News - 09.07.2015

Mohamed Yaalaoui : Un Dinosaure Disparaît

Mohamed Yaalaoui : Un Dinosaure Disparaît

L’Université tunisienne vient de perdre l’une de ses grandes figures. Le professeur Mohamed Yaalaoui a marqué bien des générations d’enseignants et d’hommes de lettres. Sa thèse sur Ibn Hâni al-andalusi est une contribution magistrale aux études andalouses. De même ses divers établissements de textes ont enrichi la recherche académique. Mais Mohamed Yaalaoui a écrit aussi de nombreux articles pour grand public. Il était convaincu de la nécessité du renforcement de la culture générale, à un moment où la spécialisation à outrance a rompu les troncs communs qui donnaient de l’épaisseur à l’intellect.


Pétri de culture arabe classique, il n’en était pas moins attentif aux diverses activités culturelles contemporaines. Ses comptes rendus de lecteur, de spectateur, de voyageur où le pittoresque le dispute à un humour qui s’appelle toujours esprit. Ces textes vivants, il les a ramassés dans  trois miscellanées intitulées « Achtât » (Fragments), pour la partie arabe, et Glanes pour les textes écrits dans la langue de Molière.  Car Mohamed Yaalaoui maniait les deux idiomes avec un égal bonheur. Sa disparition à cet égard est une perte irremplaçable pour le restant des parfaits bilingues dont s’enorgueillit l’école tunisienne.


En mars 2009, lors de l’hommage que lui rendit l’Académie Beit Al-Hikma, j’ai axé ma participation sur ces Glanes, concluant que « C’est, peut-être, dans ces bribes, plus que dans l’objectivité académique de ses écrits, qu’on trouve Mohammed Yaalaoui en son intime vérité.»

 

Je connaissais de longue date Mohamed Yaalaoui, le doyen de la Faculté des Lettres, le ministre de la Culture, le député indocile, le participant percutant aux débats du Club Bochra Al Khayr. Sous des dehors parfois abrupts, il avait un cœur généreux. Mais c’est en le côtoyant dans un travail de recherche particulièrement ardu que j’ai pu apprécier sa rigueur scientifique à sa juste mesure. L’Académie tunisienne en coopération avec l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres (Institut de France) avait décidé, pour la remettre dans la grande circulation, d’établir, d’actualiser et de retoucher une œuvre majeure élaborée par l’illustre Silvestre de Sacy : La Chrestomathie arabe. Pour ce faire, une équipe d’universitaires a été constituée, réunissant Mohamed Yaalaoui, Ahmed El Ayed, Hela Ouardi, François Déroche et moi-même. Je ne suis pas près d’oublier cette belle et gratifiante compagnie. Deux ans durant, nous avons travaillé méticuleusement. Ainsi la Chrestomathie toilettée et réorganisée a été publiée, en 2008, chez PUF (Presses Universitaires de France).

 

Mon dernier souvenir est doublement triste. Début février de cette année,  lors de la célébration, à l’ENS, du quarantième jour du décès de notre ami commun, le professeur Taieb Achèche (mort le 21 décembre 2014), autre dinosaure disparu, Mohamed Yaalaoui, souffrant et très affecté, n’a pu assister à la cérémonie. Mais il a envoyé un éloge funèbre des plus justes et des plus émouvants. C’était là son dernier écrit. Il annonçait son propre éloge. 

Abdelaziz Kacem
 

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