Opinions - 11.10.2014

Présidentielles: Les candidats face au psychiatre

Les psychiatres ont-ils leur mot à dire dans le débat qui agite les multiples candidats au poste de président de la République ou de député? Si la loi semble exiger en filigrane que ces hautes fonctions doivent être exercées par une personne en état de le faire, elle n’exige nullement une expertise psychiatrique préalable.

D’ailleurs, le petit monde psychiatrique s’est accordé depuis longtemps sur le fait que «le certificat de bonne santé mentale n’existe pas !»

Alors que nous assistons depuis peu à une surenchère sur l’état de santé mentale de tel ou tel candidat, grande fut notre surprise de voir un candidat présenter spontanément, dans un besoin de transparence mais aussi par envie de créer un contraste avec l’autre compétiteur plus âgé et donc moins enclin à présenter son bulletin de santé, une attestation de bonne santé physique et mentale.

Ce rapport de santé, signé par une équipe de compétences médicales éminemment respectables, rapporte son avis après avoir procédé à de multiples examens dont une IRM et un examen psychiatrique. L’autre surprise est venue d’un débat télévisé où l’un des dirigeants d’un parti qui promeut la campagne d’un autre candidat fortement interrogé sur son état de santé. Ce dirigeant a déclaré que son candidat est en possession de toutes ses facultés.

Il s’est appuyé sur un avis personnel d’un psychiatre, certes éminent, publié sur la page facebook de ce dernier, mais qui ne concernait en fait qu’une analyse de la teneur du discours d’ouverture de campagne de l’homme politique.

Par ailleurs, les rumeurs vont bon train au sein de la population sur la présupposée bonne santé mentale de plusieurs candidats.

Il m’a semblé utile, dans une démarche à la fois citoyenne et déontologique, en tant que médecin d’abord et psychiatre ensuite assumant de nombreuses fonctions au sein du monde associatif médical, de faire la lumière pour le grand public et à travers le magazine Leaders sur la question de la normalité en psychiatrie et expliquer pourquoi le certificat de bonne santé mentale n’existe pas et ne peut être demandé.

Le psychiatre ne peut pas dire que telle personne est normale, il peut juste constater la présence de troubles au travers d’un examen minutieux comportant au minimum un entretien face à face, une observation du comportement présent et passé, un rapport sur l’histoire personnelle du sujet incluant son enfance et son adolescence, une étude de sa vie instinctuelle et affective, y compris son comportement sexuel, une étude de son jugement et de ses fonctions supérieures comme la mémoire et ses capacités cognitives, une analyse des croyances et des fonctions perceptives, une analyse fine de l’équilibre thymique et de l’humeur. Enfin, l’examen doit être complété par un examen somatique complet, un examen neurologique et des explorations biologiques et radiologiques.

Autant dire que peu de personnes sur terre peuvent échapper à une quelconque étiquette psychiatrique, y compris les psychiatres eux-mêmes, ne serait-ce que le trouble du sommeil, l’anxiété, la dépression, le trouble du comportement alimentaire ou sexuel, parmi les plus fréquemment rencontrés dans la population.

Par ailleurs, la normalité en psychiatrie ne se décrète pas. C’est un repère statistique et non médical. Est considérée comme normale, la personne dont les affects et les comportements rentrent dans le cadre d’une norme statistique. En d’autres termes, si la majorité d’une population a un comportement X et que ce comportement est partagé par la majorité, ce comportement est dit normal, si vous émettez un comportement sortant de la norme, vous êtes anormal.

Par exemple, la majorité de la population âgée entre 20 et 60 ans dort en moyenne entre 6 et 8 heures par jour. Si vous ne dormez que 3 heures par nuit, vous êtes insomniaque et si vous dormez plus de 12 heures par jour, vous souffrez d’hypersomnie quand bien même vous déclareriez que vous vous portez bien.

En d’autres termes, ceux qui sont amenés à consulter un psychiatre sont ceux qui se plaignent d’un certain nombre de leurs comportements ou de leurs émotions ou qui sont amenés par d’autres, leur entourage en général ou l’autorité administrative, à le faire parfois contre leur gré.

Il est donc impossible pour un psychiatre de déclarer une personne saine d’esprit. A l’inverse, quand des évidences sont répertoriées, le psychiatre peut déclarer une personne malade, responsable ou irresponsable totalement ou partiellement de ses actes. Il peut aussi se prononcer sur l’aptitude d’une personne à exercer ou non une fonction donnée.

En partant de ces données, il ne reste plus qu’à rassurer les différents candidats sur la position que peut avoir la psychiatrie à leur égard.

Elle ne peut que les interroger sur leurs motivations profondes. Les vraies réponses peuvent être de cet ordre : J’ai toujours rêvé de dépasser mon père, je veux en mettre plein la vue à ma mère, j’ai envie de réparer une castration qui me poursuit depuis ma tendre enfance, j’ai des comptes à régler avec des ennemis qui me poursuivent, j’ai une forte envie d’apparaître, seule cette fonction peut correspondre à mon ego, etc. Celui qui répondra, c’est pour servir une cause ou être au service du peuple tunisien ; celui-là aura vraiment besoin d’un psychiatre.

S.Z.

 

 

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3 Commentaires
Les Commentaires
Jean Pierre Bernard - 12-10-2014 10:52

C'est très mauvais de voir des psychiatres au sommet de la direction d'un pays ! Leurs jugement est des plus surprenant, et leurs remèdes très délétères pour leurs patients. Et ce sont des individus issus de leur propre camp qui le disent. Ainsi des langues se délient ! John Virapen est justement l'ancien responsable du laboratoire Eli Lilly en Suède ; à ce titre il a écrit le livre "Médicaments effets secondaires : la mort", paru en Français ce printemps 2014. Il y dénonce (avoue ) que : « les antidépresseurs provoquent la dépression » ; « le Prozac : des milliers de suicides et de meurtres » ; « pas la moindre base scientifique à la théorie de la sérotonine » ; « des prescriptions hors autorisations de mise sur le marché » ; « la dangereuse psychiatrisation de l'enfance » ; « la corruption des systèmes de santé et des médecins » ; « les malades sont trop souvent des cobayes »

TEMOIN - 12-10-2014 22:24

Ayant un proche schyzophrene;je l 'ai accompagné chez deux psy réputés le premier un j'menfoutiste;le second lui a conseillé le zyprexa;medicament miracle;hors ce médicament des laboratoires lilli s 'est avéré une horreur sur le foie;une plainte collective a eu lieu(voir un article dans Liberation )en revanche il n 'existe aucune therapie cognitive;pas de travaux sur les progres de la psychiatrie;le divan de FREUD(lire le livre d 'ONFRAY)est périmée ;rien sur l 'ethno psychiatrie de TOBBIE NATHAN.la resilience de BORIS CYRULNIK.Les travaux d 'HALMOS.L 4approche de ZARIFIAN ETC;les familles sont désemparées ;aucun accompagnement;l 'etat des lieux est en jachere

zouhir - 13-10-2014 01:35

J'estime que le psychiatre a un rôle à jouer dans ces enjeux politiques car il peut influencer les uns et peut manipuler les autres. Cet article est un témoin. Si je suis tout à fait d'accord sur votre analyse, je reste sceptique sur vos conclusions. Finalement, je pense que l’individu n'est pas animé seulement par son intérêt personnel excentrique, comme vous l'avez illustré à la fin de l'article, mais aussi par son intérêt sociétale car il est associatif de nature donc la société et le devenir de son environnement fait partie de sa vie. Et cette conclusion « Celui qui répondra, c’est pour servir une cause ou être au service du peuple tunisien ; celui-là aura vraiment besoin d’un psychiatre. » reste utopique et très dévastatrice.

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