News - 16.10.2022

Neila Nouira Gongi, ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines: Se battre sur tous les fronts

Neila Nouira Gongi, ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines: Se battre sur tous les fronts

Sa plus grande satisfaction, c’est de débloquer des dossiers d’investissement en souffrance ou encore de voir de jeunes start-uppeurs réussir. Neila Nouira Gongi, ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, connaît son ministère sur le bout des doigts. Depuis sa sortie de l’ENA (cycle supérieur), elle y a en effet officié à divers hauts postes, notamment à la tête de la direction générale des stratégies industrielles, avant de diriger le Pôle de compétitivité Monastir-El Fejja, une véritable réussite. Très proche de l’entreprise, à l’écoute des investisseurs, rompue aux discussions avec les institutions internationales, elle a abordé sa mission de ministre avec de grands atouts. Bien que la conjoncture soit très difficile. Cela ne fait que l’inciter à redoubler d’effort et d’ingéniosité.

Quelles sont les grandes difficultés que vous avez rencontrées et comment vous avez pu les surmonter ?

Ce sont plutôt des préoccupations majeures. Faut-il rappeler que la Tunisie connaît une situation économique délicate ayant impacté la compétitivité internationale de nos entreprises, sous le double effet de la crise sanitaire observée depuis mars 2020 et amplifiée par le conflit russo-ukrainien. Cela s’est traduit en termes réels par une hausse sans précédent des prix mondiaux des matières premières, l’envolée des prix internationaux du pétrole et du gaz, avec la forte pression que vous pouvez imaginer sur nos équilibres budgétaires. Le budget des subventions des produits pétroliers a atteint des niveaux alarmants au détriment du budget d’investissement et du développement régional, contre des ajustements programmés dans la loi de finances 2022 représentant seulement 32% des besoins de financement estimés à fin juillet 2022 à 10.2 MD.

En outre, nous avons dû gérer la perturbation des réseaux d’approvisionnement et l’augmentation des coûts de la logistique pour sécuriser les besoins du marché national, spécialement en gasoil et en butane (GPL). Cette conjoncture internationale est aussi à l’origine de la réduction du commerce extérieur et l’augmentation sensible des taux d’inflation dans le monde, donnant lieu à une tendance au resserrement des politiques monétaires.

A eux seuls, ces facteurs externes n’expliquent pas les pressions subies par l’économie nationale, tous secteurs confondus. C’est pourquoi nous avons procédé à un diagnostic de la situation, en tenant compte des grands changements au niveau mondial. Le gouvernement a mis en place un programme national de réformes tous azimuts, rendu public le 3 juin 2022. L’industrie, les mines et l’énergie, constituent une partie importante de ce programme de relance.

Quel bilan en tirez-vous ?

Quand je dresse un bilan pour s’autoévaluer, ce que je fais au quotidien, j’estime qu’il est très positif eu égard au contexte économique tendu, aux difficultés complexes préexistantes et aux projets en instance hérités. Répondre à toutes ces préoccupations est un travail de longue haleine, exigeant persévérance. Nous nous employons à y parvenir.

Quelles sont les principales actions que vous avez le plus réussies au cours de cette période ?

D’abord, l’achèvement de la stratégie industrielle et d’innovation à l’horizon 2035. Les préparatifs vont bon train pour le lancement de l’UGP chargée de la réalisation du premier Plan opérationnel annuel (POA) de cette stratégie avec un budget s’inscrivant dans le cadre de la coopération avec l’UE estimé à 11.2 Millions d’euros.

De plus, nous avons signé, le jour même de la présentation des outputs de ladite stratégie au mois de juillet passé, le premier pacte de compétitivité du secteur de l’industrie automobile à l’horizon 2027. D’autres pactes dans les secteurs des industries pharmaceutique, aéronautique, textile technique, etc. suivront. Ils traduisent en fait les engagements des partenaires public-privé en faveur du développement des secteurs innovants en Tunisie à fort potentiel à l’export et à forte employabilité.

Nous œuvrons à faire du site Tunisie un hub technologique en matière de composants automobiles, une plateforme en matière de production de véhicules électriques, autonomes et connectés, attirer des constructeurs mondiaux de grande envergure, etc.

Aussi, la dynamique imprégnée au développement régional est importante.

L’adoption en conseil ministériel du programme de production d’électricité à partir des ER s’inscrivant dans le cadre de la transition énergétique et l’accélération des projets en instance en la matière constitue une avancée significative. Ce programme comprend la réalisation de 2000 MW éolien et PV durant la période 2022/2025, sur une capacité totale programmée de 3800 MW à l’horizon 2030, en s’appuyant sur l’expérience des cinq projets autorisés par le décret-loi présidentiel promulgué en décembre 2021 avec une capacité de 500 MW.

La sécurisation de l’approvisionnement du marché national en produits pétroliers mérite mention. 

Comment y avez-vous procédé ?

Des mesures d’accompagnement à court, moyen et long termes ont été prises pour contenir un tant soit peu l’effet prix, dont entre autres mesures les ajustements des prix opérés et étant dictés par la conjoncture internationale et inscrits dans la loi de finances 2022, bien que pas avec la cadence programmée suite à la conjoncture difficile à laquelle notre pays est exposé :

Approvisionnement du marché et maîtrise des prix,

Lutte contre le marché parallèle.

Pour lever toute ambiguïté, je tiens à affirmer que nous n’avons nullement l’intention de lever la subvention énergétique (gaz, électricité et hydrocarbures), mais plutôt de la rationaliser et la recadrer pour qu’elle soit orientée vers la population sensible et à revenu limité. S’agissant des mesures à court terme, elles sont à caractère social, d’autres pour la rationalisation et la maîtrise de l’énergie, mais aussi l’infrastructure et le secteur du transport vu son poids dans la structure de consommation.  Les mesures à moyen et long termes concernent plutôt l’atténuation du déficit énergétique devenu préoccupant, l’amélioration de l’indépendance énergétique, la maîtrise des coûts des hydrocarbures.

Le développement de la production nationale d’hydrocarbures en gaz naturel et pétrole brut n’est pas des moindres. Celle-ci observe depuis 2010 une forte régression, comme le montrent les indicateurs disponibles, en l’occurrence le nombre de nouveaux permis accordés, le nombre de puits (actuellement 7 contre 38 en 2010), le volume des investissements d’exploration et de recherche en chute inquiétante, les campagnes d’investigations sismiques 2D et 3D en perte de vitesse, etc.

Nous devons nous féliciter de la dynamique que le gouvernement a imprégnée au secteur des hydrocarbures par l’institution de deux nouvelles concessions d’exploitation Abir et Bochra.

Mais aussi l’approbation de 6 conventions particulières relatives à la concession d’exploitation d’hydrocarbures en collaboration avec l’Entreprise tunisienne d’activités pétrolières (Etap) et/ou avec d’autres sociétés et ce, dans le cadre de la continuité de l’exploitation.  La liste de ces conventions approuvées comporte les concessions suivantes : Maamoura, Djebel Tamesmida, Djebel Grouz, Djebel Douleb, Gremda et Miskar et ce, conformément aux décrets-lois publiés dernièrement au Journal officiel.

Le secteur des mines bénéficie d’une relance

Effectivement, nous enregistrons une reprise relative des activités du secteur du phosphate et dérivés. Il commence à prendre son rythme de croissance progressivement. Durant les 8 premiers mois, les exportations ont augmenté pour atteindre 75% par rapport à la même période de l‘année précédente grâce à l’accroissement de la production et la continuité d’approvisionnement du Groupe chimique tunisien.

Nous n’avons pas pour autant atteint nos objectifs. De nouvelles actions sont lancées 

Mise à niveau des moyens de production et la programmation de nouveaux investissements

Appui au parc de la Société nationale des chemins de fer tunisiens (Sncft) afin d’assurer le transport ferroviaire du phosphate en toute sécurité et de garantir des recettes supplémentaires à la CPG.

Quels sont les défis majeurs que vous comptez relever ?

Notre premier souci, c’est d’assurer la relance économique de la Tunisie en accélérant le processus de rattrapage. Cela dépend de notre capacité de transformation structurelle de l’industrie, eu égard à sa valeur ajoutée dans le PIB et au potentiel qu’elle engrange et qu’elle a réussi à accaparer au fil des ans, en faveur d’une croissance solide, inclusive et durable. Nous œuvrons à l’amélioration du climat des investissements, l’accélération de la réalisation des mégaprojets et projets nationaux ainsi que la promotion de la Tunisie en tant que site privilégié d’investissement et d’innovation constituent le souci majeur du gouvernement.L

’approbation tout récemment en Conseil des ministres d’une loi y relative vient répondre à ce souci de mieux s’intégrer dans les chaînes de valeur mondiales et de création de plus d’emplois qualifiés exigés par l’évolution rapide des technologies et la nécessité de s’intégrer dans cette 4e et 5e révolution technologique. L’ambition de notre pays pour les PME, qui se taillent la part du lion dans le tissu industriel, est grande et consiste à doter la Tunisie des piliers d’une industrie compétitive, technologiquement avancée et respectueuse de l’environnement.

La stratégie industrielle et d’innovation à l’horizon 2035 s’est fixée pour objectifs de :

Augmenter la part de l’industrie manufacturière dans le PIB

Accélérer la croissance des exportations manufacturières

Créer de plus en plus d’emplois qualifiés.

Pour le secteur de l’énergie, une stratégie prospective est en phase avancée et ses résultats seraient présentés en octobre prochain. Ses orientations stratégiques à l’horizon 2030 consistent en l’atténuation du déficit énergétique et l’amélioration de l’indépendance énergétique qui observent une courbe descendante depuis 2010, alors avec un ratio de 93%, pour atteindre un ratio de 51%. Ceci passe inéluctablement par la maîtrise de l’offre et de la demande.

Comment comptez-vous agir sur l’offre ?

Nous mettons les bouchées doubles pour développer la production nationale d’hydrocarbures par :

La révision du code des hydrocarbures en réponse aux exigences en matière de développement de la compétitivité de la Tunisie et l’incitation des investisseurs à développer leurs activités de recherche et d’exploration.

L’amélioration de la capacité d’extraction à travers l’incitation des sociétés opératrices à investir dans les nouvelles technologies en vue d’augmenter leurs productions. 

L’intensification de l’exploration et de la recherche

Nous œuvrons également pour accélérer le rythme de réalisation de projets de production d’électricité à partir des ER afin d’atteindre l’objectif fixé à 35% à l’horizon 2030, en l’occurrence ceux du régime de concession.
Une autre alternative est explorée par notre département. Il s’agit du développement de l’hydrogène vert à usage local et à l’export.

Et au niveau de la demande ?

Nous travaillons sur la réduction de la demande sur l’énergie de 30% à travers les programmes de l’efficacité énergétique et la réalisation des projets de maîtrise de l’énergie supervisés par l’Anme dans les différents secteurs et milieux à travers des actions couvrant la consommation des ménages et du secteur public.

Et pour encourager l’investissement dans les énergies renouvelables, un amendement du décret 983-2017 fixe les règles d’organisation, de fonctionnement et les modalités d’intervention du Fonds de transition énergétique et ce en vue d’encourager davantage l’adhésion aux programmes du FTE.

Quels sont vos plans pour les mines ?

Une étude de repositionnement du secteur est en cours de réalisation en concertation avec les entreprises du secteur, en l’occurrence la CPG et le GCT, et ce, en plus du travail en cours pour en améliorer la gouvernance. Nous avons opté pour une approche proactive pour redonner au secteur la place qu’il mérite sur le plan socioéconomique, mais aussi en termes de position stratégique sur nos marchés traditionnels, voire l’accès à d’autres marchés.

Notre vision pour ce secteur, c’est d’atteindre progressivement une capacité de production annuelle de 6,5 millions de tonnes, soit la capacité réelle, compte tenu de l’obsolescence des unités de production. Nous poursuivons en parallèle la réhabilitation de l’appareil de production pour atteindre la capacité nominale des unités de production de la Compagnie des phosphates de Gafsa, estimée à 8 millions de tonnes.

Par ailleurs, nous travaillons sur la révision du code minier pour la bonne gouvernance du secteur.

Quelle est votre plus grande satisfaction ?

C’est celle de débloquer les dossiers des investisseurs en souffrance depuis plus de deux ans. Je fais allusion au raccordement de la centrale photovoltaïque de Tataouine, d’une capacité de 10 MW, au réseau de la Steg. Il s’agit du projet réalisé en joint-venture par ENI International, filiale du groupe pétrolier italien ENI et l’Etap. Pareil aussi pour le raccordement de la centrale photovoltaïque de Gabès.

Ma deuxième satisfaction, c’était le jour où j’ai écouté les témoignages des jeunes promoteurs, les représentants de plusieurs start-up innovantes lors du Tunisian Forum Investment organisé au cours du mois de juin passé. J’ai vu des start-ups d’envergure internationale qui ont le potentiel de devenir des licornes tunisiennes un jour.

Je mentionnerai aussi la rencontre avec les jeunes créateurs lors des cérémonies que j’ai présidées et relatives aux concours créatifs, par exemple « le salon du cristal », le concours euroméditerranéen Wood Innov Design ou encore le salon de l’entrepreneuriat à Sfax et la journée d’investissement et de partenariat à Gafsa, et bien d’autres.

Certains étaient des lycéens et des lycéennes. Ils vous inspirent confiance en l’avenir, un avenir que nous souhaitons radieux pour tous les Tunisiens.

 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Salah HAMDI, - 16-10-2022 10:08

Toutes mes félicitations, mes encouragements. Que Dieu vous aide. Que Dieu vous protège. Bonne chance. Vos ambitions vous portent au centre d'une Stratégie Structurelle et Opérationnelle à la mesure de vos aptitudes conceptuelles et de bonne gouvernance. Salutations.

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