News - 13.04.2011

Lazhar Karoui Chebbi, Ministre de la Justice à dossiers ouverts :18 accusations contre Ben Ali, il encourt la peine de mort

Pas moins de 44 actions en justice intentées contre le président déchu Ben Ali et son clan, 192 instructions ouvertes contre les snipers des martyrs, un ancien directeur général de la sûreté nationale et un officier supérieur arrêtés dans l’affaire de Kasserine et Thala, en expropriation, 360 titres fonciers récupérés par l’Etat, et très bientôt démarreront les premiers procès : autant de révélations utiles faites par Me Lazhar Karoui Chebbi, ministre de la Justice. Répondant mercredi soir sur Watanya TV aux questions fort percutantes de Hammadi Ghidaoui, il a fournit des explications détaillées sur l’avancement des instructions ouvertes et les différentes mesures prises, réitéré l’impératif d’indépendance de la justice en exposant ses nouveaux fondements et affirmé surtout que  le gouvernement veillera à ce que la justice soit rendue, dans la sérénité, avec célérité, mais sans précipitation.
Dans un effort manifeste d’innovation, Watanya TV a créé une nouvelle émission d’interviews chaudes, d’un format ne dépassant pas les 45 minutes, dans un cadre soigné, mettant face-à-face le journaliste et son invité, dans une grande franchise. Le baptême de feu, avec le ministre de la Justice, aux dossiers brûlants ne pouvait être mieux choisi.
 
Sur un ton convaincant, l’ancien bâtonnier Lazhar Karoui Chebbi, du haut de ses 55 ans de barreau, et de son militantisme actif a martelé les principes, étayant ses déclarations par des faits irréfutables et des indicateurs fiables. D’emblée, il affirmera avec forte détermination : « Personne n’échappera à la justice ou ne saurait se prévaloir d’une quelconque immunité. La justice s’exercera, équitablement, en toute sérénité, dans la suprématie de la loi, de l’indépendance totale et la garantie des droits des justiciables. Les efforts louables déployés par les juges d’instruction,  depuis le 14 janvier, pour instruire les affaires, réunir les éléments de preuves et établir les faits et les responsabilités, dans des affaires pourtant compliquées et très particulières, ont permis de faire avancer l’instruction de nombre d’actions intentés, à un rythme significatif. Dans les quelques prochaines semaines, les procès seront ouverts et les accusés auront à répondre devant leurs juges des chefs d’inculpation retenus contre eux. Nous n’avons pas voulu procéder par des juridictions d’exception, ni favoriser une justice rancunière et expéditive et avons tenons à ce que ce soient des procès publics, ouverts à tous, garantissant les droits et dignes du noble esprit de la révolution. » Best-Of de l’interview.
 
Actions en justice et procès intentés contre le clan Ben Ali: pas moins de 44 instructions sont déjà ouvertes contre Ben Ali, des membres de sa famille et de proches collaborateurs. 18 affaires concernent personnellement le président déchu. Parmi le chefs d’inculpation retenus contre lui, figurent notamment : atteinte à la sûreté de l’Etat, homicide volontaire, incitation des gens à porter les armes contre les autres, blanchiment d’argent, détention, consommation et trafic de drogue (1,980 kg de drogue saisies à la résidence du président déchu), détention et port d’arme à feu, contravention à la loi sur le change, infractions douanières, etc. 
 
24 mandats d’amener internationales ont été émis et une étroite collaboration est engagée dans ce sens avec les services d’Interpol. De même, nous poursuivons nos efforts auprès des autorités saoudiennes en vue d’obtenir l’extradition de Ben Ali et de son épouse, comme nous le faisons activement avec d’autres pays pour les autres membres de sa famille en fuite à l’étranger.
 
48 Commissions rogatoires internationales, entre principales et complémentaires, ont elles été également délivrées et de multiples démarches entreprises pour la récupération des avoirs à l’étranger. Tout récemment, des délégations canadiennes, américaines et suisses ont été reçues à cet effet et nous nous employons à accélérer les procédures.
 
Expropriations des biens mobiliers et immobiliers du clan Ben Ali : Le décret-loi pris à cet effet figure parmi les mesures prises dès les premières semaines de la révolution. D’ores et déjà,  360 titres fonciers ont été récupérés et transférés à la propriété de l’Etat.
 
Snipers : 192 actions ont été initiées dont 174 contre X et les investigations se poursuivent activement pour identifier les présumés coupables et procéder à leurs arrestations. D’ores et déjà 15 agents ont été écroués et d’autres mandats d’arrêt sont en cours d’exécution.
 
Affaires de Thala et Kasserine : J’ai été fort ému en recevant les familles de 6 martyrs qui m’ont fait des récits poignants. Le juge d’instruction de Kasserine a procédé à l’audition de plus de 300 témoins, effectuant nombre de déplacements sur les lieux à la suite desquels 6 mandats d’arrêt ont été délivrés. Déjà, un directeur général de la sûreté nationale et un officier supérieur ont été arrêtés, auditionnés et mis sous écrous, sachant que l’instruction se poursuit activement pour arrêter tous les autres coupables. 
 
Amnistie générale : l’un des acquis les plus significatifs après le 14 janvier, a bénéficié à 3359 condamnés qui sont désormais non seulement libérés (pour ceux qui étaient détenus), mais aussi réhabilités,  réintégrés dans leur emploi (pour les agents publics),  et admis à faire valoir leurs droits à l’indemnisation. Aussi, 1808 condamnés ont pu bénéficier de la grâce sous forme de réduction de peine.
 
Détenus en fuite : sur les 11000 détenus qui ont pris la fuite, et après l’appel à la réintégration des unités de détention pour pouvoir bénéficier des mesures de mise en liberté conditionnelle, 6400 condamnés ont répondu, à ce jour, à l’appel et chaque jour, de nouveaux détenus en fuite se présentent de leur propre volonté et d’autres sont arrêtés par les forces de sécurité. En retranchant le nombre des bénéficiaires de l’amnistie et de la liberté conditionnelle, le nombre de ceux qui restent en fuite n’est plus aussi important, sachant qu’il se peut que certains parmi eux se soient évadés au-delà des frontières.
 
Dégâts subis par les prisons et les tribunaux : sur les 27 établissements pénitenciers que compte la Tunisie, 17 ont subi des dégâts significatifs, la prison de Monastir en tout premier lieu, comme celle de Borj Erroumi. Le coût des premières réfections s’élève à pas moins de 2.7 millions de dinars. Encore plus, et d’une manière générale, l’état des établissements est à améliorer. Quant aux tribunaux, les dégâts ont touché 12 édifices et les crédits nécessaires à leur restauration sont de l’ordre de 2.5 MD. 
 
Condamnés à mort : Ils sont à ce jour au nombre de 135 et j’ai chargé un haut magistrat d’inspecter leurs conditions de détention qui s’avèrent fort dramatiques, notamment du fait de leur isolement total et ce, pour certains, depuis de longues années, et de l’interdiction des visites familiales comme de l’approvisionnement en produits alimentaires fournis par leurs parents. On m’a rapporté qu’un détenu n’a jamais vu, depuis plus de 20 ans, un seul civil, ne portant pas l’uniforme du personnel pénitencier. Face à cette détresse, j’ai décidé de les autoriser à recevoir une visite familiale et « le couffin », une fois par mois, en attendant de réduire cette périodicité à une quinzaine de jours, voire à une semaine. D’ailleurs, j’ai invité par la même occasion, l’administration pénitentiaire et l’ensemble du personnel, à accorder une attention particulière au traitement humain des détenus et observer un strict respect des conditions fixées à leur égard, en préservant leur dignité et en veillant aux bonnes conditions de leur détention.
 
Révocation de magistrats : Six magistrats connus pour leur implication avec l’ancien régime et contre lesquels d’autres griefs sont établis ont été révoqués. Quatre autres ont été éloignés de leurs postes. Certains magistrats, contestés, ont également été mutés.
 
Indépendance de la justice : c’est un principe fondamental que nous devons tous respecter et faire respecter. Jadis, le pouvoir déchu s’exerçait à soumettre les magistrats à ses oukases et caprices, bafouant les règles d’indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs. Il ne faut pas qu’aujourd’hui d’autres pressions s’exercent contre les magistrats, de quelque source qu’elle soit. Pour mériter de la révolution et réaliser ses aspirations profondes il faudrait que nous oeuvrions tous à ce que la justice soit rendue, dans la sérénité, avec célérité, mais sans précipitation. 
 
Conseil supérieur de la magistrature : il est inadmissible qu’il puisse continuer à être composé de membres désignés et présidé par le Président de la République ou le ministre de la Justice. Une refonte complète est indispensable et doit s’effectuer sur le respect de l’indépendance de la magistrature et l’élection des membres du conseil, avec l’éventualité de porter à la présidence un haut magistrat. Un projet de texte dans ce sen est en cours de finalisation et sera transmis pour avis à l’Association des Magistrats. Sur la base des commentaires reçus, un groupe de travail sera chargé d’établir la proposition finale pour la soumettre au gouvernement. 
 
Association des Magistrats : l’une des toutes premières actions entreprises après le 14 janvier a été la levée de l’injustice infligée à l’association, la réhabilitation de tous les membres concernés de l’Association, en mettant fin à leur éloignement, annulant les mesures disciplinaires exercées contre-eux, leur restituant les émoluments retenus, etc. Dialogue et concertations se poursuivent.
Nouveau syndicat des magistrats : Nous avons appris cette initiative et dès son officialisation, nous serons à l’écoute de ses doléances et lui apporterons l’attention requise à l’instar de ce que nous faisons avec l’association.
 
Professions judiciaires : Le Conseil national de l’Ordre des Avocats a élaboré un projet de loi relatif à la profession d’avocat qui est actuellement à l’étude par une commission constituée à cet effet au sein du ministère. Parallèlement, d’autres commissions se penchent sur la révision du  statut des magistrats, des huissiers de justice, de la loi relative à la profession des huissiers notaires et du personnel des établissements pénitenciers.
 
Personnel des tribunaux : Il travaille dans des conditions difficiles et déploie, surtout pour délivrer en des délais très serrés, des milliers d’attestations relatives à l’amnistie générale, des efforts très louables, restant au bureau jusqu’à une heure tardive de la nuit. Je tiens à les en féliciter et j’oeuvrerai à l’amélioration de leurs conditions.
 
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5 Commentaires
Les Commentaires
Naima Remadi Nour - 14-04-2011 02:52

Nous sommes fiers de vous. Ilhem Chebbi (ma belle soeur) et moi vous portons nos meilleurs sentiments de respect.Bonne continuation.

M. fahem fantar - 14-04-2011 07:01

La démocratie <=> justice et rien d'autre car tout en découle. Vive la révolution, Vive le peuple tunisien.

CHOKRI BEN SALAH - 14-04-2011 08:11

Voua avez oublié de citer le code de procédure pénale (C.P.P) ainsi que le code pénal (C.P) qu'il faut vraiment réviser. Ces codes sont usés et nous ont conduit là où on est. Si la constitution est abolie, il faut avoir le courage de revoir ses deux documents. Pour le C.P.P, il doit indiquer un circuit clair quant un citoyen porte plainte contre un auxiliaire de la justice un citoyen ou contre l'autorité compétente afin de palier contre la dictature de l'article 42 du C.P. Aussi, Il faut revoir le circuit de la plainte au niveau du tribunal pour séparer l'amont qui reçoit la plainte de l'aval qui passe la plainte au jugement. En ce qui concerne le C.P, iles est impératif et pour l'intérêt de tout le monde, de redéfinir les délits dans le temps et dans l'espace. 55 ans de ministère de la justice mais le constat est là. Et pour finir l'ancienne constitution dans l'article 6 dit que tous les tunisiens sont égaux devant la loi et non pas la justice. de ce fait, je suggère que ce ministère porte le nom de MINISTÈRE DE LA LOI pour finir avec la sacralisation de ce département qui a fait défaut de remplir sa noble mission.

Mr safta mustapha - 14-04-2011 12:46

c'est par des faits et non par des paroles que donne confiance à la justice de mon cher pays, après cet entretien avec Mr le Ministre de la justice je commence à voir clair

BECHIR MARDASSI - 14-04-2011 15:05

Il est utile d'ajouter un bureau d'aide jurique pour faire bénéficier les personnes de faibles ressouces.

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