News - 16.12.2014

Ennahdha : Que s'est-il passé entre la 32ème et la 33ème session de Majlis Choura ?

Contrairement à ce que son nom l’indique, le Majlis Choura du mouvement Ennahdha n’est pas l’instance consultative, mais bien  l’institution délibérative du mouvement,  en tout cas sa plus haute instance entre deux congrès.

En une semaine d’intervalle ce Majlis a tenu deux sessions, la 32ème et la 33ème et rien qu’à la lecture des communiqués issus de ces deux sessions on se rend compte que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du mouvement islamiste entre les 6-7 décembre et le 13 du même mois.

Une lecture comparative de ces deux documents où chaque mot a été pesé et sous-pesé est du reste fort instructive.

Ainsi le communiqué de la réunion des 6 et 7 décembre dont les débats ont été houleux d’après certaines sources et où le leader du mouvement Ennahdha aurait menacé de démissionner, une information du reste non démentie jusqu’ici est tout entier consacré à la position du mouvement concernant le second tour de l’élection présidentielle. Il a fallu attendre les dernières lignes pour lire qu’Ennahdha maintenait sa position  exprimée à la veille du premier tour recommandant aux «fils du mouvement et à l’ensemble des électeurs de voter en faveur du candidat qu’ils considèrent en mesure d’assurer le succès de l’expérience démocratique et de réaliser les objectifs de la révolution à la liberté, à la démocratie et à la justice». Une simple lecture du texte laisse supposer que les tenants de la ligne favorable au président sortant et ex-allié du mouvement au sein de la Troïka, Moncef Marzouki ont eu le dessus.

Dans le  communiqué du 13 décembre annoncé  à l’issue de la 33ème session (qui n’a duré qu’une journée au lieu de deux pour la précédente, détail significatif), la question du choix du candidat à soutenir est vite expédiée dès le premier paragraphe mais sans la logomachie habituelle puisqu’il est dit sans emphase que le mouvement «délègue à ses sympathisants et à ses électeurs  à choisir celui qu’ils considèrent comme le plus apte à présider aux destinées de la Tunisie». Exit la référence, jugée sans doute superflue à «l’expérience démocratique et à la réalisation des objectifs de la révolution».

Le reste du texte est consacré à plus important. Le mouvement islamiste exprime, en effet, son appréciation pour le «nouveau paysage de concorde au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple» en appelant tous les députés à maintenir cette «atmosphère positive et cette confiance réciproque». Il va plus loin en invitant la direction du mouvement à «fructifier la voie de l’entente et du partenariat» avec ses partenaires de l’étape précédente pour éviter au pays de «tomber dans la voie de l’exclusion et de la polarisation idéologique» à laquelle certains partis appellent «poursuivant les politiques dont les Tunisiens avaient souffert lors de la période de la dictature». Un message à peine voilé adressé au Front populaire.

L’avant-dernier paragraphe, le plus important  ne va pas par quatre chemins. On y lit la «conviction» du mouvement quant au «besoin du pays dans l’étape prochaine à un état  solide de stabilité politique et sociale qui nécessite la construction de la plus large base politique possible à travers un gouvernement d’union nationale fondé sur un programme économique et social à la hauteur des revendications de l’étape et des attentes de notre peuple à la liberté, à la dignité, au développement, à la justice sociale et à la sécurité».  C’est sans doute une main tendue au candidat Béji Caïd Essebsi  qui est en même temps le leader du premier parti sorti des urnes aux législatives et qui lui revient de former le prochain gouvernement. On peut lire aussi ce paragraphe  comme l’expression de la  conditionnalité  à une «neutralité positive» en sa faveur.

Ce n’est pas un hasard que le communiqué consacre son dernier paragraphe au cas de Hamadi Jebali l’ancien secrétaire général  qui a annoncé entre les deux sessions son retrait du mouvement. Sa démission  qu’il dit «irrévocable» dans Al-Chark Awsat  ainsi que les positions critiques  de deux faucons d’Ennahdha, les anciens constituants Habib Ellouze et Sadok Chourou , tous trois favorables à Moncef Marzouki  indiquent clairement que quelque chose est en train de se tramer au sein du mouvement. En tout cas le changement de tonalité entre la 32ème et  la 33ème session de Majlis Choura suggère que la ligne du président du mouvement Rachid Ghannouchi , en faveur de l’apaisement et de l’entente avec les autres partenaires de la scène politique semble pour le moment  prévaloir .

La réunion de ce samedi a porté sur «les contacts politiques » qui ont eu lieu entre temps et le mouvement souligne dès l’abord son «attachement à l’intérêt du pays et à son unité nationale» et affirme sa résolution à «contribuer à la réussite de l’opération électorale,  à sa loyauté et à sa transparence,  ce qui est de nature à ouvrir devant le pays et son expérience un avenir plein de promesses». Optimisme béat. Optimisme bien calculé plutôt.

Raouf Ben Rejeb

 

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