termes ayant entaché le décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité, en raison de la non-exclusion des obligations contractuelles du moratoire sur les délais, ce décret-loi comporte des lacunes regrettables en s’abstenant de reconnaître expressément le Coronavirus « Covid-19 » comme un « cas de force majeure» (A). Mais le décret-loi a manqué, en même temps, l’occasion d’introduire la théorie de l’imprévision, encore inconnu du droit tunisien, et ce, en vue d’autoriser les parties à renégocier les contrats les liant, voire à rompre leurs relations contractuelles (B).
A- Non-reconnaissance du Coronavirus « Covid-19 » comme cas force majeure

18. Aux termes de l’article 282 du Code des obligations et des contrats, «Il n'y a lieu à aucuns dommages-intérêts, lorsque le débiteur justifie que l'inexécution ou le retard proviennent d'une cause qui ne peut lui être imputée, telle que la force majeure, le cas fortuit ou la demeure du créancier ».
L’article 283 définit, pour sa part, la force majeure comme étant «tout fait que l'homme ne peut prévenir, tel que les phénomènes naturels (inondations, sécheresses, orages, incendies, sauterelles), l'invasion ennemie, le fait du prince, et qui rend impossible l'exécution de l'obligation… ».

19. Certes, la pandémie du Coronavirus « Covid-19 » n’est pas expressément citée; mais, d’une part, les phénomènes ci-dessus cités par l’article 283 du COC, précité, le sont à titre tout à faits indicatifs et, d’autre part, cette pandémie en raison de son caractère imprévisible, parfois même insupportable et, en tout état de cause, extérieur à la volonté du débiteur, pourrait revêtir, sans difficulté, les caractères d’un cas de force majeure conformément aux dispositions de l’article 283 du COC, précité.

20. C’est justement tout l’intérêt que le décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité, adopté par le Chef du Gouvernement aurait concouru à satisfaire spécifiquement à ce sujet en levant toute équivoque à ce sujet en reconnaissant expressément le Coronavirus « Covid-19 » et les mesures de confinement sanitaire général qui en ont résulté comme un «cas de force majeure».

21. En même temps, et s’agissant des effets de la force majeure, le décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité, aurait dû résoudre la difficulté latente sur ce point et retenir une acception large qui, selon les cas, soit «…rend impossible l'exécution de l'obligation», ainsi que formulé par l’article 283 du COC, précité, soit si l'empêchement est temporaire, se limite à suspendre l'exécution de l'obligation à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat serait ainsi résolu de plein droit et les parties seraient libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 282 et 283 du COC.

22. En l’état des lacunes du décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité, à ce sujet, il reviendra en conséquence au juge de déterminer, dans chaque situation, si le Coronavirus « Covid-19 » et les mesures de confinement sanitaire général qui en ont résulté, invoqués par une partie pour échapper à ses obligations contractuelles, rendent impossible l’exécution de ses obligations par le débiteur ou se limitent à suspendre l'exécution desdites obligations, laquelle devrait alors être honorée dès après la levée de l’état de confinement sanitaire total.

B- Quel sort réserver à la théorie de l’imprévision et à la renégociation des contrats?

23. Contrairement à la plupart des systèmes qui prêtent à comparaison et qui ont progressivement intégré une conception plus objective des obligations, en place depuis longtemps en droit allemand – ainsi le code civil égyptien (Article 147), le Code civil algérien (Article 107) et le Code civil libyen (Article 147), mais également le droit français (Article 1195 du Code civil)(5) qui constitue, ici, sa première source d’influence, le droit tunisien n’accueille pas encore la théorie de l’imprévision. Or, en dehors de la seule question de la force majeure, les parties devraient être parfois amenées à renégocier le contrat les liant si un changement de circonstances imprévisible lors de sa conclusion rend son exécution excessivement onéreuse pour une partie.

24. Le décret-loi n° 2020-8 du 17 avril 2020, précité, a malheureusement manqué l’occasion de prévoir, d’une façon exceptionnelle, la possibilité pour l’une des parties à un contrat de demander sa renégociation à son cocontractant du fait de la survenance du Coronavirus « Covid-19 » et des mesures de confinement sanitaire général qui en ont résulté, si et dans la mesure où ce changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend son exécution excessivement onéreuse pour elle au point de lui causer une perte considérable. Le décret-loi aurait gagné, en même temps, à obliger la partie qui réclame la révision et la renégociation du contrat à continuer à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties devraient pouvoir convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge devrait être habilité, à la demande d'une partie, à réviser le contrat ou à y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe.

Hatem Kotrene
Professeur en droit

(1) Loi n° 2020-19 du 12 avril 2020, portant délégation au chef du gouvernement le pouvoir de prendre des décrets lois dans l’objectif de faire face aux répercussions de la propagation de la pandémie du Covid-19, JORT n° 031 du 12/04/2020.

(2) Décret présidentiel n° 2020-28 du 22 mars 2020, limitant la circulation des personnes et les rassemblements hors horaires du couvre-feu, JORT n° 24 du 22 mars 2020.

(3) Cf. Hatem Kotrane, «Quels décrets-lois pour remédier aux conséquences du confinement sanitaire total dans les relations civiles et commerciales», Leaders 11 avril 2020.
- حاتم قطران، "وباء كورونا -كوفيد 19: أي مراسيم لمجابهة نتائج الحجر الصحي الشامل على العلاقات المدنية والتجارية"،  ليدرز العربية، 13 أفريل 2020.

(4) C’est ce délai d’un moi qui a été, par exemple, retenu en France par l’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (Article 1).

(5) L’article 1195 (nouveau) du code civil français, modifié par l’Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, est une nouveauté. Il définit l'imprévision comme un changement que les parties ne pouvaient pas prévoir lors de la conclusion du contrat, rendant l'exécution de celui-ci excessivement onéreuse pour la partie au contrat subissant ce changement : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe».




 

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