Opinions - 02.03.2015

Gérer et éduquer à la gestion des risques naturels

Gérer et éduquer à la gestion des risques naturels

Les conséquences des inondations désastreuses dans la région de Jendouba invitent à réfléchir aux moyens de prévenir, de se préparer et de gérer les risques naturels.
Comment gérer ce risque ? Une éducation à la gestion des risques naturels n’est-elle pas nécessaire ?
Pour aider les décideurs, les planificateurs, les aménageurs et aussi les populations gérant l’espace géographique, l’étude des catastrophes et risques naturels s’est donnée pour objectifs de limiter les dégâts, qu’ils soient matériels ou humains, et de chercher l’efficacité dans la réponse des groupes sociaux exposés aux risques. La réalisation de ces objectifs devrait forcément passer par deux étapes inéluctables et complémentaires en prenant en compte plusieurs paramètres qui entrent en jeu que ce soit dans le déclenchement, les mécanismes, les manifestations ou l’impact des risques naturels. Ces deux étapes sont successivement l’évaluation et la gestion.

Evaluer les risques naturels

L’évaluation des risques précède la gestion et prend en considération les éléments suivants:

- L’étude des processus et des mécanismes physiques afin de préciser les origines et les formes de manifestation. A titre d’exemple, les inondations peuvent avoir plusieurs causes et diverses manifestations.

- Pour les critères de définition d’un risque, les spécialistes utilisent:

  • La fréquence et l’intensité : ce sont deux critères distincts mais ils sont évoqués ensemble. La fréquence exprime le caractère temporel de la manifestation du risque, c’est-à-dire la période (moyenne) qui sépare deux manifestations successives dans le temps ou encore le nombre de manifestations probables pendant une période donnée. L’intensité exprime la violence de la catastrophe.
  • Les deux échelles spatiale et temporelle qui expriment l’aire affectée et le temps écoulé entre le début et la fin de la manifestation de la catastrophe.
  • L’ampleur ou l’impact, c’est-à-dire les effets engendrés (dégâts matériels, victimes humaines et/ou animales, dommages économiques, traumatisme psychique, changements morphologiques dans la topographie des paysages...).

Mais il s’avère intéressant de signaler qu’une catastrophe, c’est-à-dire un risque devenu réalité, ne vient jamais seule car des facteurs amplificateurs ou des facteurs d’auto-amplification peuvent intervenir que ce soit au cours de la manifestation du processus ou après.
La vulnérabilité de la société (les genres de vie, l’état de l’habitat) et la vulnérabilité technologique du lieu sinistré (centrales nucléaires, canalisation de gaz…) aggravent considérablement certains risques dits naturels.

Il est aussi des risques associés qui sont loin d’être négligeables dans l’amplification des effets des catastrophes. Les exemples sont ceux des glissements qui accompagnent les séismes et les pluies diluviennes.

L’approche des risques naturels doit être systémique pour pouvoir tenir compte de tous les facteurs qu’ils soient directs ou amplificateurs car l’oubli ou la sous-estimation de l’un des facteurs peut avoir des répercussions néfastes sur la gestion du risque.

Gérer les risques naturels

Gérer un risque c’est se préparer à l’affronter pour prévenir ses effets. La gestion débouche ainsi sur une politique d’aménagement. Mais la gestion est une opération à la fois difficile et délicate puisqu’elle passe par plusieurs étapes dont la première est la perception du risque.

  • Percevoir un risque est un problème : il n’est pas aisé de percevoir un risque car le seuil de perception d’un événement extrême est un fait subjectif, variable d’une époque à l’autre, d’un groupe à l’autre et d’une personne à une autre. Une secousse tellurique de faible magnitude n’est pas perçue par tout le monde, ni d’ailleurs de la même façon. Généralement, les gens au repos la perçoivent mieux que les gens en activité.
  • La cartographie et le zonage des lieux à risques ont pour objectif la localisation et la détermination de l’aire d’action en cas d’intervention. Le but recherché est l’efficacité et la rapidité d’intervention en vue d’atténuer les effets des catastrophes naturelles.
  • La prévision: c’est l’action de prévoir c’est-à-dire se représenter à l’avance ce qui doit arriver. Elle suppose l’idée de calcul et de pronostic.
  • Prévoir une catastrophe naturelle c’est prédire l’instant et le lieu où elle se produira. C’est un exercice qui relève idéalement du raisonnement scientifique, mais qui a bien souvent consisté en une extrapolation de faits d’observation reliés par des logiques qui doivent beaucoup à l’empirisme.
  • La prévention : c’est l’ensemble des mesures prises pour prévenir un danger, un risque. Prévenir quelque chose c’est l’empêcher de se produire en prenant les précautions et les mesures nécessaires. Prévenir une catastrophe c’est prendre des mesures qui minimiseraient ses effets. C’est par exemple construire des maisons qui résistent aux séismes et aux typhons, c’est bâtir des digues qui évitent les inondations...Mais face aux risques naturels, la prévision n’est pas toujours possible et rien ne garantit sa précision. L’important est d’essayer de réduire les risques. Il est donc indispensable de prendre des mesures de prévention avant le déclenchement des catastrophes, car «prévenir vaut mieux que guérir», dit un adage populaire.

Eduquer à la gestion des risques naturels

La conception actuelle de la gestion des risques intègre l’ensemble des dimensions dans une perspective systémique. Cette conception se dégage de la théorie des risques naturels en géographie qui fournit un cadre temporel et une grille explicative dans lesquels sont pris en considération les divers aspects des problèmes inhérents aux risques posés aux sociétés ainsi que les relations complexes existant entre les composantes du risque, du danger, de la crise et de la gestion.

Cette théorie incite à ce que l’analyse du risque soit systémique et la recherche des mécanismes responsables soit faite avant le déclenchement de la crise, comme le voudrait une gestion globale et préventive du risque.

L’éducation à la gestion prend ainsi en compte à la fois la dimension négative des risques (elle contribue donc à leur prévention) et surtout, sa dimension positive (agir pour se préparer à leur faire face). Elle s’adresse à la personne dans sa globalité, mobilise savoirs, croyances, comportements, interactions avec l’environnement tant physique qu’humain non pour dire ce qu’il faut faire, mais pour que cette personne soit en capacité de choisir, autant que possible, ce qu’elle estime le plus favorable à sa vie et à celle des autres.

Dans le cadre scolaire, l’éducation à la gestion des risques peut être considérée comme un processus pédagogique qui vise à développer chez les élèves un ensemble de connaissances, d’attitudes et de compétences dans le but de les aider à maintenir ou modifier des comportements liés à leur vie. Elle vise à aider les personnes à se construire une image positive d’elles-mêmes et de leur vie afin d’éviter les comportements présentant un risque. Elle repose sur des méthodes et techniques qui permettent d’apporter l’information à l’individu sous une forme qui soit appropriable, sans le stigmatiser ni le culpabiliser.

L’éducation pour la gestion des risques naturels est donc sous-tendue par une réflexion éthique. Elle est une composante des actions de promotion de la vie.

Ce point de vue s’inscrit dans un cadre théorique d’apprentissage  constructiviste. Selon ce cadre théorique, l’idée principale est que le point de départ de tout apprentissage doit être un problème, un questionnement, ou un puzzle que les élèves souhaiteraient résoudre.
En effet, l’un des premiers traits de l’apprentissage par résolution de problèmes est le fait qu’il est centré sur l’élève actif. Enseigner par résolution de problèmes, c’est mettre l’accent sur l’acquisition des connaissances plutôt que sur leur transmission et leur mémorisation.
Cette méthode propose aux élèves des problèmes qui leur demandent de mettre en relation de nouvelles connaissances avec des connaissances familières, qui leur demandent d’être actifs dans le traitement de l’information qu’ils reçoivent, est une façon de les faire participer activement à leurs études.

L’éducation à la gestion des risques naturels nous apparaît, selon cette approche, comme une réponse à un problème à résoudre.
Elle doit révéler la complexité des problèmes inhérents à cette gestion, dans l’objectif d’apprendre à l’élève à les identifier (ou même les anticiper), les affronter et y apporter des solutions. Pour atteindre ses finalités, l’éducation à la gestion des risques naturels doit éviter de dissoudre la complexité des apparences, et de simplifier ou de réduire un problème multifactoriel à une seule cause puisque ceci ne résout pas un problème complexe de la vie courante, surtout que la connaissance progresse principalement par capacité à contextualiser et à globaliser. Mais d’autres approches peuvent être étudiées telles que l’approche par l’intégration des acquis en particulier une approche par les compétences. Celle-ci apporte une plus-value incontestable, tant en termes d’efficacité interne qu’en termes d’efficacité externe ou d’équité.
L’éducation à la gestion des risques naturels à l’école devrait être conçue selon une logique interdisciplinaire développant des compétences de résolution de  problèmes répondant ainsi aux problèmes de gestion du réel vécu. En effet, si l’objectif de l’enseignement est de développer l’autonomie chez l’élève, il serait profitable de penser à une transposition didactique qui permettra de créer des situations pédagogiques où l’élève est actif. Or, l’enseignement actuel ne permet pas de former les élèves tunisiens à la recherche autonome de l’information. Ainsi se trouve délaissée la construction d’une compétence dont chacun sait bien qu’elle sera une des compétences majeures du citoyen du XXIe siècle où les gens n’acceptent plus l’idée que les risques naturels sont des phénomènes implacables et refusent d’être assujettis aux aléas des phénomènes naturels car l’idée de la fatalité est devenue caduque.

Décideurs et responsables de l’éducation en Tunisie sont donc invités à revoir la rédaction des contenus inhérents à l’éducation à la gestion des risques naturels pour pallier ces insuffisances. Pour aboutir à une transposition des prescriptions officielles qui ne soit pas problématique, les styles d’écriture et de rédaction du type persuasif et participatif, les images du type heuristique dans les manuels scolaires pourraient aider à la construction de compétences dont les élèves ont besoin pour affronter les problèmes de leur environnement tels que les problèmes liés aux risques naturels et à leur gestion.

Dr. Fadhel Harzalli

Universitaire-chercheur en didactique des disciplines, option : géographie

 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Sarra - 03-03-2015 13:45

Document très intéressant et de grande qualité qui reflète la maîtrise on ne peut plus parfaite de la question de la part de M. Harzalli . Toutefois pour atteindre le maximum de lecteurs, il convient à mon humble avis d'essayer de simplifier à l'avenir et autant que possible certaines notions techniques propres au thème.

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