Questions à ... - 02.04.2015

Pourquoi notre PIB enregistre pour la 4e année consécutive une très faible croissance ? (2e Partie)

La vraie solution ou objectif de la période devrait être « La pleine économie » ? (2e Partie)

Pourquoi la pleine économie que la Tunisie aurait dû réaliser ne s'est jamais réalisée ?

Nous avons toujours manqué de se fixer de vrais objectifs. Sur plus d’un siècle de temps nous n’avons jamais pu réussir à asseoir dans notre pays une économie de pleine et de durable richesse, de plein emploi.

Certes, de grands progrès vers l’émergence d’une telle économie ont été réalisés. Nos avancées en infrastructures matérielles et immatérielles dans tous les domaines, nos multiples ressources, ainsi que nos riches expériences, tant celles ratées que celles réussies, étaient des atouts réels pour la convergence vers une économie solide, stable, et prospère.

A contrario ; les cultures de la suffisance, de la rente et des quotas, du non bien fait, nous ont envahi. Et les résultats nous les voyons et palpons. Du Tourisme à la Banque, du public au privé, de l’éducation à la formation, de l’Agriculture au Commerce, tous les métiers ou presque, toutes les professions, sont à reformer et à restructurer. Le secteur informel qui a émergé est la preuve même que l’économie réglementée n’est plus nourricière.

D’une économie martyre nous sommes passés à une économie figée.

L’adjectif ‘figée’ utilisé par la Banque Mondiale caractérise-il fidèlement l’économie tunisienne?

Figée ; non, réellement je ne le pense pas. Le FMI vient d’ailleurs, lors de sa récente visite des 2 et 3 mars, de saluer la grande résilience de notre économie.

Qualificatif pour qualificatif, c’est plutôt l’attribut ‘Freinée’ qui me parait adéquat. Il caractérise bien les aspects qualitatifs de l’économie comportementale qui nous ont gagnés : la suffisance, les quotas, le manque de confiance, le nivellement par le bas et par l’incompétence, l’informel.

Mêmes nos propres systèmes et équations financières quantitatives favorisent le freinage.

Quand, de 1998 à 2013, 15 ans, la répartition des crédits est toujours restée autour de 38% pour l’industrie, 6% pour l’agriculture et 56% pour les services ; aucun analyste mondial sérieux ne dira de notre économie qu’elle est dynamique.
Quand le financement de notre économie en crédits bancaires est plafonner à seulement 60% ou 70% de notre PIB c’est que la marge de progression, pour faire de la croissance, existe et est certaine.

Quand nous sommes en déficit de couverture bancaire, un manque dans les milliers d’agences bancaires, c’est que l’économie tunisienne n’est pas sur-bancarisée comme l’on pourrait le penser. C’est que l’attitude restrictive en termes d’octrois d’Agréments bancaires n’est pas justifiée.

Bien au contraire, nous avons grand intérêt à favoriser les implantations des nouvelles banques de toute vocation ou tailles soient-elles. Partout sur les places internationales, il y a des banques islamiques, foncières, des banques de toute spécificité et ancrage. Des banques d’affaires, en nombre, actives et agissantes. Vous trouverez même des banques à une ou à de deux agences.

Réformer l’économie c’est réformer nos attitudes. Voir loin avec force et ambition. Réformer c’est capitaliser sur le cumul de nos expériences, nos innombrables acquis et atouts, nos solides et ancestrales amitiés. Croire en nous et puis travailler.

M. Laurent Gonnet, spécialiste à la Banque mondiale du secteur financier pour la région Mena, a indiqué récemment (Agence TAP) qu’il existe un déficit en matière de crédits alloués à l’économie en Tunisie, évalué à 10 milliards de dollars (19,37 milliards de dinars)

Nous devons augmenter les crédits à 100% du PIB. C’est bien qu’un tel objectif trouve écho auprès de la Banque Mondiale.

Toutefois tout en saluant et tout en approuvant le fond de la déclaration de Monsieur Gonnet, je ne sais pas comment il est arrivé à 19,3 milliards. 100% du PIB tournerait autour d’une taille de l’ordre de 29 milliards de dinars et non 19 milliards de dinars.

Une telle enveloppe, de 29 milliards de dinars par an, devrait être injectée prioritairement pour financer l’économie rurale dont nous avons besoin.

Mais ; en concomitance, la supervision bancaire doit se réformer. Elle doit se faire rigoureuse. Accepter des taux de créances non productives de l’ordre des 16% et des 20% est tout juste insensé, inacceptable.

Rappelons-nous que de tels taux nous ont déjà menés à la crise budgétaire, sociale, des années 80. 

Un mot sur les banques publiques à recapitaliser

La recapitalisation est techniquement nécessaire. Sinon ; ça sera la mise en faillite. Auquel cas la dissolution de bilans tels que ceux de la STB ou de la BNA serait plus couteuse pour les tunisiens que ne le serait la recapitalisation.

Mais aussi allonger un milliard de dinars, de fonds de contribuables, sans des engagements pour de réelles et sérieuses réformes, de retour aux bénéfices, serait irresponsable et non respectueux des intérêts des tunisiens.

La solution est donc dans la vraie réforme. Et la vraie réforme se fait d’abord dans la vision et dans les objectifs. La réforme ne se fait pas par le parler, le rassasier, le tourner en rond.

A cet effet ; mettons nous d’accord pour dire que c’est d’une grande Agence pour l’Entreprise que l’économie tunisienne a d’abord besoin. Une Agence qui regroupera tous les organes d’appuis existants.

La STB et la BNA, formeront alors son nécessaire bras bancaire.

La recapitalisation aura alors un sens économique et national. Les deux banques mères du secteur y seront dans leur élément de la mission publique. Elles auront de nouveaux objectifs ciblant l’Entreprise. Auront une deuxième vie pour bien faire.

La nouvelle Agence publique s’en trouvera renforcée pour réaliser ses objectifs en soutien et en création d’Entreprises. En formulation de règles et de Lois pour l’assainissement du climat des affaires.

Créations, soutiens, d’entreprises. Emplois.

Tunis, mars 2015.

Mohamed Abdellatif Chaïbi
Banquier, Statisticien ISUP - Paris

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