News - 13.11.2019

Mohamed Larbi Bouguerra: Arrêtez de déverser des poisons sur la tête des Tunisiens!

Mohamed Larbi Bouguerra: Arrêtez de déverser des poisons sur la tête des tunisiens !

Le 16 avril dernier, un avion d’épandage de pesticides s’est crashé à Sidi Bourouis dans le gouvernorat de Siliana. Le pilote a été gravement atteint.
Lundi 11 novembre 2019, dans la matinée, un nouveau drame du même type a coûté la vie au pilote. L’accident a eu lieu dans une zone densément habitée à El Fatah 3 à la Soukra. Il semblerait qu’il s’agissait d’une opération de démoustication suite aux pluies. D’ailleurs, au vu des fortes précipitations du début de la semaine du 11 novembre, on peut se poser des questions sur le sens et l’intérêt de cet épandage aérien.

Ces drames ont eu, curieusement, peu d’écho dans les médias. La classe politique, absorbée par les manœuvres pour le perchoir, est à mille lieues de ces faits terre à terre. Pourtant, il ne s’agit pas de simples « faits divers ».

Les voisins du crash ont senti « de mauvaises odeurs » sur le lieu du drame. Mais que savent-ils des effets sur leur santé du pesticide répandu ? Que savent-ils de ses atteintes à la faune, à la flore et à la nappe phréatique ?

L’accident serait dû au fait que l’aéronef aurait touché un câble électrique. L’avion volait peut -être trop bas (pour que le produit atteigne les flaques et les fossés ?) ou erreur de pilotage ?  Car il est bien connu que les produits et les solvants utilisés peuvent affecter le pilote dans son cockpit en fonction de la température ambiante et de la direction du vent. En principe, l’épandage ne peut se faire si la vitesse du vent est supérieure à 19 km/h et il doit être guidé par un agent sur le terrain qui assiste le pilote. L’enquête élucidera-telle ces points ? 

En France, les textes précisent : « la réalisation d’un épandage doit normalement « faire l’objet d’une information du public et des syndicats apicoles au plus tard 48 heures avant le traitement et d’un balisage du chantier ». A l’affichage en mairie s’ajoute une obligation de mention du traitement sur la parcelle elle-même. »

Mais chez nous, qui a pris cette désastreuse initiative ? Les municipalités ?  Les communes survolées étaient-elles au courant de l’épandage ? Connaissaient-elles la nature du poison déversé sur leurs administrés ?  Les pesticides sont par définition des poisons, des produits toxiques.

A noter cependant que les épandages aériens sont interdits en France depuis 2009 suite à une directive européenne et à la loi du 13 juillet 2010. Les préfets pouvaient cependant encore accorder quelques dérogations « à durée limitée lorsqu’un danger menaçant les végétaux, les animaux ou la santé publique ne peut être maîtrisé par d’autres moyens ou si ce type d’épandage présente des avantages manifestes pour la santé et l’environnement par rapport à une application terrestre, conformément aux dispositions fixées après avis du comité consultatif de la protection des végétaux, et après information de la commission départementale compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires et technologiques. »

Comme on le voit, cet épandage par avion, par hélicoptère ou par ULM est considéré comme exceptionnel par les autorités françaises et, dans tous les cas, seuls cinq pesticides sont autorisés pour l’épandage aérien.

L’article 20 de l’arrêté français du 15 septembre 2014 fixe au 31 décembre 2015 la date à partir de laquelle aucune dérogation ne pourra être accordée pour un épandage aérien.

Qu’attendons-nous pour interdire cette pratique ? Car outre les nuisances et les dangers de l’appareil en vol, les pesticides sont dispersés par la moindre brise et atterrissent sur les riverains et contaminent des milieux qui ne devraient pas être traités.

Notre toute nouvelle ARP jugera-t-elle utile de se saisir et de légiférer sur l’épandage aérien ou devrons-nous attendre d’autres crashs, d’autres drames, d’autres pollutions du milieu et plus d’atteintes aux cours d’eau, aux abeilles et aux pollinisateurs pour qu’enfin on se penche sur cette question pour éviter au pays de manger des aliments renfermant des résidus de pesticides et éviter aussi cancers du sein et de la prostate, maladie de Parkinson et atteintes au cerveau de nos enfants ? Sujets il est vrai autrement moins « sexy » que les manœuvres politiques florentines….mais sujets vitaux pour l’ensemble de la communauté nationale !

Que fait l’Agence nationale de contrôle sanitaire et environnemental des produits (Ancsep) face à ces épandages insensés et face aux dangers des produits toxiques qu’ils libèrent ? En 2015, on nous promettait « un système national de vigilance » pourtant. (La Presse de Tunisie, 4 avril 2015).

Glyphosate et chlorpyrifos…autorisés en Tunisie mais dans le collimateur de l’ONU

Le 7 octobre 2019, le Secrétaire Général de l’ONU a transmis à l’Assemblée générale le rapport (A/74/480) du Rapporteur spécial sur « Les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux » dans lequel on relève ce qui est dit du glyphosate et du chlorpyrifos, deux pesticides très dangereux, très controversés, autorisés dans notre pays par le Ministère de l’Agriculture (Cf « Liste des pesticides homologués en Tunisie actualisée et révisée le 18 octobre 2017 ».)

La France a décidé l’interdiction des principaux usages du glyphosate dès le 1er janvier 2021 et de l’ensemble de ses usages au 1er janvier 2023 sachant que l’Allemagne bannira cet herbicide cancérigène probable fin 2023.

Le Rapporteur spécial des Nations Unies, Baskut Tuncak (juriste et chimiste turc) écrit : « [Le glyphosate] est un ingrédient du « Roundup », produit vendu aux consommateurs comme herbicide….Aux Etats Unis, des jurys ont à maintes occasions conclu que des entreprises étaient responsables des dommages causés aux victimes d’une exposition au glyphosate, estimant dans certains cas qu’elles avaient agi avec « malveillance ». Il ressort de rapports récents que certaines entreprises ont agi de manière non éthique pour faire en sorte que le pesticide demeure sur le marché. Elles auraient notamment parrainé des recherches universitaires pour fausser les résultats, fait pression pour éliminer l’organisme indépendant d’évaluation des risques de l’OMS, qui avait qualifié ce pesticide de cancérigène probable en 2015, et rédigé elles-mêmes des sections des évaluations des risques établies par les organismes de réglementation. L’existence de conflits d’intérêts dans la prise de décisions réglementaire a également suscité des préoccupations.

Que le glyphosate soit cancérigène ou non, les procédures judiciaires et le débat public témoignent d’une érosion rapide et généralisée de la confiance dans les évaluations des risques réalisées par les décideurs. Des études menées sur des enfants ont révélé que ceux-ci étaient exposés au glyphosate pendant des périodes critiques de leur développement. Des médecins et d’autres spécialistes de la santé ont appelé à l’interdiction de ce produit à titre de précaution.

En ce qui concerne le chlorpyrifos, on connaît depuis un certain temps les dangers qu’il présente pour la santé humaine, en particulier celle des enfants. Pourtant, les organismes de réglementation ont généralement été lents à réagir face aux preuves irréfutables des troubles neurologiques que ce produit cause….Les risques sont particulièrement importants pour les enfants….ainsi que pour les travailleurs et les communautés agricoles. ….L’Autorité européenne de sécurité des aliments a récemment conclu qu’ « aucun niveau d’exposition sûr [ne pouvait] être fixé » et a recommandé à l’Union européenne de ne pas autoriser à nouveau l’utilisation du chlorpyrifos en 2020 ».

Espérons que les autorités tunisiennes et la société civile joignent leurs efforts pour nous libérer des pesticides et notamment du glyphosate, du chlorpyrifos et des épandages aériens car ce n’est pas seulement dans les films d’Alfred Hitchcock que la mort vient du ciel !

Mohamed Larbi Bouguerra





 

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