News - 31.01.2020

Mohamed Larbi Bouguerra : Tuer la Palestine ou le retour au langage du colonialisme au xxième siècle

Mohamed Larbi Bouguerra : Tuer la Palestine ou le retour au langage du colonialisme au xxième siècle

Qui a dit que la politique de la canonnière d’Agadir de 1911 était morte et enterrée ?

Avec son « deal du siècle* », Donald Trump vient nous rappeler qu’il n’en est rien en s’alignant sur la droite ultraorthodoxe juive la plus radicale ! Une droite fanatique et messianique qui exulte : le deal trumpien ne laisse pratiquement aucune chance à un Etat palestinien qui les révulse !  Netanyahou est comblé : ses alliés, ces « hommes en noir » voteront ainsi pour lui le 2 mars prochain et s’il a la majorité des sièges à la Knesset, leurs députés voteront pour son immunité et pour limiter les pouvoirs de la Cour Suprême…car Israël est la seule démocratie du Moyen-Orient, mettez-vous çà bien dans la tête ! Mais le quotidien israélien Haaretz du 31 janvier 2020 relève que le deal peut jouer contre Netanyahou dans la mesure où les Arabes d’Israël se sentant menacés par ce document, risquent d’aller voter en masse aux prochaines législatives de mars. Le deal de Trump vise à diminuer le nombre d’Arabes israéliens en les éloignant dans des bandes de territoires dans le désert pour « compenser » les terres volées aux Palestiniens en Cisjordanie offertes aux colons venant de France et des Etats Unis. Un vieux rêve du raciste moldave russophone Avigdor Liberman, ancien ministre de la Défense et ancien conseiller de Netanyahou. L’historien Dominique Vidal écrit : « De 1897 à 1939, la majorité des juifs a rejeté le projet d’Etat juif en Palestine ; et si les survivants du génocide nazi n’ont eu souvent d’autre choix que d’émigrer vers Israël, sept décennies après la création de ce dernier, 10 des 16 millions de juifs du monde vivent ailleurs, sans compter que plusieurs centaines de milliers de citoyens juifs d’Israël ont quitté leur Etat… » (L’Humanité, 6 janvier 2020, p. 12).

Annexion immédiate or not annexion différée après les élections ? Les déclarations et les contre-déclarations se succèdent. L’ambassadeur américain en Israël, David Friedman, un raciste et un fanatique défenseur des colonies, y pousse. Netanyahou hésite. Benny Ganz, le challenger du Premier Ministre, est contre l’application immédiate comme les responsables de l’armée et Jared Kushner, le gendre de Trump, lui-même.  Louis Imbert note de son côté, que « l’annexion ne serait soutenue que par une minorité d’Israéliens. » (Le Monde, 31 janvier 2020).

« Il faut être deux pour danser le tango » disait Yitzhak Rabin, le premier ministre israélien assassiné par un colon juif pour avoir voulu faire la paix avec les Palestiniens. Mais Trump n’a cure des règles : le plus fort peut imposer ce qu’il veut au plus faible. Quitte à ce que son « deal du siècle » ne conduise qu’à la guerre et à l’apartheid juge l’avocat engagé Michael Sfard. (Le Monde, 31 janvier 2020). Or, la guerre, c’est tout bon pour Trump et pour le complexe militaro-industriel….même si ce dernier n’a jamais fait gagner une guerre aux Etats Unis depuis 1945 ! Ni au Vietnam, ni en Corée, ni en Afghanistan….
D’où ce spectacle surréaliste, mardi 28 janvier 2020, à la Maison Blanche- prétendument temple de la démocratie- : Trump a taillé à Israël « un plan de paix sur mesure » (Le Figaro, 29 janvier 2020, 1ère page) -sans les Palestiniens- mais flanqué de Netanyahou et d’une claque d’aficionados : des élus de son parti, des représentants de l’aile droite de la communauté juive américaine mais également des ambassadeurs des Emirats Arabes Unis, de Bahreïn et d’Oman….signant ainsi la mort du plan de paix du roi Fahd adopté par la Ligue Arabe.  Et si le locataire de la Maison Blanche ne s’est pas donné la peine d’entrer dans les détails, Pierre Barbancey note que « les références bibliques à la Terre sainte laissaient peu de place à d’improbables interprétations. » (L’Humanité, 30 janvier 2020, p. 13-14).

Le négociateur en chef palestinien Saeb Errekat affirmait mardi soir sur une télé qu’il mettait au défi Jared Kushner de prouver qu’il a écrit lui-même ce texte. Errekat affirme que ce deal est une œuvre de Netanyahou et qu’il a été déjà présenté à l’OLP. Ce qui va dans le sens de l’article de Thomas L. Friedman « Trump est-il le l’idiot au service de Netanyahou ? » dans le New York Times (28 juin 2020) qui s’interroge : « Est-ce que ce plan est à propos des deux Etats ou n’est-il qu’une diversion pour deux politiciens pourris ? » car le Sénat américain est en train de débattre de l’impeachment du Président américain et Netanyahou est inculpé de fraude, de corruption et détournement d’argent public. « Diversion par deux politiciens en difficulté, une façon d’amadouer leur électorat de droite puisque tous les deux hommes se présentent pour des réélections. Pour nombre d’analystes, le deal est mort dès sa publication. Pire, il signifie une abdication américaine de tout rôle de médiation à l’avenir » renchérit l’éditorialiste du New York Times du 30 janvier 2020. Il n’en demeure pas moins que ce deal de Trump satisfait non seulement les nationalistes israéliens mais surtout, ses donneurs juifs (comme le milliardaire des casinos Sheldon Adelson) et évangéliques et dénote une attitude bien méprisante envers les Palestiniens.

Les palestiniens sont bien seuls

« En dépit des belles paroles du texte officiel du « deal du siècle », la paix n’est pas son but ultime mais plutôt la perpétuation de la colonisation des territoires. Tel qu’il est formulé, il implique le déni de la réalisation des droits nationaux des Palestiniens » écrit Amos Harel (Haaretz, 31 janvier 2020).

Pour Robert Malley, un ancien du staff d’Obama, le message adressé aux Palestiniens est sans concession : « Vous avez perdu, il va falloir vous y habituer ».
« Les Palestiniens sont seuls » écrit l’Humanité (30 janvier 2020, p. 14). « Les pays arabes les soutiennent comme la corde le pendu ». Ils n’entretiennent même plus l’illusion, Américains et Israéliens leur ont mis dans la tête que l’ennemi est l’Iran. Israël a toujours besoin d’un ennemi. Le rapprochement  des potentats du Golfe de l’ennemi sioniste est une réalité aujourd’hui. L’Arabie Saoudite « apprécie » la démarche conjointe israélo-américaine. L’Egypte de Sissi demande aux Palestiniens un examen « attentif » et « approfondi » du texte du deal…par la grâce du commerce gazier avec Israël. Quant aux Emirats, ils l’ont même qualifié de « point de départ important » pour les négociations de paix. De son côté, Qatar a salué le plan avec un petit bémol : il veut « un Etat palestinien » avec «Jérusalem-Est pour capitale ». Ce qui est loin du deal de Trump-Netanyahou qui ne concède que le faubourg de Jérusalem d’Abou Dis.

En Tunisie, arrêtons les discours creux et traduisons devant la justice les promoteurs à la petite semaine d’Israël.

D’autant plus que les Palestiniens ne peuvent même pas compter sur l’Union Européenne estropiée par ses divisions, la montée des forces illibérales,  sa soumission à l’OTAN et à Trump. La France des droits de l’homme « salue les efforts du président Trump et étudiera avec attention le plan de paix qu’il a présenté. »

« Loi de la jungle et droit de la force » voilà ce que fait l’Europe des enseignements d’Erasme, de Kant, de Jean-Jacques Rousseau, de Voltaire et de Diderot.

Le peuple palestinien est la première victime de ce plan.

Tous les humains épris de dignité doivent refuser la résignation et se lever contre cette farce qui pour nom « le deal du siècle ».
Tuer la Palestine est une œuvre vouée à l’échec car les Palestiniens ne se laisseront pas faire : « Pour être esclave, il faut que quelqu’un désire dominer et qu’un autre accepte de servir. » disait Etienne de la Boétie.

Plus que jamais « Etat colonial », Israël doit réaliser que le colonialisme et l’apartheid n’ont plus droit de cité en 2020. Quoiqu’en dise le suprémaciste Donald Trump.

Mohamed Larbi Bouguerra

* Le titre officiel est « La vision pour améliorer la vie des peuples palestinien et israélien ». « Vision » plutôt que « plan » ou « feuille de route pour la paix » donc texte ouvert à la négociation «là où Trump se considère comme un génie » écrit l’éditorialiste du N Ce qiuiew York Times du 30 janvier 2020.
 

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