News - 03.06.2010

Marchés boursiers au Maghreb : comment les mettre en synergie ?

Elles ne sont au total que 135 sociétés cotées sur les marchés maghrébins sur 1500 au niveau arabe. Plus, paradoxalement, les plus grands pays du Maghreb (Algérie et Libye) sont ceux qui ont les plus petits marchés boursiers. Et même si les marchés marocain et tunisien partagent de nombreuses caractéristiques, la bourse de Casablanca demeure 7x plus importante que celle de Tunis. Ces vérités livrées par M. Mohamed Fadhel Abdelkéfi, directeur général de Tunisie Valeurs ont interpellé les participants au Forum de l’Atuge tenu à Paris.

L’atelier Finance devait en effet dresser l’état des lieux du secteur boursier maghrébin et en explorer les perspectives, avec en outre pour intervenants MM. Moncef Cheikhrouhou (HEC Paris), Slaheddine Laadjimi (Biat) et Mounir Beltaifa (Briders One). Reconnaissant et droit au but, M. Laadjimi rend hommage au rôle pionnier des banques, souligne l’impératif de développer désormais le marché financier en y convertissant les institutionnels, soulignant qu’il risque de s’avérer étroit ce qui exige la création d’un marché maghrébin quitte à commencer par un micromarché à deux bourses, en réussissant les préalables nécessaires.

M. Abdelkéfi, fort de l’implantation de son enseigne également au Maroc et en Algérie, relève que le secteur boursier maghrébin est un espace très hétérogène: divergences institutionnelles, technologiques et organisationnelles, mentionnant que sur ce plan, seuls le Maroc et la Tunisie sont au même niveau. La bourse de Casablanca a-t-il indiqué affiche une capitalisation de 53,160 M € avec 74 entreprises et un volume quotidien de transactions de 34 M €. Celle de Tunis est au 7ème de la capitalisation marocaine avec respectivement 7.500 M€, 50 entreprises et 5.5 M€ de volume quotidien.

Deux recommandations sont présentées par M. Abdelkéfi. D’abord, les deux marchés (Tunis + Casa) gagneraient à coopérer davantage et à dynamiser leurs échanges. Il serait peut-être souhaitable d’envisager la double cotation sur les deux places. Ensuite, la Libye et l’Algérie gagneraient à s’inspirer des expériences marocaine et tunisienne pour le développement et la réorganisation de leurs marchés boursiers.

Le patron de Tunisie Valeurs réaffirme sa confiance au marché boursier maghrébin et entrevoit de bonnes perspectives pour la bourse de Tunis qui a été l’une des rares dans le monde arabe à n’avoir pas souffert de la baisse en 2008, affichant une croissance continue depuis 7 ans. Il se félicite à cet égard du « déclic pédagogique » impulsé par l’introduction de TPR, Artes, Poulina et bientôt Carthage Cement qui montrent la voie à bien d’autres entreprises jusqu’ici récalcitrantes. Le marché boursier est demandeur de titres de qualité, souligne-t-il, surtout avec le ralentissement de l’investissement privé et l’arrivée de nouveaux clients qui, il y a quelques années seulement ne plaçaient aucun dinar en bourse et les voilà détenir des portefeuilles significatifs.

Jadis les banques, désormais le marché financier


Pour sa part, M. Slaheddine Laadjimi rappelle, avec sa double légitimité de banquier et d’ancien président de la Bourse, que c’est grâce aux banques que les richesses nationales ont été créées, dès le lendemain de l’indépendance. « Il est vrai, reconnait-il, qu’il ya eu de la casse, mais le bilan est largement positif. La Banque Centrale de Tunisie a eu l’intelligence, dit-il, d’inviter les banques à assainir leurs portefeuilles. Aussi, l’effet levier de la défiscalisation a été conséquent. Aujourd’hui, le paysage connait une mutation profonde avec des entreprises qui font face aujourd’hui aux défis de la croissance, de l’ouverture du capital et de la transmission. A elles seules, les banques ne peuvent plus subvenir aux besoins de développement. Même au-delà d’un pool de banques, il va falloir aller sur le marché financier. »
 
C’est désormais possible puisque celui-ci s’enrichit en fonds propres. Il demeure cependant peu profond, peu liquide car il est tenu surtout par des particuliers et non des institutionnels. Une fois renforcé par les institutionnels, il sera plus riche, plus stable et plus rationnel puisqu’il sera fondé sur des recherches et analyses de qualité qui appréhenderont mieux l’avenir. L’avantage des petits porteurs, est cependant d’être plus courageux par rapport aux institutionnels qui développent une aversion affichée pour le moindre risque. Mais, l’impératif est de promouvoir le marché financier en y convertissant les institutionnels.

A brève échéance et face aux besoins des entreprises tunisiennes, le marché tunisien sera sans doute saturé, d’où la nécessité de privilégier un marché maghrébin, plus large et mieux fourni. « Commençons par un micromarché, même à deux bourses, lance M. Laadjimi. Il y a certes des préalables, consent-il, mais lorsque je vois pointer à l’horizon, la convertibilité du dinar, la solution de la question du régulateur, par pays ou central je suis bien optimiste. »

M. Mounir Belltaifa, acquiesce, livrant une analyse instructive de l’évolution de la bourse de Casablanca et des mutations récentes, notamment suite au rapprochement entre les deux plus grandes holdings, l’ONA et la SNI et leur retrait de la bourse, probablement pour y revenir par filiales ou pôles.

Quant à M. Moncef Cheikhrouhou, il ne laisse pas échapper l’occasion pour souligner que les deux initiatives courageuses de la Tunisie, sous forme de programme d’ajustement structurel et programme de mise à niveau, ont été salutaires. Tout récemment, le président de la Banque mondiale recommandait aux pays en développement de s’inspirer du PAS. Quant au PMN, c’est ce qui a réduit le taux de casse et généré une capacité de reproduction et de développement des entreprises sur des bases saines et solides. La Tunisie n’y est qu’à 20 à 25% contre 35% au Maroc et 55% en Egypte, créant ainsi un modèle tunisien «  de casse créative et positive. »

Télécharger la présentation de M. Fadhel Abdelkéfi

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1 Commentaire
Les Commentaires
Walid Essaddam - 15-06-2010 18:10

Merci à Leaders pour ce compte rendu de l'atelier finance. J'ajouterais deux idées importantes développées par M. Mounir Beltaifa (PDG de Bridgers One, cabinet de conseil en stratégie pour les PME à croissance accélérée en zone EMEA) dont l’intervention avait pour objectif de faire le lien entre l’économie réelle et la bourse: -la première concerne les changements induits par une introduction en bourse pour les fondateurs et managers des entreprises au niveau de leur chaîne de valeurs. En effet, les maillons "finance" et "distribution" peuvent prendre une importance démesurée dans leurs priorités, au détriment notamment de celui de la production. Ils doivent alors faire la part des choses et ne pas se détourner de leurs investissements et de leur stratégie de développement à long terme. Il est vrai que la bourse transforme l’approche des investisseurs souvent aux frais des entrepreneurs notamment si les liquidités sont limitées sur le marché -la seconde idée repose sur le lien entre la bourse et le développement durable. D’une part, l’investissement en bourse et le gain facile peuvent appâter les investisseurs et les détourner de l’investissement dans un business avec ses spécificités métiers, ses complexités opérationnelles et humaines. Ceci peut avoir un impact négatif sur l’économie réelle. La bourse crée, d’autre part, une certaine forme d’inégalités au niveau de l’accès aux liquidités, notamment pour les PME demandeuses de liquidités sans être nécessairement prêtes pour une introduction en bourse Cordialement, Walid ESSADDAM Club Finance ATUGE

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