News - 03.08.2020

Une première en Tunisie : Un coup d'État institutionnel contre le régime des partis et l’establishment politique

Une première en Tunisie : Un coup d'État institutionnel contre le régime des partis et l’establishment politique

Par Dr.Ezzeddine ben Hamida. Professeur de sciences économiques et sociales - La constitution de 2014 n'interdit pas au Président de choisir un chef de Gouvernement en dehors des partis. En effet, l’article 89 de la constitution confère clairement cette autorité morale au Président : « (…) Si le Gouvernement n’est pas formé au terme du délai fixé ou si la confiance de l’Assemblée des représentants du peuple n’est pas obtenue, le Président de la République engage, dans un délai de dix jours, des consultations avec les partis, les coalitions et les groupes parlementaires, en vue de charger la personnalité la mieux à même d’y parvenir de former un Gouvernement, dans un délai maximum d’un mois. »

Charger Hichem El-Mechichi, un énarque inconnu du grand public du moins jusqu’au mois de février, de former le futur gouvernement a été un magistral coup d’Etat institutionnel contre l’establishment politique. Une telle manœuvre me rappelle celle de René Coty en nommant en 1958 le Général De Gaulle chef de Gouvernement après une traversée de désert de plus de douze ans et demi. En avril 1962, ce dernier à œuvré de la même manière en faisant appel à Georges Pompidou Normalien, agrégé de lettres et diplômé de Science politique, ancien directeur général de la banque Rothschild et membre du Conseil constitutionnel de 1959 à 1962. Dans les deux cas, le chef du Gouvernement a fini par succéder au Président de la république en accédant à la magistrature suprême!

Au Portugal, en 2015 sous le diktat de l’Union européenne, on a même vu pire : le Président a refusé au départ de confier le gouvernement du pays à la coalition anti-austérité, au motif qu’elle contenait des partis hostiles à l’euro, alors que cette coalition était majoritaire au parlement avec 62% des voix. Il a fallu à cette coalition de réviser sa copie et de revoir ses ambitions à la baisse.

1/ L'Histoire, avec un grand H

À l'instar des grands économistes qui sont des vrais penseurs et connaisseurs de l'Histoire des faits économiques et sociaux et de la pensée économique, Kais Saied, professeur de droit public, est un connaisseur de l'Histoire des faits, de la philosophie et de la pensée politique. Un constitutionnaliste qui a donc une connaissance très fine de l'histoire des nations et de leurs tumultes politiques. Sa nomination d’Ekyes Fakhfakh et ensuite celle de Hichem El_Mechichi en sont l'illustration de cette parfaite maîtrise des outils constitutionnels. Il a pris en effet de court l’ensemble de la classe politique. « La parfaite connaissance de l'Histoire est la principale caractéristique des Grands hommes politiques. » disait François Mitterrand. 

2/ L’autorité morale du Président : Article 72 face au régime des partis

Article 72 "Le Président de la République est le Chef de l'État et le symbole de son unité. Il garantit son indépendance et sa continuité et veille au respect de la Constitution." Ces mots, ces simples mots, confèrent au Président de la République une autorité morale extraordinaire, singulière. Une autorité qui surplombe toutes ses prérogatives présidentielles. Il est en clair notre dernier rempart contre l'effondrement, la dislocation de l'Etat. Par ce fait, les articles 77 et 80 ne sont que les outils de cette autorité morale. Une autorité jusque là ignorée, obstruée, inexploitée!

Après le 14 janvier 2011, le régime des partis s’est imposé en force : Le pluralisme a permis, contre vents et marées, la consécration de la démocratie comme mode de fonctionnement et la pacification de la conquête du pouvoir par le vote. Cependant, sur le plan économique ce pluralisme n’a pas réussi à impulser une dynamique de croissance capable de fléchir la courbe du chômage. En fait, les partis en présence n’avaient pas de programme économique et Ennahdha, un mouvement conservateur, avait un projet sociétal qui menaçait de dénaturer notre tunisianité. Ces tiraillements durent depuis près de dix ans ; les partis sont si discrédités que le pays est presque au bord de la guerre civile.

Dans ces conditions, l’Homme de la Nation, le Président, ne peut être l’homme d’une formation politique.

Dr.Ezzeddine ben Hamida
Professeur de sciences économiques et sociales
 

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5 Commentaires
Les Commentaires
chedly selmi - 03-08-2020 17:12

"le pays est presque au bord de la guerre civile" Qui est le responsable : Nous voulons des indications palpables et des faits et non pas une opinion de ...................... Nous voulons une analyse scientifique qui tient debout et non pas de la philosophie des ...................

Amor Ben Rabah - 03-08-2020 20:36

Cet article est plutôt une approche anthropologique de la situation actuelle du pays qu’autre chose.

A. B - 04-08-2020 07:12

Et qui ne connait pas le coup de maître de De Gaulle ? Il faut pas trop s'emballer et attendre pour voir. Le président a peut être été bien conseillé mais personne ne connait le fond de sa pensée.

Mondher Sayadi - 05-08-2020 09:35

B...Une très belle... Lecture de l'histoire... Inchallah les hommes politiques...en TUNISIE... prennent Considération...VIVE LA TUNISIE...

Aida Bouchadakh - 05-08-2020 12:19

Effectivement, la démocratie s'est mue en particratie. Ce n'est peut être pas parfait mais c'est un moindre mal, bien nécessaire pour pallier aux dérives dictatoriales que nous pourrions connaître, compte tenu de notre histoire. Le président a certes une légitimité constitutionnelle qui lui donne un grand pouvoir moral, surtout dans la mesure où il agit conformément au préscrit de la constitution et contribu à la mise en place de la cour constituionnelle ....

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