News - 11.07.2020

Les partis politiques en Tunisie: Le chaînon manquant

Les partis politiques en Tunisie: Le chaînon manquant

Par Habib Touhami - Dans toute démocratie représentative, l’absence de structures réellement intermédiaires finit par la vider de toute substance. Il n’est pas possible pour les citoyens que nous sommes de se déterminer avec discernement et à propos sur toutes les questions soumises au débat public. Quel que soit son bagage intellectuel ou son parcours professionnel, le citoyen isolé reste démuni face à la complexité grandissante de la vie publique et socioéconomique. Il faut donc recourir aux structures intermédiaires (syndicats, associations, partis politiques, etc.) dont l’existence ne se justifie que par le rôle de relais, de tampon et de médiateur qu’elles doivent jouer entre pouvoir et citoyens. S’agissant plus précisément de partis politiques, leur mission est aussi d’organiser les débats d’idées afin de cimenter les liens internes autour d’un projet politique commun. C’est dire que dans le processus de passage d’une société autoritariste à une société démocratique, les partis politiques occupent une  position centrale, celle du chaînon. Manifestement, celui-ci manque en Tunisie.

Pourtant, le nombre de partis politiques tunisiens dépasse  les deux cents et ne cesse d’augmenter de jour en jour. La majorité n’existe que sur le papier, une dizaine se dispute les faveurs des électeurs. Le fait est que la décomposition-recomposition continue du monde partisan tunisien rend le paysage politique encore plus indéchiffrable. Néanmoins, on peut distinguer au moins quatre traits communs aux partis politiques tunisiens : prédominance excessive du chef, organisation pyramidale inversée, flou idéologique, absence d’une vision sociétale d’ensemble. Ni véritablement partis  idéologiques, de masse ou de cadres, ni partis d’électeurs à l’américaine, la typologie des partis politiques tunisiens s’écarte sensiblement de la typologie courante. Elle constitue un particularisme national, un de plus, qui n’offre pas de véritable solution politique de rechange et qui s’abrite lâchement derrière le « centrisme » et le« consensus » pour réduire la vie démocratique à quelques apparats.

En effet, la démocratie ne se résume pas à l’organisation d’élections libres. Elle ne se résume pas non plus à la liberté de parole et d’expression. Quelle signification peut-on donner à des élections qui reconduisent systématiquement la même politique, les mêmes partis et les mêmes profils au pouvoir (ou à peu près) malgré leur conduite scandaleuse et leur bilan socioéconomique désastreux ? Qu’a-t-on fait depuis dix ans pour réaliser les objectifs de la « révolution » en matière d’emploi et de justice sociale et régionale notamment? Rien, sinon l’adoption de textes aussi creux qu’inapplicables! Que faire de la liberté de parole et d’expression si elle ne sert pas à éclairer les masses afin qu’elles votent en conscience et en toute connaissance de cause ? La télévision, média le plus influent et le plus suivi, donne depuis dix ans dans le sensationnel et la chienlit au détriment de l’information objective et rigoureuse qu’elle doit aux Tunisiens.

Fruit tout autant du nombrilisme atavique du personnel politique tunisien que du mode de scrutin aux législatives, les partis politiques tunisiens renvoient l’image navrante de l’opportunisme, du reniement et de l’inconsistance. Leur responsabilité dans la crise politique et socioéconomique que vit le pays depuis dix ans est immense et incontestable. Leurs querelles, aussi spectaculaires qu’elles soient, ne concernent que trop rarement les problèmes fondamentaux du pays et les solutions à leur apporter. Quels enseignements peut-on tirer des élections dans ces conditions? Au moins un : la baisse continue du taux de participation aux élections législatives constitue le signe d’une « défection » citoyenne, passive jusqu’ici, mais une défection qui ouvre la voie à toutes les aventures dont le retour possible à l’autoritarisme. Si par malheur, ce scénario se réalise en fin de compte, ce sera d’abord de la faute des partis politiques tunisiens.

Habib Touhami



 

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