Lu pour vous - 25.05.2009

Quand Carthage rayonnait sur la littérature latine

Jamais Villa Didon n’aura été aussi Carthaginoise que ce jeudi 28. Mika Ben Miled nous y gratifiera ce soir-là de la présentation d’un ouvrage clef : «Africains 1 – les Intellectuels carthaginois », œuvre de l’archéologue et historien Paul Monceaux qu’elle vient de rééditer. Au cours de cette rencontre culturelle une spécialiste émérite, Leïla Ladjimi Sebaï, historienne-archéologue expliquera l’importance de cette œuvre et sa contribution à l’avancée des recherches sur l’histoire de Carthage et ses élites.

Tour-à-tour, Leaders a demandé à Mika Ben Miled de nous dire pourquoi elle a pris le pari de rééditer l’ouvrage de Paul Monceaux ? Et à Leïla Sebaï, de présenter l’ouvrage.

« Cette nouvelle publication, souligne Mika Ben Miled, concerne une partie de l’ouvrage de Paul Monceaux intitulé Africains I, Les Païens. Il faut avoir à l’esprit que ce texte date de 1894 ; depuis, plus d’un siècle de fouilles archéologiques et surtout la grande campagne internationale à Carthage à la fin du siècle dernier et le classement du “Parc Carthage-Sidi-Bou-Saïd” au patrimoine Mondial de l’Unesco en 1986, ont permis de mieux connaître ses sites et ses monuments.
   
L’étude de  l' archéologue et historien, Paul Monceaux— parfaitement documentée, est si vivante que les familiers de Carthage que nous sommes, croient entrevoir, ces personnages, parfois au détour des jardins et des rues,  vaquer à leurs occupations.

Cette réédition servira assurément l’histoire de la littérature latine, et particulièrement celle de l’Afrique romaine. Elle servira, non seulement le chercheur ou l’étudiant soucieux de se pencher sur un des aspects, et non des moindres, de la littérature antique, mais aussi le simple néophyte désireux de contacter l’histoire antique de l’Afrique par le biais de l’histoire de son élite intellectuelle et du contexte favorable et original dans lequel cette élite est née, s’est développée, a évolué.

C’est d’abord la vaste introduction que présente l’auteur sur le contexte historique et culturel dans lequel a baigné cette littérature africaine; à cette partie, il est apparu nécessaire d’ajouter ce qui constituait la conclusion du volume qui est consacrée à la vie intellectuelle à Carthage. Ces deux textes (introduction et conclusion), Monceaux les a voulus riches et foisonnants, propices à l’analyse et à la compréhension de ce terreau fertile qui a fait le lit de cette grande et surprenante littérature.

Toutes ces raisons justifient amplement la réédition d’un ouvrage dont l’édition originale est épuisée, et difficilement accessible au lecteur.
   
Les éditions Cartaginoiseries prévoient de rééditer la suite de cette étude avec Africains II, concernant la présentation et l’analyse des auteurs africains païens d’Afrique. »

Le Génie Africain : présentation des Intellectuels et de leurs œuvres

" Nous devons à Paul Monceaux, explique Leïla Ladjimi Sebaï, une œuvre monumentale consacrée aux hommes de Lettres appartenant à cette entité géographique, ethnique et politique, que l’on appelle l’Afrique romaine, et qui correspond approximativement au Maghreb actuel.
    
À l’époque romaine, cette région du monde fut le dernier grand relais de la langue et de la littérature latines, et a eu, entre autres belles opportunités, l'apprentissage puis la maîtrise de cette langue latine; car c’est précisément au moment où les Lettres à Rome donnaient très nettement des signes d'épuisement que les œuvres des auteurs africains se répandirent dans le monde et se mirent à briller d'un éclat particulier.
 
C’est ainsi que depuis le début du premier siècle, date de naissance d’une nouvelle Carthage, la romaine Colonia Concordia Iulia Karthago, installée à l’emplacement même de l’ancienne métropole punique dévastée par les soldats de Scipion Emilien en ce jour fatidique de 146 av. J-C, et jusqu’à la fin de l’époque vandale et même au-delà, une très longue liste de grands noms d’auteurs, païens d’abord, puis chrétiens, nous est présentée dans cette étude remarquable restée jusqu’à présent inégalée.
    
Oui, il faut le dire, depuis Paul Monceaux et la parution de son premier ouvrage publié en 1894 qui concerne ceux qu’il appelle Les Païens, aucune étude d’ensemble de la littérature latine d’Afrique avec ce qu’elle contient de complexité et de grandeur, n’a été réalisé ".

Un monde bouillonnant et fertile                                     
    
Certes les hommes de Lettres de l’Afrique antique ont toujours suscité une grande curiosité et un intérêt certain de la part des spécialistes, et ils continuent, aujourd’hui encore, d’interpeller le chercheur; c’est ainsi que les ouvrages et articles destinés à approfondir et analyser l’œuvre de tel ou tel auteur de l’antiquité romaine d’Afrique sont légion; il n’est pour s’en convaincre que la consultation des bibliographies impressionnantes consacrées, par exemple, au païen Apulée, ou encore aux chrétiens, Tertullien et surtout Augustin.

Mais tous ces travaux, souvent brillants et aboutis, ne s’adressent qu’à l’objet précis d’une recherche précise et ponctuelle qui ne parvient qu’à nous donner une idée forcément limitée et tronquée de la vie intellectuelle de l’Afrique antique. Par contre, le tableau si vivant de ce creuset incroyable, de ce monde bouillonnant et fertile, celui de cette riche, chaude et luxuriante Afrique, où se sont exercés tant de génies divers de la pensée et de la langue, c’est Paul Monceaux qui nous le fait découvrir.
    
Dans cette œuvre il ne se contente pas de nous présenter les auteurs, ou encore d’analyser leurs écrits; c’est tout un contexte, historique d’abord, puis politique, économique, social, et enfin religieux qu’il retrace avec un talent remarquable et une intelligence hors pair.
    
C’est en effet dans une Afrique nourricière, terre de leurs ancêtres, riche d’une histoire bouleversée et passionnante que ces auteurs sont nés, se sont forgés une personnalité, se sont exprimés; Paul Monceaux a su les faire revivre; il les rend accessibles, proches, comme matériels et matérialisés; bientôt on pourrait les entendre parler, déclamer; on pourrait presque les voir déambuler dans les rues de la grande Carthage ou dans celles de leurs petites villes natales de province; les voilà qui reviennent parmi nous ! Ils redeviennent des nôtres ! Nos pères, nos ancêtres, et aussi nos amis !
    
Paul Monceaux ne s’est pas contenté de parler de ces éminents écrivains d’Afrique; il a aussi comptabilisé et inventorié les écrits et les œuvres de tous les jurisconsultes, rhéteurs, grammairiens, métriciens, historiens et poètes. Eux aussi ont leur part au sein de cette brillante étude.

" Toute cette élite intellectuelle est composée d’auteurs qui sont évidemment des Africains de souche, de naissance et de cœur, des hommes dont l’œuvre littéraire, spirituelle ou philosophique a largement dépassé les frontières et transgressé le temps. Ils ont contribué à la grandeur de ce célèbre pôle intellectuel qu’était la Carthage romaine considérée comme l’un des centres littéraires et artistiques parmi les plus brillants de l’antiquité; et ils ont également contribué à construire ce qu’on appelle communément le Génie africain ".



Africains 1 – les Intellectuels carthaginois
Par Paul Monceaux
Éditions cartaginoiseries

 

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