Opinions - 04.11.2014

L'abstention nuit à la Démocratie

Aux dernières élections, le nombre de votants s’élève à 3.407.943 (El Maghreb du 1/11/2014). Si l’on divise ce nombre par celui des électeurs inscrits (5.236.244), on trouve un taux de participation très voisin de 65%. (Les chiffres qui circulent se situent entre 62 et 70%). Mais ce pourcentage ne tient pas compte de tout le corps électoral, c’est-à-dire de l’ensemble des citoyens en âge de voter. Ce dernier comporte des inscrits et des non-inscrits sur les listes électorales.

Le corps électoral peut être estimé en se référant aux données de l’Institut National des Statistiques (INS). D’après cet organisme, en 2014 la proportion des citoyens dont l’âge est compris entre 15 et 59 ans est de 66%, celle des citoyens dont l’âge dépasse 60 ans est de 11%, soit un total de 77%.  Si l’on tient compte du taux d’accroissement annuel de la population (1,03%), on peut estimer le nombre de citoyens ayant entre 15 et 18 ans, d’où l’on peut déduire la proportion des citoyens ayant un âge égal ou supérieur à 18 ans à près de 75%, ce qui conduit à un corps électoral voisin de 8,25 millions de citoyens.

Si on rapporte le nombre de votants à l’ensemble du corps électoral on obtient 41,3%, c’est le véritable taux de participation et non pas 65%, car il n’y a pas de raison d’éliminer les non-inscrits de l’ensemble des citoyens susceptibles de voter. Ainsi donc seuls près de 40 % des Tunisiens susceptibles de voter se sont rendus aux urnes. Ce qui veut dire que près de 60% du corps électoral (58,7% exactement) n’ont pas exprimé leur avis dans des élections qui engagent l’avenir du Pays. A titre de comparaison, ce taux d’abstention est bien plus élevé que celui enregistré en France au premier tour des élections législatives de 2012  (42,78) et avoisine celui des élections européennes de 2014 (56,5) par suite de la désaffection des Français vis-à-vis de l’Europe. Il dépasse largement celui des élections fédérales allemandes de 2013 (28,45).Source Wikipédia.

En ce qui nous concerne, on peut constater que cette gigantesque opération électorale avec tout ce qu’elle a nécessité comme effort de mobilisation à l’échelle du Pays (préparation, financement, recrutement, inscription, vote et dépouillement etc.) n’intéresse que moins que la moitié de nos concitoyens adultes? Peut-on déduire que les citoyens restants acceptent le choix des autres et s’accommodent de toute forme de gouvernement qui en résulte?  ou  qu’ils sont dégoutés de l’ambiance dans laquelle s’est déroulée la campagne au point de bouder les élections ? ou qu’ils sont désabusés et convaincus que quel que soit la couleur de l’Assemblée rien ne changera à leur situation, ou ...  On peut disserter en long et en large sur les raisons de cette abstention, mais on ne peut nier qu’en s’abstenant, le citoyen laisse les autres décider à sa place de l’avenir du Pays et se dérobe face à ses responsabilités vis-à-vis de la communauté. Le hic est que durant le mandat qui va suivre, ces 60% vont se retrouver avec les autres dans des manifestations ou des actions réclamant la promulgation ou l’abrogation de lois par des députés qu’ils n’ont pas pris la peine de choisir ou qu’ils ont refusé de choisir. Quelle contradiction! 

Faut-il inventer un système qui interdise aux ‘abstenants’ de prendre part à ces revendications ? ou bien instaurer le vote obligatoire, à l’instar d’un grand nombre de Pays d’Europe et d’Amérique Latine, en instituant certaines mesures (blâme, amende, privation de certains droits. . .) pour responsabiliser le citoyen vis-à-vis de la communauté et l’obliger à avoir un comportement social cohérent avec ses prises de position politiques ? Certes cette option ne plait pas aux défenseurs des libertés individuelles, mais la défense de ces libertés consiste-t-elle à laisser libre cours aux envies du citoyen y compris en le laissant entreprendre des actions en contradiction avec ses propres prises de position passées ? Ces libertés ne supposent-elles pas au préalable un minimum de responsabilité? Et puis un gouvernement qui n’arrive pas à collecter les impôts auprès de tous les contribuables aurait-il la possibilité de récolter les amendes auprès des nombreux ‘abstenants’ ? Autant de questions et bien d’autres qui nécessitent réflexion.

Quoi qu’il en soit, l’inscription sur les listes électorales, qui conditionne l’exercice du droit de vote, est une opération qui ne peut pas englober tout le corps électoral, quels que soient les moyens mis en œuvre pour la réaliser. De plus, même si elle a été effectuée à la fin de la campagne d’inscription en faisant du porte-à-porte, elle a obligé un grand nombre de citoyens à faire une démarche supplémentaire. De ce fait elle a  contribué à augmenter le taux d’abstention. L’ISIE doit réfléchir sur sa pertinence..

Enfin, l’analyse des résultats des élections montre qu’à part quelques exceptions, le taux de participation à l’intérieur du Pays est plus élevé dans les circonscriptions côtières. Ce n’est certes pas le climat qui est à l’origine de cette différence, mais les conditions de vie des citoyens. L’amélioration de ces conditions est de nature à inciter le citoyen à s’intéresser davantage à la ‘chose publique’.

Mohamed Jemal

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