Thala la martyre : commémorer le 8 janvier 2011
Thala est une petite ville de l’ouest du pays juchée sur la dorsale tunisienne tel un aigle royal perché sur un rocher de la haute montagne. Le nom de Thala tire son origine du mot berbère qui signifie source. Thala est source d’eau, de vie et de lutte. La petite ville de par sa superficie est grande, très grande par son histoire de lutte contre les diktats des Romains, des Arabes et des Beys. Thala est une place forte sur laquelle s’est appuyée l’Armée alliée pour stopper l’avancée de la Panzerdivision de Rommel durant la seconde guerre mondiale. Durant la révolution tunisienne de janvier 2011, la ville a été la pierre tombale du régime dictatorial de Ben Ali. Le 8 janvier 2011, Tout Thala se souleva contre le régime et mena le combat le plus meurtrier de la révolution tunisienne. Les forces de l’ordre étaient tellement débordées que l’on fit appel à l’Armée à partir du 9 janvier pour assurer la sécurité des citoyens et du pays.
Le 8 janvier 2011 est pour la Tunisie une date très douleureuse . Elle est aussi la plus douleureuse car elle a vu tomber le plus grand nombre de martyrs en un temps très court. Elle évoque un sentiment pénible et une souffrance morale intense pour les familles. Et même pour certains qui l’ont vécue de loin la nuit du 8 au 9 janvier resta gravée pour longtemps dans leurs mémoires. Elle est aussi l’histoire pénible d’une noble dame de Thala qui mérite d’être racontée.
Le 8 janvier 2011, au début de la nuit, le commandant de la garnison militaire de Jendouba travaille encore dans son bureau quand soudain le téléphone retentit. Le standardiste l’informe qu’une femme de Thala, mère d’un soldat du régiment voulait lui parler. Comment pourrais-je vous servir madame ? Une voix féminine impassible comme le marbre de Thala sollicitait le commandant de ne pas donner une permission à son fils. Elle devait ajouter que son fils ainé a été tué par balles, il y a quelques heures et qu’elle avait peur que son frère ne rejoigne le soulèvement et périsse à son tour. Ce qui marquait l’esprit était le comportement de cette grande dame. Lorsque tous les proches étaient en pleurs et en colère, cette noble mère gardait tout son calme et pensait à préserver l’autre fils. Elle devait occulter tout son chagrin et sa souffrance pour rester royale comme l’aigle de Thala.
Quelques mois plus tard, au mois de décembre 2011, le Tribunal militaire du Kef entamait l'examen de l’affaire des martyrs de Kasserine et Thala. Des membres de leurs familles et des proches ainsi que des responsables de la société civile régionale étaient présents. Je m’attendais à ce que cette dame soit présente à la première rangée tenant à la main la photo du martyr. Elle n’y était pas. Les audiences du Tribunal devaient se succéder chaque quinzaine et à chaque fois je m’empressais de chercher cette dame mais ni elle, ni ses enfants ne vinrent. J'en déduis aujourd'hui, que cette dame aimait beaucoup son enfant mais ne montra point son chagrin. Cette noble dame se dissipa à tous les regards et à tous les médias et préféra avec son âme partir rejoindre son fils dans l’autre monde tellement on chagrin était grand.
A cette noble mère, à cette grande dame de Thala , à cet Aigle Royal martyr et mère de martyr tous les hommages . Il est difficile d’oublier un certain 8 janvier 2011 à Thala.
Mohamed Nafti
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