Opinions - 05.06.2015

Balkanisation du Moyen-Orient: Arabes, réveillez-vous!

Balkanisation du Moyen-Orient: Arabes, réveillez-vous!

Une nouvelle géopolitique

Remise en cause du modèle économique dominant, crispations identitaires et nationalistes, aspiration des peuples à la liberté et à la gouvernance démocratique, restructuration en cours du monde arabe, ruptures technologiques, surprises stratégiques, rivalités et tensions croissantes entre Etats, course à la sécurisation des ressources énergétiques et minérales, démographie galopante(1) , exigences environnementales, retour en force du religieux, fragmentation des continents, exacerbation des menaces transnationales (terrorisme et organisations criminelles transnationales) sont autant de marqueurs de la fin d’une époque, sans pour autant être en mesure d’esquisser les contours du monde à venir. Antonio Gramsci soulignait : « le vieux monde se meurt. Le nouveau monde tarde à paraître. Et dans ce clair-obscur, les monstres surgissent ».

Plus globalement, l’accélération de l’histoire et la fluidité du monde bousculent les schémas de pensée hérités de la fin de la guerre froide et devenus, face au chaos, inopérants.
Le conflit syrien, la guerre civile en Ukraine, les événements au Venezuela, la fragmentation du monde arabe (Irak, Syrie, Yémen, Libye, etc.), la poussée de fièvre en mer de Chine méridionale, etc. sont révélateurs de l’exacerbation des rivalités entre les puissances occidentales visant à maintenir les Etats-Unis en tant que moteur de la transformation du monde et les forces émergentes œuvrant à l’avènement d’un monde multipolaire (Chine, Russie, Inde, Iran, Brésil, etc.). Les rivalités s’exacerbent au fur et à mesure que la concurrence s’aiguise et que les rapports économiques s’inversent : la tendance est à l’érosion du leadership américain et « la bagarre multipolaire » est engagée selon les propres termes d’Hubert Védrine. Ces pôles de puissance portent chacun une vision du système international qu’ils entendent imposer en fonction de leurs intérêts stratégiques et de leurs propres agendas. Ils bâtissent des projections géopolitiques d’envergure et des représentations collectives de l’avenir.

La stratégie des Etats-Unis

Aujourd’hui, conscients de la véritable menace, les Etats-Unis mettent en place une stratégie destinée à contenir, voire briser la montée en puissance de la Chine, jugée l’adversaire prioritaire à l’horizon de deux décennies.
Selon les stratèges américains, si la Chine se hisse au tout premier rang des puissances, par la combinaison de sa croissance économique et de son indépendance géopolitique et militaire, tout en conservant son modèle confucéen à l’abri des manœuvres subversives occidentales, alors la suprématie des Etats-Unis sera décisivement affaiblie.Dans ce contexte, la guerre humanitaire (ingérence humanitaire puis responsabilité de protéger), les futures pressions environnementales et la guerre contre le terrorisme islamiste constituent les nouveaux axes d’intervention servant à masquer les buts réels de la grande guerre eurasiatique : « la Chine comme cible, la Russie comme condition pour emporter la bataille ».
La Chine comme cible car elle seule est en mesure de dépasser l’Amérique dans l’ordre de la puissance matérielle (économique et militaire) à l’horizon de vingt ans. La Russie comme condition car de son orientation stratégique découlera largement l’organisation du monde de demain : unipolaire ou multipolaire.
Les Etats-Unis ont opéré un redéploiement géopolitique sur l’espace eurasiatique et se heurtent de plein fouet aux puissances continentales russe et chinoise qui, pour leur part, renforcent significativement l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). En dépit d’une méfiance réciproque prenant racine dans le temps long de l’histoire, l’arrogance occidentale a précipité le balancier stratégique russe vers Pékin. Apaisement aux frontières, renforcement de la coopération militaire, signature d’accords économiques (notamment dans le domaine énergétique), imbrications plus nette de leurs projets régionaux (routes de la soie, projets de train à grande vitesse reliant Pékin à Moscou, etc.) constituent autant de marqueurs du tropisme de Moscou pour Pékin : le basculement de la Russie vers l’Est est en cours.
Dans ce cadre, quelques axes structurent la pensée géopolitique des Etats-Unis, en toute fidélité à la pensée des pères fondateurs de leur géopolitique:

  • Empêcher la Chine d’accéder au rang de première puissance mondiale à l’horizon de deux décennies par une stratégie d’encerclement (alliés traditionnels en Asie, renforcés par le déploiement de nouvelles bases militaires en Australie et en Nouvelle Zélande), le contrôle de sa dépendance énergétique et la remise en cause de l’équilibre nucléaire (projet de bouclier antimissile). La répartition des bases militaires occidentales révèle l’édification d’une ceinture qui cerne la Russie et la Chine et qui verrouille, à l’image d’une garde prétorienne, le plus grand réservoir mondial d’énergie : le Moyen-Orient.
    Selon les projections de l’AIE(2) (cf. rapport de novembre 2012(3)), la production de brut des États-Unis dépassera celle de l’Arabie Saoudite en 2020, grâce au gaz de schiste. Les États-Unis qui importent aujourd’hui 20% de leurs besoins énergétiques deviendraient quasi autosuffisants à l’horizon 2035. Dans ce contexte, si les États-Unis cherchent à contrôler le Moyen-Orient, ce n’est guère pour leur propre approvisionnement, puisqu’ils s’y approvisionnent de moins en moins (aujourd’hui, le continent africain pèse davantage dans leurs importations), mais ils cherchent plutôt à mieux contrôler la dépendance énergétique des puissances rivales, notamment asiatiques. De ce fait, le remodelage du Moyen-Orient et la déstabilisation durable de cet espace sont parfaitement acceptables par les stratèges américains;
  • Contenir la puissance russe et la recentrer à l’intérieur de la Fédération de Russie. La déstabilisation de l’Ukraine, dans le prolongement de la révolution orange de 2004, poursuit cet objectif. Elle répond également à la fermeté de la Russie en Syrie : les deux crises sont indissociables;
  • Transformer le Moyen-Orient dans l’intérêt des Etats-Unis et d’Israël. L’émiettement selon des lignes ethniques, confessionnelles et communautaires des sociétés arabes en une pluralité d’Etats faibles, souvent en opposition les uns aux autres, vise à évincer d’abord la Russie et la Chine et à permettre le redéploiement des Etats-Unis ; c’est chose faite en Libye, voisinage immédiat de la Tunisie ;
  • Consolider le grand bloc transatlantique, étendu aux frontières de la Russie et de la Chine et englobant la périphérie méditerranéenne. C’est dans ce cadre que doit être analysée la politique de « globalisation de l’OTAN ».

Dans cette partie d’échec ayant pour échiquier les vastes étendues eurasiatiques, la menace terroriste, la rhétorique amalgamant islam et terrorisme, alors même que ce dernier frappe principalement les seules populations musulmanes, se substituent à la menace communiste et visent à légitimer les interventions militaires et le déploiement de forces par souci de tenir en échec toute percée russe, toute volonté de puissance de la Chine. Il ne s’agit certes pas de nier la réalité d’authentiques jihadistes mus par la volonté de lutter contre l’Occident impie attaquant les terres d’islam ou voulant restaurer le Califat, mais de ne pas s’en contenter. Il est utile de prendre en considération les stratégies secrètes d’acteurs divers poursuivant des intérêts loin de toute foi religieuse, encore plus de l’islam. Ainsi, la menace terroriste, réelle et représentant un danger, est instrumentalisée par des puissances étrangères poursuivant des objectifs supérieurs. Un cercle vicieux est ainsi enclenché où la guerre contre le terrorisme, souvent à géométrie variable, déclenche encore plus de terrorisme justifiant ainsi l’extension du déploiement militaire occidental. A titre illustratif, un rapport déclassifié de la Defense Intelligence Agency (DIA) américaine rendu public fin mai 2015 et datant du mois d’août 2012 précisait que les Etats-Unis et leurs alliés opposés au régime syrien auraient intérêts à l’émergence, en tant qu’atout stratégique, d’un Etat islamiste de tendance salafiste à cheval entre la Syrie et l’Irak afin de déstabiliser Damas et d’accroître la pression sur l’axe chiite réfractaire. Comment concevoir, stratégiquement, qu’une attaque sur Ramadi et Palmyre menée par des colonnes de picks-up et de blindés avançant à découvert sur de vastes étendues désertiques puissent échapper à la formidable capacité de destruction de la coalition menée par les Etats-Unis et dotée des moyens militaires et ISR les plus sophistiqués au monde ? Comment concevoir l’appui à peine voilé de puissances occidentales et de la Turquie à Jabhat Al Nosra, qualifiée aujourd’hui de rebelles modérés, alors qu’elle se revendique ouvertement d’Al Qaida, organisation terroriste hier érigée en ennemi public numéro un ? Comment comprendre l’opération Serval menée par la France au Mali et étendue au Sahel au nom de la lutte contre le terrorisme alors que Paris apporte son soutien à des extrémistes djihadistes en Syrie, en Irak, etc. Telles sont les contradictions apparentes de l’Occident bousculé par la nouvelle fluidité des rapports de puissance à l’échelle planétaire!

Le monde arabe, la ceinture verte à reconfigurer

Les révoltes sociales et politiques qui ont éclaté en 2011 dans les pays arabes ont ouvert la voie à une ouverture démocratique et, sans doute, à un aggiornamento arabe. A la faveur de la révolution populaire tunisienne qui a réalisé la première brèche dans le mur Sud Méditerranéen, le statu quo est irrémédiablement mis en cause. La révolution portait la promesse d’un nouvel ordre régional : l’onde de choc a retenti dans tous les peuples du Maghreb et du Machrek. Le problème de la démocratisation est désormais posé de manière irréversible et de plus en plus forte à l’intérieur des sociétés arabes. Cette aspiration, parfaitement légitime, vise sans nul doute à inscrire le monde arabe dans la réalité de son temps. C’est un progrès manifeste. Pour autant, est-elle suffisante afin d’apporter des explications satisfaisantes aux grands bouleversements reconfigurant cet espace si singulier. Certainement pas ! Ce monde arabe, idéalisé, est au bord du chaos ouvrant la brèche à toutes les régressions. Fragmenté, miné par les rivalités et les archaïsmes, il en porte une lourde responsabilité : « si nous avons été colonisés, c’est parce que nous étions colonisables ! ».

L’affaiblissement des Etats du Machrek (Syrie, Liban, Irak, etc.) à travers la réactivation de solidarités tribales, ethniques, religieuses et communautaires dont l’EIIL(4) puis Daesh ne constituent qu’une manifestation, ajouté à la désagrégation libyenne et à celle d’un certain nombre de pays africains, notamment au Sahel, témoigne de l’usure de l’ordre européen construit entre le Congrès de Berlin(5) et la fin de la seconde guerre mondiale. La reconfiguration du monde arabe et islamique, même si elle obéit à des dynamiques endogènes dictant une analyse par différenciation, est appuyée, pensée et conceptualisée par les puissances occidentales, notamment les Etats-Unis, afin de sauvegarder leur leadership face à la montée en puissance de pôles récalcitrants (retour en force de la Russie et renforcement de la puissance chinoise). Arnold Toynbee, historien britannique, affirmait déjà en 1922 qu’il n’y avait pas de question d’Orient mais exclusivement une question d’Occident en Orient.

Les crises risquent ainsi de se multiplier sur fond d’exacerbation des rivalités entre puissances extérieures (Etats-Unis, Chine, Russie et dans une moindre mesure France, Grande-Bretagne), puissances régionales (Arabie Saoudite, Egypte, Qatar, Iran, Syrie, Israël, Turquie, etc.) et acteurs locaux (Sunnites, Chiites, Alaouites, Druzes, Chrétiens, Kurdes, etc.) pouvant déboucher sur une rupture majeure : une redéfinition, en fonction des rapports de force, des frontières des Etats du Moyen-Orient selon des lignes confessionnelles et religieuses, les clivages politiques épousant de plus en plus étroitement les appartenances communautaires. Une telle dynamique signifierait la fin de l’ère découlant des accords Sykes-Picot du 16 mai 1916 scellant le partage de l’empire ottoman.
Le déclenchement le 9 juin 2014 par le mouvement Daesh de l’offensive militaire contre le régime irakien chiite de NouriMaliki révèle la détermination et l’ampleur de la stratégie occidentale de remodelage du théâtre moyen-oriental, s’appuyant sur le concept de « chaos constructif ». Les objectifs principaux sont les suivants:

  • L’évincement des puissances rivales, notamment la Chine et la Russie. Ces dernières renforçaient significativement leurs positions menaçant à terme le projet américain ;
  • La légitimation politique des forces islamistes modérées. Contrairement à une idée répandue, les Frères musulmans et les néoconservateurs américains convergent sur de nombreux objectifs stratégiques dont la globalisation et l’économie libérale de marché et le morcellement du monde arabe. Niant la légitimité de l’Etat territorial, ils militent  pour l’avènement de l’Etat communautaire islamique transcendant les frontières ;
  • Favoriser le règlement du conflit israélo-palestinien conformément aux intérêts supérieurs d’Israël. De plus, la dislocation et l’émiettement des Etats arabes garantit de facto l’hégémonie et la survie d’Israël sur le long terme ;
  • Contrôler les ressources énergétiques de la région, notamment les nouveaux gisements en Méditerranée orientale.Dans cette logique, le contrôle de la zone Syrie-Liban est considéré stratégique ;
  • Briser l’axe chiite réfractaire comprenant l’Iran, l’Irak, la Syrie et Hezbollah.

La stratégie occidentale débute avec « l’opération Syrie ». Elle tire les conséquences des échecs subis en Afghanistan, en Irak et lors de la guerre israélienne contre Hezbollah au Liban en 2006. Le projet de remodeler le Moyen-Orient par une politique de « chaos constructif » fut élaboré durant les années 1990 puis exposé par George Bush II lors d’un discours prononcé le 26 février 2003, dans les jours précédant l’invasion de l’Irak. Connue sous le nom d’« Initiative du Grand Moyen-Orient » (Greater Middle East Initiative), cette doctrine vise le remodelage du Grand Moyen-Orient regroupant un vaste ensemble allant du Maroc à la frontière chinoise, incluant les pays arabes, Israël, la Turquie, l’Iran, l’Afghanistan et le Pakistan.

Diverses études stratégiques ont théorisé cette approche

  • Le plan israélien de remodelage du Proche-Orient, dit plan OdedYinon (analyste du ministère israélien des Affaires étrangères) préconisait, dès 1982, le démantèlement des Etats arabes. Le plan se focalisait sur les principaux Etats arabes en répertoriant leurs vulnérabilités et les forces centrifuges à mobiliser afin d’engendrer une dynamique de fragmentation. Yinon souligne : « La décomposition du Liban en cinq provinces préfigure le sort qui attend le monde arabe tout entier, y compris l’Egypte, la Syrie, l’Irak et toute la péninsule arabe » ;
  • Après la chute du bloc soviétique, ZbigniewBrzezinski réactualise la théorie en s’inspirant du principe de « l’arc de crise » (zone géopolitique allant de l’Egypte au Pakistan) de l’islamologue britannique juif Bernard Lewis. Il préconise une stratégie « islamiste » dans la zone d’influence russe allant de la Turquie à l’Afghanistan, proposant de « balkaniser » le Moyen-Orient en vue d’aboutir à la création de mini Etats pétroliers faciles à contrôler. De la même manière, établir des régimes islamistes en Afrique du Nord permettrait d’ériger un autre rempart entre l’Europe et l’Afrique-Asie ;
  • Michael Collins Piper, écrivain américain, abordait en 2004 la problématique de la déstabilisation et de la « destruction créatrice » du Moyen-Orient dans son livre « The high priests of war ». Il souligne : « La guerre contre l’Irak est menée à des fins beaucoup plus larges qu’un simple changement de régime ou une neutralisation des armes de destruction massive ; elle relève d’un objectif global visant à assurer aux États-Unis la domination mondiale ; il ne s’agit que de la première étape d’un plan de longue durée et de grande envergure visant à déployer des frappes encore plus agressives contre l’ensemble du Moyen-Orient afin de « refaire le monde arabe pour assurer la survie et élargir la puissance de l’état d’Israël » ;
  • Dans son édition de juin 2006, la revue militaire américaine Armed Forces Journal publie un article, signé par le lieutenant-colonel de réserve Ralph Peters, dont le titre est significatif: «How a better Middle East would look» (A quoi pourrait ressembler un meilleur Moyen-Orient). Selon Ralph Peters, un ancien spécialiste du renseignement et membre du think tank néoconservateur Project for the New American Century(6), les nouvelles frontières « doivent être remodelées en fonction de critères ethniques et confessionnels ». Cette carte dessinant de nouvelles «frontières de sang» a alimenté de nombreux débats et polémiques. Les événements intervenus au Liban, en Syrie et en Irak (avancée et ancrage de Daesh en dépit de la constitution d’une des plus puissantes coalition de l’histoire: 60 Etats dont 22 Etats dotés des moyens militaires, ISR et technologiques les plus sophistiqués) témoignent du lancement de l’initiative qui s’inscrit dans la longue durée, moyennant des ajustements probables au fil du temps. La contre-offensive Russe et chinoise, la résistance inattendue de certains pouvoirs, à l’image du régime syrien, le jeu toujours imprévisible des peuples et des minorités, la persistance de l’arc chiite réfractaire, l’imbrication des différentes confessions constituent des obstacles d’inégale portée. Comme le souligne la revue Diplomatie dans son éditorial, «cette vision du Moyen-Orient, considérée par beaucoup de spécialistes comme inutilement polémique, semble pour ce qui concerne l’Irak et la Syrie s’inscrire désormais dans une réalité géopolitique durable. L’avancée spectaculaire de Daesh, l’état d’impréparation des militaires irakiens et l’absence réelle d’aide américaine risquent en effet de consacrer rapidement la vision de Peters d’un Irak idéal»(7) .
  • Nathan Sharansky, auteur de l’ouvrage « The case for democracy, the Power of freedom to overcometyranny and terror » paru en 2006, concevait le monde arabe non point comme un ensemble de nations et d’États, mais sous le prisme d’un patchwork d’ethnies, de tribus et de confessions artificiellement réunies. Il préconisait, par conséquent, l’exploitation de ces lignes de faille dans une stratégie baptisée « déstabilisation constructive». Aux côtés de Bernard Lewis et de Samuel Huntington(8) , Nathan Sharansky est l’un des principaux théoriciens du Grand Moyen-Orient. C’est ainsi que la stratégie américaine visant à remodeler le monde arabo-musulman a reçu pour nom de code celui de « Chaos créatif » (Fawdhâkhallâqa);
  • Dans son édition du 28 septembre 2013, le New York Times évoque un projet de partition du Moyen-Orient toujours selon des lignes confessionnelles, religieuses et ethniques s’étendant cette fois à la Libye. Les 5 Etats suivants seraient subdivisés en 14 entités: la Syrie, l’Irak, l’Arabie Saoudite, le Yémen et la Libye. Il convient de noter des convergences avec le projet de Ralph Peters tout en incluant de nombreux ajustements : l’extension au Maghreb à travers l’implosion de la Libye et la restriction du champ géographique épargnant la Turquie, l’Iran, le Pakistan, l’Afghanistan, etc. C’est le plan Robin Wright;

La géopolitique du Maghreb et de la Tunisie ne peut être appréhendée dans toute sa complexité sans tenir compte des évolutions géopolitiques qui bouleversent les rapports de force à l’échelle planétaire et au Moyen-Orient. La stratégie occidentale d’éviction des puissances rivales à travers la balkanisation de ce théâtre et l’instrumentalisation de la menace terroriste s’étend à la sphère maghrébine. L’implosion de l’Etat libyen plongeant le pays dans une phase chaotique hypothéquant son avenir et sa souveraineté illustre cet état de fait tout en menaçant le processus démocratique tunisien.Face aux contradictions de l’Occident, jusqu’à quel point pouvons-nous avoir foi en la loyauté de nos partenaires occidentaux dans leur soutien à la jeune démocratie tunisienne s’érigeant en modèle ? Telle est la grande question ! Dans l’attente, il est de notre devoir de soulever leurs propres contradictions.

Tunis, le 5 juin  2015
Mehdi Taje
Géopoliticien et prospectiviste, spécialiste du Maghreb et du Sahel
Directeur de Global Prospect Intelligence

(1) 7 milliards d’humains aujourd’hui, 9 milliards en 2050.
(2) Agence Internationale de l’Energie.
(3) AIE, World Energy Outlook, décembre 2012, consultable au lien suivant : http://www.worldenergyoutlook.org/media/weowebsite/2012/exsum/French.pdf.
(4) Etat islamique d’Irak et du Levant ou Daesh.
(5) 15 novembre 1884-26 février 1885.
(6) Ce ThinkThank était au cœur de l’Administration de Georges Bush.
(7) Diplomatie, N°69, juillet-août 2014, p3.
(8) Connu pour avoir théorisé le choc des civilisations.
 

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