Opinions - 13.10.2015

Enfin une reconnaissance internationale de la société civile tunisienne

Enfin une reconnaissance internationale de la société civile tunisienne

Le 9 Octobre 2015 sera désormais un jour historique pour la Tunisie.

La Quartet constitué de l’UGTT, de l’UTICA, de la LTDH et de l’Ordre des Avocats, qui sont les poids lourds de la société civile tunisienne, vient d’être honoré par le « Prix Nobel de la Paix 2015 ». Honoré pour son rôle de médiateur entre les différentes forces actives lors de la crise politique aigue qu’avait traversée le pays suite à l’assassinat du député de l’ANC, le défunt Mohamed Brahmi,  martyr de la démocratie.

Lorsque la population de tout bord battait les pavés du Bardo, durant tout le mois du Ramadan de l’été 2013, pour protester contre l’assassinat de Brahmi et pour exiger la chute du gouvernement de la Troïka, je ne cessais de penser à la société civile libanaise qui avait tant de fois  carrément campé durant des mois devant le Parlement libanais sans toujours obtenir un résultat. Je me disais en mon for intérieur « mais qui va canaliser toute cette énergie déployée par les Tunisiens pour sortir avec un accord quelconque sur lequel nous pourrions continuer de construire? »

Ce fut le Quartet qui à travers l’organisation d’un « Dialogue National » avait réussi à dénouer la situation de manière consensuelle sauvant ainsi notre transition démocratique.

Aujourd’hui, je ne peux que remercier tous ceux qui y ont participé et veillé à sa réussite. Je remercie tout particulièrement les députés qui avaient entamé un « sit in » illimité, lequel avait déclenché une mobilisation générale. Je remercie bien entendu, tous les Tunisiens qui étaient là tous les soirs au Bardo pour imposer leur existence citoyennes.

Je remercie enfin, trois chefs de partis que nous pouvons aujourd’hui qualifier de « Sages du Pays ». Mustafa Ben Jaafar qui avait fait monter la pression à son summum en fermant l’ANC, puis Béji Caid Essebsi et Rached Ganouchi qui avaient tous deux accepté de s’asseoir autour d’une même table de dialogue. Sans oublier que Rached Ganouchi avait aussi accepté que son parti, grand gagnant des élections,  quitte le pouvoir essentiellement sous la pression de la société civile. En effet tous les autres partis réunis ne seraient pas arrivés à obtenir le départ d’Ennahdha uniquement par le vote ce qui aurait pu tenter Ennahdha de se maintenir au pouvoir. Ce fut  la société civile qui avait eu le dernier mot.

Je suis heureuse pour mon pays et fière d’être tunisienne. Fière d’appartenir à cette société civile en pleine expansion. Une société civile qui a fait toute la différence avec tous les autres pays du printemps arabe.  Pour eux, leurs choix  les ont menés vers un désastre cauchemardesque d’autant qu’ils n’ont aucune société civile capable de jouer le même rôle de médiation que la nôtre.
A ce jour, nous avons traversé et nous continuerons de traverser des zones de fortes turbulences, mais nous sommes néanmoins sur la bonne voie vers une démocratie irréversible. Une démocratie dont le pilier central est précisément l’ancrage d’une société civile indépendante, active et mature. Une démocratie dont la qualité dépendra de la qualité de sa société civile et des valeurs de son peuple. Le multipartisme et les élections n’étant qu’une des facettes de cette démocratie naissante.
La société civile est, en effet, le rempart contre toutes sortes d’excès des politiques et le ciment qui favorisera l’entente et l’harmonie entre les différentes forces en constante compétition. Souvent d’ailleurs, l’UGTT et l’UTICA ont réussi à accorder leurs violons dans l’intérêt suprême de la nation créant ainsi la spécificité tunisienne. D’ailleurs, lorsque nous remontons l’histoire de ces deux institutions, nous découvrons que ce fut le même fondateur, Farhat Hached, qui les avait crées toutes les deux. C’est dire qu’à la base, la vision était cohérente.

Soyons donc conscients de la valeur du chemin parcouru et même si nous nous trouvons au plus bas de l’échelle démocratique,  faisons de notre mieux pour  être à la hauteur de ce Prix. Qu’il soit pour nous un nouveau point de départ vers plus de paix, de stabilité, de travail et de rendement. D’autant que ce Prix fut décerné non pas à une personne, mais pour la première fois de son Histoire, à un peuple à travers sa société civile. Un Prix qui doit nous servir de catalyseur pour que notre société civile ne se contente  pas de ces quatre poids lourds mais qu’elle continue son développement, son expansion  et sa structuration afin qu’elle puisse peser suffisamment pour se faire entendre et que son efficacité puisse toucher tous les domaines vitaux de notre pays.

A mon humble niveau en tant que Présidente de l’association « Mosaïc Tunisie », j’ai eu l’honneur au mois de Janvier dernier d’avoir été la première signataire d’une pétition de soutien à la candidature de la société civile tunisienne pour le Prix Nobel de la Paix 2015. J’en profite pour remercier les 135 autres associations signataires qui ont cru en ce rêve et ont œuvré chacune à son niveau pour que les Tunisiens soient récompensés et que leur société civile soit enfin internationalement reconnue. 

Les hommes, bons ou mauvais, finissent par passer mais les institutions elles, elles restent, elles évoluent, elles se réforment et elles écrivent l’Histoire des peuples et des nations.

Neila Charchour Hachicha

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