News - 20.01.2019

Porto Farina : Quand Brahim Letaief nous rend le cinéma qu’on aime

Porto Farina : Quand Brahim Letaief nous rend le cinéma qu’on aime

En pleine période de sinistrose, voilà un bon film, frais, plein d’humour, et agréable à voir qui se prescrit en antidépresseur. Dans Porto Farina, Brahim Letaief, en scénariste-réalisateur restitue dans une ambiance « chorale » d’un pittoresque village de pêcheurs, sur la route de Bizerte, l’âme profonde des Tunisiens pluriels. Des pêcheurs qui se révoltent contre un Raïs, capitaine des mers (le talentueux Mohamed Driss), despotique, les spoliant de leurs pêches et des embarcations. L’autorité du patriarche ne se limite pas au port, mais s’exerce encore plus fort au sein de la famille, décidant de tout. Y compris du mariage en seconde de noce de « son » fils, Aly (Mohamed Ali Ben Jemaa), émigré en France, déjà marié à Chantale qui ne lui donne pas d’enfants, et en quête d’un fils héritier, avec sa nièce rebelle, Sarah (Asma Othmani). Mais, le jour du mariage, tout ne s’arrange pas comme l’avait manigancé le patriarche et tourne à « la catastrophe ».

Il y a la « maman » d’Aly, Aïcha, (l’indétrônable Fatma Saïdani), la « tante » d’Aly, Monia (une Wajiha Jendoubi dans tout son art), et la mère de Sarah, Fatma « Jamila Chihi », dans les rôles principaux. Chacun de personnages bénéficie d’un traitement approfondi pour installer son propre caractère et lui donner de l’exprimer, talentueusement. Dans les autres rôles, les Mohamed Sayari, Najoua Zouheir, Riadh Hamdi, Mounira Zekraoui, Latifa Gafsi, Faouzia Boumiza, Myriam Naili, Taoufik Bahri et Moncef Azeingui, auront l’occasion de faire montre d’un jeu très subtil, ajoutant au film une note supplémentaire de fraicheur et de saveur. « Ils n'ont rien en commun, dira Brahim Letaief, sauf leur nom qui joue aussi sur le décalage entre la gravité des situations et les personnages, que les costumes trop stylés et les répliques aussi futiles que sérieusement formulées rendent ridicules et irrésistibles. »

 

Il faut dire que Brahim Letaïef a eu beaucoup de chance. D’abord, de pouvoir réunir ce casting de choix, auquel s’est ajoutée une figuration locale enthousiaste. Adoptée par la population de Porto Farina, l’équipe du tournage a en effet pu compter sur nombre de figurants, en vrai, dont des pêcheurs, une médecin, une pharmacienne... La deuxième chance, c’est de puiser dans le patrimoine local, d’habitations, de ruelles, de costumes, et du site lui-même, les ingrédients distinctifs et attractifs d’un bon film. Tant le chef décorateur, Taoufik Béhi, que la costumière, Basma Dhaouadi, en seront bien inspirés pour les mettre en avant devant les caméras prodigieuses dirigées par Mohamed Maghraoui.

Ailleurs que dans la Médina

La prouesse de Brahim Letaief est d’avoir sur marier harmonieusement le traitement de grandes questions et humour festif, agrémenté par des répliques cash, parfois crues. Pas besoin d’ambiance lourde pour évoquer la main mise sur la pêche, l’autorité patriarcale, le mariage arrangé, la stérilité et l’adoption d’enfant. Les messages passent mieux sur un ton malicieux, où le dit et le non-dit sont portés à l’écran, soutenus par l’image et une belle musique originale (de Zouheir Gouja) et dans un décor très méditerranéen. Avec Porto Farina, le cinéma tunisien sort de la médina de Tunis, avec ses maisons traditionnelles chargées de marbre et de céramique, pour emprunter le cadre d’un village très tunisien, mais aussi très méditerranéen, avec les couleurs intérieures de ses maisons et leurs ambiances. Des très fonds de la mémoire

Enfant de Kairouan, Brahim Letaief, bien que choisissant un village balnéaire pour son film, garde toujours en mémoire des images fortes de sa ville natale, de ses personnages et de ses ambiances. Il le laisse échapper, non sans bonheur, avec ces scènes de femmes d’intérieur, espiègles, aux allusions tranchantes et à l’humour décapant.

Publicitaire, dans une autre vie, Letaïef n'omet pas de soigner le pack-shot. Les dernières images du film, avec un Mohamed Driss, d'habitude très attachés à sa série de chaussures qu'il faisait cirer avec beaucoup d'attention, errait avec des godasses rouges empruntés à "son" fils Aly... Grandeur et décadence.

Le travail de fond effectué avec le concours d'Yves Comte (pour le scénario original), Sophie Houas (adaptation), Sonia Chamkhi (collaboration, et Imed Ben Hmida (dialogues) garantit à l’équipe de réalisation une bonne matière de base pour un bon film. De son côté, le producteur, Taoufik Guiga, bien que confronté à la modestie du budget, a pu réunir de bonnes conditions de tournage pour tous. Du coup, ce fut une véritable fête, tant pour l’équipe du film que pour les habitants de Porto Farina. Cette ambiance, chaleureuse et conviviale, a imprimé naturellement le tournage, s’exprimant à travers le jeu des acteurs. 

Brahim Letaïef voulait avoir un « film choral où les personnages, à la manière des choristes d’un orchestre, forment un tout dont aucun ne se détache vraiment. » Il y a réussi. 

Taoufik Habaieb

 
 
 
 

 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Ben yahia - 20-01-2019 23:43

Bonsoir, Je considère que le titre « porto Farina » ne reflète en rien le scénario du film. Très déçu par le contenu, le script grossier et l’histoire en elle même. Pas besoin de coller un nom géographiquement historique sur un scénario aussi banal . Ce film est socialement adaptable à toutes les régions de la tunisie, voir à toutes les sociétés archaïques. Porto farina a une histoire et des hommes qui l’ont constrite. De Charles Quint en 1535, aux corses avant la guerre et aux maltais qui y ont séjourné . C’est cette histoire sociale que nous attendions à découvrir , ce mélange de civilisations dans cette région très peu connue par nous tous et par nos jeunes.D’où viennent ces pêcheurs? Comment ont-ils vécus ensemble dans la divergence des cultures, comment ils se sont construits une vie ,qu’elle est leurs particularité.? Quand les films tunisiens se détacheront-ils des grossièretés?. A quand les films qui instruisent nos tunisiens sur l’histoire ne notre peuple dans ses plus profondes origines . Quant se détacheront-ils de la décadence sociale?•

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